Daniel Lee est un historien britannique de la seconde guerre mondiale, spécialiste de l’histoire des Juifs de France et d’Afrique du nord pendant la shoah. En 2011 il a connaissance d’une liasse de documents nazis -marqués de la croix gammée- cachés dans l’assise d’un fauteuil et découverts à l’occasion de son retapissage. Ces documents, qui lui sont confiés par la propriétaire du fauteuil (acheté à Prague en 1968) sont les papiers de Robert Griesinger (1906-1945). Daniel Lee décide de mener l’enquête sur ce nazi. Cet ouvrage présente les étapes, les difficultés et les résultats de cette recherche.
Né à Stuttgart dans une famille conservatrice et nationaliste, Robert Griesinger est longtemps un élève médiocre. Il fait des études de droit et commence à travailler dans l’administration allemande en 1933. Il est ambitieux et adhère à la SS pour booster sa carrière. J’apprends que la SS est un organisme complexe dont le fonctionnement est encore mal connu. Robert Griesinger fait partie de l’Allgemeine SS -la SS générale-, différente de la Waffen SS. L’organisation encadre de près sa vie et celle de sa famille. Quand il veut se marier sa fiancée doit présenter tout un dossier avec arbre généalogique et certificats médicaux avant d’être agréée. Leurs loisirs sont encadrés et il participe à des réunions hebdomadaires de formation idéologique. On touche du doigt ce qu’est un régime totalitaire.
Au fil de ses affectations, Robert Griesinger travaille à la Gestapo du Wurtemberg, est mobilisé à la frontière franco-allemande pendant la Drôle de guerre puis participe à l’invasion de l’URSS en 1941 avant d’être nommé à Prague au ministère de l’économie et du travail. L’auteur se questionne tout du long sur la participation de son personnage aux crimes du nazisme. S’il ne trouve aucune preuve que celui-ci ait directement tué sa conclusion est cependant que Robert Griesinger, au minimum, ne pouvait pas ignorer ce qui se passait à côté de lui ou sous ses ordres. A la Gestapo de Stuttgart il encadre l’arrestation des opposants, en Ukraine des hommes de son unité participent à l’assassinat de Juifs aux côtés de l’Einsatzgruppe C, à Prague il est chargé de réquisitionner pour le travail forcé. Aucun doute, il est mouillé jusqu’au cou.
« Le rôle dans la guerre et le génocide de ces nazis semble avoir disparu des sources historiques. Redonner texture et autonomie à Griesinger, agent du crime, c’est lui permettre d’incarner les milliers de nazis anonymes dont la culpabilité est immense, qui ont détruit tant de vies, et sur lesquels on n’a jamais rien écrit ».
Lors de son enquête Daniel Lee a rencontré des membres de la famille de Robert Griesinger, dont ses deux filles. Âgées de 8 et 5 ans à la mort de leur père elles ont peu ou pas de souvenirs de lui. C’est l’auteur qui leur apprend qu’il était nazi, ce qu’elles ignoraient et sur lequel elles ne s’étaient, semble-t-il, pas interrogées. Ces femmes âgées semblent avoir bien du mal à intégrer cette information sur leur père.
Il m’a fallu un peu de temps pour entrer dans cette lecture. L’enquête démarre doucement, Daniel Lee tire tous les fils qu’il trouve et j’ai craint qu’il ne parte dans tous les sens pour peu de résultat. Et puis ce n’était peut-être pas une bonne idée de lire coup sur coup deux livres sur des nazis. Finalement j’y ai trouvé des choses qui m’ont bien intéressée, particulièrement les conditions de vie quotidienne d’une famille de fonctionnaire nazi.