
Une petite série de livres que j’ai achetés récemment ou qu’on m’a offert et que j’ai l’intention de lire cet été. Et peut-être d’autres encore ? Bon été à tous !
Et vous, qu’est-ce que vous avez prévu de lire cet été ?
Une petite série de livres que j’ai achetés récemment ou qu’on m’a offert et que j’ai l’intention de lire cet été. Et peut-être d’autres encore ? Bon été à tous !
Et vous, qu’est-ce que vous avez prévu de lire cet été ?
L’écrivaine canadienne Alice Munro est morte le 14 mai 2024. Elle était née en 1931 dans l’Ontario. Elle écrivait des nouvelles et a été la première autrice de nouvelles à recevoir le prix Nobel pour son oeuvre, en 2013.
Rien que la vie. Les 14 nouvelles qui composent ce recueil sont autant de tranches de vie de leurs personnages ou de l’autrice, pour les quatre dernières qui sont présentées comme étant autobiographiques. Dans Rien que la vie Alice Munro décrit de façon émouvante sa relation à ses parents, la ferme familiale, son environnement et son attachement à ces lieux.
La plupart de ces nouvelles racontent un moment charnière dans une vie. Dans La gravière une enfant de sept ans est la protagoniste d’un drame familial. Devenue adulte, elle tente de comprendre l’événement et son propre comportement. Poignant.
La narratrice de Havre raconte comment sa tante a consacré sa vie à faire de son foyer un havre pour son mari. Jusqu’à l’erreur d’appréciation.
Dans Train un jeune homme qui revient de la guerre saute du train qui le ramenait chez lui. Il s’installe dans une ferme délabrée qu’il remet en état. C’est l’histoire d’un homme qui aime réparer des choses et qui souhaite demeurer sans attaches.
J’ai aimé le rythme lent de la vie quotidienne dont les principales péripéties sont les relations humaines sur le long terme, et les concessions qu’on fait :
« Je n’étais pas retournée chez nous pour la dernière maladie de ma mère ni pour son enterrement. J’avais deux jeunes enfants et personne à qui les confier à Vancouver. Nous n’avions guère les moyens de nous offrir le voyage et mon mari méprisait tout ce qui relevait des convenances, mais pourquoi lui faire porter la responsabilité ? Je partageais son sentiment. De certaines choses on dit qu’elles sont impardonnables, ou qu’on ne se les pardonnera jamais. Mais c’est ce qu’on fait -on le fait tout le temps. »
Les sentiments et les motivations des personnages sont analysées de façon fine, c’est une lecture que j’ai appréciée.
L’action de ce roman se déroule de 1792 à 1824 à Kingsbridge, gros bourg du sud de l’Angleterre où se situait aussi l’action de Le crépuscule et l’aube, Les piliers de la terre, Un monde sans fin et Une colonne de feu. Au tournant des 18° et 19° siècles, les habitants de Kingsbridge voient leurs modes de vie transformés par la Révolution industrielle. L’industrie textile, filage et tissage, se mécanise de plus en plus, entraînant un accroissement des inégalités. Pendant ce temps, en France, c’est la fin de la Révolution puis l’Empire, des événements qui ont des conséquences pour les Britanniques. Elles sont politiques : par crainte d’une contagion révolutionnaire les députés interdisent les syndicats ; économiques avec la crise provoquée par le blocus continental mis en place par Napoléon et militaires quand le pays s’engage dans la coalition contre la France. Il y a alors des enrôlements forcés. Je trouve intéressant d’avoir un regard britannique sur des événements français.
A son habitude, Ken Follett place dans ce cadre historique des personnages très tranchés, vrais méchants ou vrais gentils. Le principal protagoniste négatif est l’échevin Joseph Hornbeam. Patron du textile, il est prêt à tout pour s’enrichir et acquérir plus de pouvoir : mépris pour les faibles, corruption, violence. Il est associé dans ses projets néfastes avec Will Riddick, le seigneur du coin. Tous les deux sont opposés à l’héroïne Sal Clitheroe, devenue veuve au début du roman suite à un accident du travail provoqué par Will Riddick. Fileuse, Sal se positionne bientôt comme porte-parole des ouvriers. Son fils Kit doit travailler dès six ans, après la mort de son père, pour subvenir aux besoins de la famille.
On fait aussi la connaissance de Amos Barrowfield, marchand drapier. Avec Elsie Latimer, fille de l’évêque, ils ont monté une école du dimanche pour instruire les enfants (des) ouvriers. Une initiative qui n’est pas du goût de tous mais qui est soutenue par les méthodistes, des dissidents de l’Église anglicane qui prônent la modération et ont des préoccupation sociales.
Grâce aux nombreux rebondissements romanesques, le résultat est un ouvrage qui se lit très facilement malgré ses 785 pages, parfaite lecture d’été. Vu son épaisseur, il me permet de participer aux Pavés et aux Epais de l’été. Pour les conditions de vie et de travail des ouvriers du textile au début de la Révolution industrielle, il entre aussi dans le défi Monde ouvrier et monde du travail. D’une pierre trois coups !
Un poète homosexuel et sa fille à San Francisco dans les années 1970
Née en 1970, Alysia Abbott est la fille de Steve Abbott, poète et écrivain. La mère d’Alysia meurt quand cette dernière a deux ans. Steve décide alors de vivre ouvertement son homosexualité et s’installe avec sa fille dans le quartier gay de San Francisco. Il est mort du sida en 1992. Dans ce récit à la fois biographique et autobiographique, Alysia Abbott entrecroise le parcours de vie de son père et le sien propre.
Steve Abbott veut vivre de et pour son art. Il fréquente des cercles de poètes et se fait connaître petit à petit dans sa communauté. Il travaille pour diverses revues littéraires et est reconnu dans les années 1980 comme « meilleur éditorialiste gay ». Il y a des précisions sur les différentes écoles de poésie de l’époque : L = A = N = G = U = A = G = E ou New Narrative. Je dois dire que ce sont des choses que j’ignore totalement et qui me passent un peu au-dessus. Malgré une relative notoriété et des emplois alimentaires, la famille tire souvent le diable par la queue.
Enfant unique et père célibataire, Alysia et Steve ont une relation très forte. Ce livre est aussi un message d’amour touchant au père disparu trop tôt. L’autrice est consciente cependant des manquements de son éducation : toute petite elle a été laissée seule à la maison ou confiée à la garde d’une adolescente fugueuse. Il me semble que c’était aussi une époque et un milieu où les enfants étaient laissés beaucoup plus libres qu’aujourd’hui. A l’école et au collège l’homosexualité de son père et sa pauvreté sont pour Alysia des sources de honte. Elle ne cache pas qu’elle a pu se comporter, à l’adolescence, de façon agressive. Très attachée à la communauté gay qu’elle considère comme la sienne bien qu’hétérosexuelle, elle a éprouvé le besoin de s’en éloigner au moment de ses études poursuivies à New York et Paris.
Ce récit est aussi une histoire de la communauté homosexuelle de San Francisco dans les années 1970 et 1980, de la lutte pour les droits à l’épidémie de sida. Sur ce dernier point Alysia Abbott raconte la haine homophobe qui s’exprime ouvertement, le refus du gouvernement Reagan d’utiliser des fonds publics pour la prévention et l’information et les conséquences meurtrières de ce désintérêt, la disparition des proches mais aussi l’organisation de la communauté pour prendre en charge les malades en fin de vie. J’ai trouvé ces rappels sur les débuts du sida fort intéressants.
C’est une lecture que j’ai apprécié. Je l’ai entamée en fin du mois des Fiertés et ça m’a donné l’idée que je pourrais, en juin 2025, organiser un mois thématique LGBTQI. Dites-moi ce que vous en pensez. Y en a-t-il parmi mes lecteur·ice·s qui seraient intéressé·e·s ?
L’écrivain écossais john Burnside est mort le 29 mai 2024, il était né en 1955. Il a vécu une enfance défavorisée auprès d’un père mythomane, affabulateur compulsif. Il en a parlé dans Un mensonge sur mon père. Si ce sont essentiellement ses romans qui sont traduits en français, il était aussi poète et a écrit de la non-fiction.
L’été des noyés. Au nord de la Norvège, dans une île proche du cercle polaire, vit Liv, la narratrice. Elle habite avec sa mère, une peintre dont la notoriété lui permet de vivre de son art, elle vient de finir le lycée et se demande ce qu’elle va faire ensuite. Liv est une jeune fille solitaire dont le seul ami est Kyrre Opdahl, un vieux voisin attaché aux légendes locales de trolls et autres créatures fantastiques. En ce début d’été, deux frères de l’âge de Liv se noient à quelques jours d’intervalle dans les mêmes circonstances insolites. Liv les avait vus quelques jours plus tôt en compagnie de Maia, une autre camarade de classe. Maia est-elle la huldra, une incarnation féminine du Malin qui séduit les hommes pour les attirer à la mort ?
Difficile de savoir en lisant ce roman si on a affaire à un récit traversé de fantastique ou si Liv est « juste » perturbée. Quelque en soit la cause elle est victime de crises d’angoisse et semble à plusieurs reprises proche de la folie. Elle-même, en tant que narratrice qui relate les faits dix ans après leur survenue, ne sait pas trop comment interpréter ce à quoi elle a assisté. Ces événements semblent d’ailleurs se dérouler comme hors du monde. La mort des deux frères a-t-elle déclenché une enquête ? On ne le sait pas. Les épisodes étranges qui ont eu lieu ensuite ont-ils agité quelqu’un d’autre que Liv ? Elle ne le dit pas. La jeune fille vit dans son espace familier et s’en satisfait, sans désir d’en sortir. Attentive à la nature et aux variations de la lumière, elle m’apparaît comme une contemplative.
Mon avis sur ce roman est mitigé. J’ai apprécié la belle écriture aux accents poétiques et la description des paysages, notamment les nuits blanches de l’été nordique. J’ai apprécié aussi la fine analyse psychologique car Liv a le don de percer à jour ses interlocuteurs, de comprendre en profondeur comment ils fonctionnent et ce qu’ils voudraient cacher. Par contre j’ai mis du temps à entrer dans ma lecture car le rythme est lent et il ne se passe, en fait, pas grand-chose. Mon principal bémol c’est qu’à la fin je me demande où tout cela nous mène et où veut en venir l’auteur. Je crains que ce roman ne me laisse pas un long souvenir.
L’avis d’Ingannmic.
Polina Panassenko est née à Moscou en 1989. En 1993 la famille émigre en France. Quand l’autrice est naturalisée française son prénom est francisé en Pauline. A l’âge adulte elle entreprend des démarches pour retrouver son prénom de naissance. Dans ce récit autobiographique, Polina Panassenko raconte son enfance entre deux cultures, la russe dans le cadre privé et la française à l’extérieur. La petite Polina comprend vite qu’elle a intérêt à séparer les deux : il ne faut pas parler russe à l’école ou avec les camarades de peur d’être moquée ; en Russie où la famille retourne chaque été on l’avertit de ne pas parler français. Elle risquerait d’être kidnappée si cela se savait qu’elle vit en France, lui dit-on.
J’ai aimé la description touchante de la relation affective qui l’unit à son grand-père, vétéran de la Grande Guerre Patriotique. Quand celui-ci meurt elle dit que cet événement familial ne prend tout son sens que lorsqu’elle prononce le mot mort en russe : oumer.
J’ai aimé la critique de l’injonction d’intégration que l’on fait à des personnes arrivées toutes petites en France. A travers son propre cas, quand la juge lui oppose que Pauline lui permettrait de mieux s’intégrer : « Je ne vais pas adorer du tout vivre avec un prénom choisit par le tribunal de Bobigny parce qu’il trouve que je m’intègre mieux avec ça. Parce qu’il trouve que comme ça, de la maternelle au cimetière, on garde à l’esprit que s’intégrer est un work in progress ».
A travers le cas de Jallal Hami, mort en bizutage à Saint-Cyr et qui fut son condisciple à Sciences Po.
Le style est enlevé, parfois caustique, souvent amusant et l’ensemble se lit facilement. Le début du récit, qui correspond aux toutes jeunes années de l’autrice, est raconté comme vu à travers les yeux d’une petite enfant avec sa compréhension personnelle des événements qui la touchent. C’est une lecture que j’ai beaucoup appréciée.
Un dernier pour la route, dans une église en Russie :
« je regarde l’affichette scotchée au mur. Un photomontage avant/après. Avant : image 3D d’un fœtus qui demande à sa mère de le garder. Après : image d’un petit garçon joufflu en tenue de la marine de guerre. Elle, elle n’avorte pas pour que lui, il parte au front. C’est clairement win-win. Je me demande qui a eu cette idée. Je me demande qui s’est dit : Elles vont voir ça, elles vont se dire, je le garde ! »
Les avis de Keisha, Luocine, Ingannmic et Je lis je blogue.
Le romancier et historien militaire américain Caleb Carr est mort le 23 mai 2024, il était né en 1955. Il a grandi dans la crainte que son père, qui le battait, ne le tue. Le poète Lucien Carr avait en effet fait de la prison pour homicide involontaire. Le roman le plus connu de Caleb Carr est L’Aliéniste.
New York, 1896. Un tueur en série assassine de jeunes garçons prostitués puis mutile atrocement leurs cadavres. Le préfet de police Theodore Roosevelt charge le journaliste John Moore, narrateur du roman, et le médecin aliéniste (psychiatre) Laszlo Kreizler de débusquer le criminel. Ils s’adjoignent la collaboration des frères Lucius et Marcus Isaacson, deux policiers incorruptibles -espèce rare à l’époque- et de Sara Howard, secrétaire de Roosevelt, qui rêve d’enquêter -métier interdit aux femmes en cette fin du 19° siècle. Ils vont faire un travail de profileurs pour dresser un portrait de l’assassin et lui mettre la main dessus.
Laszlo Kreizler est un médecin en avance sur son temps qui pense que l’on peut trouver dans le passé -particulièrement l’enfance- des personnes déviantes des explications à leurs actes. Ces vues originales lui valent la réprobation de la communauté médicale établie.
Les frères Isaacson s’intéressent aux plus récentes découvertes de la criminologie comme l’utilisation des empreintes digitales. Leur intérêt pour la science ne frappe pas toujours juste. Ainsi ils photographient l’oeil d’une victime avec l’espoir qu’on pourra y voir le visage de son meurtrier.
Sara Howard est une femme décidée, prête à forcer les circonstance pour ne pas rester secrétaire. Elle sait manier le pistolet et n’hésite pas à tenir tête à Kreizler quand elle estime qu’il se trompe dans ses analyses.
Le narrateur est lui aussi légèrement marginal. J’ai trouvé cette petite équipe fort sympathique.
Le cadre historique et géographique est celui de New York à la fin du 19° siècle. La corruption règne dans les administration et la police où le préfet Roosevelt essaie de faire le ménage. Nos héros vont trouver en travers de leur chemin des chefs de gang qui n’apprécient pas qu’on intervienne sur leur terrain -prostitution et maisons closes- et même les autorités religieuses, désireuses que l’ordre social ne soit pas perturbé. L’auteur s’est bien documenté sur cette période et le résultat est vivant avec de nombreux détails sur la vie sociale et culturelle. Plus que l’enquête elle-même ce sont ce cadre ainsi que les enquêteurs qui me plaisent et qui m’intéressent dans ce roman. Ce que j’ai lu de la biographie de Caleb Carr me laisse penser qu’il a mis des éléments personnels dans ce policier.
La première de couverture nous parle d’un « scénario teinté de Silence des agneaux », affirmation qui m’a inquiétée car j’ai le souvenir d’une lecture qui m’avait horrifiée. En fait l’époque et le personnage de psychiatre éclairé me font plutôt penser à la série des enquêtes de Max Liebermann que j’avais beaucoup appréciée. J’ai trouvé cette lecture plaisante, l’auteur ne s’appesantit pas sur les horreurs commises par son assassin. Je vois qu’il existe un second épisode avec les mêmes enquêteurs, je le lirai sans doute.
L’écrivaine Claude Pujade-Renaud est morte le 18 mai 2024, elle était née en 1932. Issue d’une famille bourgeoise, elle refuse la voie qui lui était tracée et s’oriente vers des étude d’éducation physique. Elle a été danseuse et enseignante en sciences de l’éducation.
Dans l’ombre de la lumière. Avant d’être chrétien et évêque, saint Augustin (354-430) a été manichéen et en couple. La narratrice de ce roman est Elissa, ancienne concubine d’Augustinus, qu’il répudia dans l’intention de se marier avant de se convertir au christianisme. Installé à Carthage (Tunisie actuelle), Elissa travaille pour un potier et fréquente un couple don le mari est copiste. Par lui elle a connaissance de la carrière et des écrits de celui qui est à présent évêque d’Hippo Regio (Hippone, Annaba dans l’Algérie actuelle).
Le roman entremêle épisodes de la vie d’Elissa, pendant et après sa vie avec Augustinus, et réflexions sur la pensée de ce dernier. Ce n’est pas une biographie de saint Augustin à proprement parler cependant j’ai appris des choses sur lui dont j’avais de vagues souvenirs pour avoir travaillé sur des extraits des Confessions quand j’étudiais le latin (Je me souviens de mon maître, un vieux prêtre érudit. Quand il me posait une question et que je répondais juste, il me disait : « Intuition féminine ». Et quand je répondais faux : « Vous me dites, avec une inconséquence toute féminine… »). Saint Augustin pensait que les bonne œuvres ne sont rien sans la grâce accordée par Dieu. Il a inspiré Luther sur ce point. Après ma lecture de Bélibaste je découvre aussi que les cathares étaient des manichéens.
J’ai trouvé intéressant le cadre historique du roman qui est celui des derniers temps de l’empire romain en Afrique du nord. On passe, vers 370, moment de la rencontre entre Elissa et Augustinus, d’une époque de multi confessionnalisme et de tolérance religieuse où païens, chrétiens, manichéens et autres sectes se fréquentent, à l’hégémonie chrétienne à la toute fin du 4° siècle quand les cultes païens sont interdits et les sanctuaires détruits. Après la chute de Rome en 410 les réfugiés affluent à Carthage.
Elissa est une femme forte qui aspire à l’autonomie mais qui en est en partie empêchée à cause de son incapacité à faire son deuil de sa relation avec Augustinus. C’est un personnage attachant auquel on peut en partie s’identifier du fait de ses questionnements universels. Ainsi, témoin du passage du rouleau au codex (le livre) comme support d’écriture elle s’interroge sur les changements que cela induit dans la façon de lire, d’écrire, de réfléchir. Une autre protagoniste reproche à Augustinus d’avoir, dans les Confessions, révélé une faiblesse de sa mère : « Est-ce qu’on a le droit, en évoquant des épisodes de sa propre vie, de mettre ainsi en cause des proches ? »
J’ai trouvé cette lecture fort plaisante.
Le romancier Bruno Combes est mort le 13 avril 2024. Il était né en 1962. Ingénieur chimiste, il publie son premier roman en 2014. Les trois premiers romans ont été publiés en auto-édition puis le succès lui a ouvert les portes de la maison Michel Lafon. Ses romans se classent dans la catégorie feel good et, à l’occasion de sa mort, je découvre à ma bibliothèque un rayon de romans feel good sous la côte RFG.
Il existera toujours un chemin. Margot, 32 ans, est mariée à un pervers narcissique alcoolique qui la bat. Un soir qu’il frappe plus fort que d’habitude elle craint de mourir et fuit le domicile conjugal. Elle se réfugie à Saint Jean Pied de Port dans la gîte tenu par Elaïa.
Alexandra, 25 ans, est une influenceuse basée à Dubaï. Elle se pose de plus en plus de questions sur le sens de son activité aussi, quand elle est trahie par son agent et compagnon, elle décide de rentrer en France. Direction Saint Jean Pied de Port et le gîte tenu par son amie Elaïa.
Fils d’un gros viticulteur du Bordelais Mathieu, 37 ans, a rompu avec ses parents mais pas totalement puisqu’il a acheté un domaine viticole en Espagne. Quand il fait faillite il plaque tout et s’en va sur le chemin de Compostelle.
Les trois personnages vont se rencontrer, se lier d’amitié et trouver ensemble le courage de faire de nouveaux choix.
Que dire ? Le style est plat, les dialogues sonnent faux et les réactions des personnages ne sont pas crédibles. Chaque chapitre est introduit par un court paragraphe, conseil de développement personnel à deux balles. Un exemple (j’ai choisi le plus problématique, à mon avis) :
« On peut rejeter notre éducation, notre enfance, nos origines, rendre responsables nos parents de tous les malheurs qui se présentent sur notre route. Les accuser de tous les maux, de nos hésitations, nos trahisons, nos faiblesses.
Mais, au fond, qui sommes nous pour ne rien assumer et pour faire preuve d’une telle lâcheté ?
Rien n’est écrit à l’avance, nous deviendrons ce que nous déciderons d’être.
Notre existence n’est dictée que par une seule chose : notre volonté ! »
Enfants battus ou victimes d’inceste, arrêtez de vous plaindre et faites preuve de volonté ! Vous l’avez compris, c’est du feel good pour ceux qui vont déjà bien. Et si nos personnages ont décidé de changer de vie, il ne s’agit pas de tout foutre en l’air : on respecte ses parents et on ne divorce pas quand on a un enfant en bas âge.
Malgré tout cela se lit sans difficulté et même avec l’envie de savoir où va me mener ce chemin : vers un monde sans chômage où une caissière de supermarché devient facilement salariée d’une ONG, une influenceuse productrice de fromage et un viticulteur failli photographe pour un éditeur. Du moment qu’on a la volonté. Et les bonnes relations…
L’écrivain occitan Henri Gougaud est mort le 6 mai 2024 (comme Bernard Pivot). Il était né en 1936. Il a commencé par composer des chansons et s’est produit dans des cabarets parisiens mais il a surtout écrit pour les autres : Serge Reggiani, Juliette Gréco, Jean Ferrat… Dans les années 1970 il tient une chronique sur la science fiction sur France Inter avant de se consacrer exclusivement à l’écriture. Il était anarchiste et pacifiste.
Bélibaste. Corbières, 1305. Parce qu’il a tué un homme lors d’une bagarre, le berger Guillaume Bélibaste (1280-1321), 25 ans, doit quitter son village et sa famille. La famille Bélibaste est cathare et Guillaume suit le parfait Philippe d’Alayrac à Rabastens (Tarn actuel). Les parfaits sont les « prêtres » cathares. Ils ont reçu le consolamentum et ne doivent pas consommer de viande ni avoir de relations sexuelles. Au prix d’une période de jeûnes et de mortifications, Bélibaste va devenir lui aussi un parfait. Quand la chasse aux hérétiques commence dans la région, les deux parfaits fuient vers la Catalogne.
L’histoire de Bélibaste racontée par Henri Gougaud c’est l’histoire d’un homme entraîné par les circonstances dans une aventure qui le dépasse. Parfait imparfait, Bélibaste n’a en rien choisi de se consacrer à la prédication. Il alterne les phases d’exaltation où il est porté par l’accueil que lui font ses coreligionnaires et celles d’abattement quand il doute de tout et insulte Dieu. Travaillé par la culpabilité d’avoir tué un homme il aspire à rejeter son vieux moi pour atteindre la pureté et la grâce. C’est le talent d’Henri Gougaud de rendre de façon crédible les contradictions de ce personnage très humain. Cela passe aussi par la belle écriture qui permet presque à la lectrice de s’imaginer au 14° siècle. J’aime beaucoup les descriptions de paysages. C’est donc une lecture que j’ai grandement appréciée.