Rose Lamy est la créatrice du compte Instagram « Préparez-vous pour la bagarre ». Après la parution de son premier livre Défaire le discours sexiste dans les médias, elle est contactée par sa sœur : « Maman t’a déjà parlé de papa ? ». Elle découvre alors que son père, mort quand elle avait quatre ans, était violent avec leur mère. Il était pourtant considéré à l’extérieur du foyer comme un brave homme, un « bon père de famille ». C’est la genèse du présent ouvrage où elle entreprend de déconstruire le mythe du « bon père de famille ».
Après avoir défini la notion de « bon père de famille », l’autrice s’attaque aux violences faites aux femmes et aux enfants et à la façon dont le patriarcat excuse les hommes qui s’en rendent coupables. Elle s’appuie sur des statistiques, des exemples concrets et ce qui en a été dit dans les médias. Le violeur (Dominique Strauss-Kahn), l’homme qui a tué sa femme (Jonathann Daval) est trop souvent présenté comme un homme qui aimait trop les femmes, quelqu’un qui a été pris d’un coup de folie. Cette figure du « bon père de famille », agresseur par accident, est opposée à celle du monstre (« Polanski n’est pas le violeur de l’Essonne », « On ne peut pas juger Jonathann Daval comme on juge Fourniret ») ou de l’étranger. A cette occasion Rose Lamy revient sur l’affaire des agressions de Cologne le soir du 31 décembre 2015 et répond à la question « Et vous faites quoi pour les Afghanes » opposée aux féministes qui évoquent le sexisme en France.
En détournant ainsi l’attention sur des figures fantasmées, l’impression s’installe que les agressions et féminicides quotidiens sont des faits divers, des accidents, et empêche de prendre en compte l’aspect systémique des violences contre les femmes et les enfants. La nécessaire prise de conscience que « les hommes violents sont potentiellement monsieur Tout-le-Monde suscite de très fortes résistances, interrogeant nos croyances sur l’amour, sur le couple et sur la famille, qu’on nous a présentée comme un lieu protégé des monstres ». Elle est pourtant un passage obligé pour lutter efficacement contre ces violences.
J’ai beaucoup apprécié la lecture de ce petit livre. J’ai été choquée par la découverte de certaines déclarations de presse ou de figures médiatiques visant à excuser les hommes violents et dont je ne pensais pas qu’elles pouvaient avoir encore cours de nos jours -mais si. J’ai trouvé les arguments convaincants et la réflexion pertinente qui me fournit des éléments de réponse à certains lieux communs (« Séparer l’homme de l’artiste »). Cela m’a donné envie de lire le précédent ouvrage de Rose Lamy. J’ai aimé la conclusion :
« Les hommes violents ne sont ni des monstres affreux, ni les héros d’un roman national inventé pour les dédouaner de leurs responsabilités. Ils sont là, parmi nous, exactement dans la norme sociale, au coeur de nos foyers, ce sont nos pères, nos maris, nos compagnons, nos fils, nos cousins, nos amis. Et tant que la société n’aura pas accepté cet état de fait, nous ne saurons pas mettre fin aux violences domestiques ».
Han Kang, Impossibles adieux, Grasset
Gyeongha, la narratrice, est chargée par son amie Inseon, hospitalisée, d’aller chez elle pour prendre soin de son perroquet blanc. Le trajet vers la maison isolée de l’île de Jeju prise dans une tempête de neige est une véritable épreuve pour Gyeongha. Elle se souvient d’épisodes antérieurs de son amitié avec Inseon et d’un projet artistique conçu ensemble et dont la réalisation est repoussée d’année en année : une installation commémorant les massacres de Jeju en 1948-1949. La description de la tempête de neige est particulièrement réaliste : j’ai eu froid pour la narratrice. J’ai trouvé par contre cette première partie un peu longue.
La narration de Gyeongha dans le temps présent du roman s’entrecroise avec ses souvenirs, ses cauchemars et, finalement, un long passage où Inseon lui apparaît et lui raconte son histoire familiale. Pas toujours évident de savoir si on est dans le rêve ou la réalité.
C’est ce que j’ai appris sur la répression « anti-communiste » à Jeju et en Corée du Sud à la fin des années 1940 et pendant la guerre de Corée qui m’a le plus intéressée. A Jeju on estime à 30 000 le nombre de civils de tous âges exécutés. Dans le reste du pays on a fiché des personnes classées à gauche, leurs familles et même des gens choisis au hasard pour atteindre les quotas, c’est la ligue Bodo. Pendant la guerre de Corée ils sont arrêtés et fusillés. Il y aurait eu 100 000 victimes. Je ne connaissais pas grand-chose de l’histoire de la Corée et je suis choquée par ce que j’apprends. C’est une répression aveugle qui n’a rien à envier à celle des régimes communistes. En Corée du Sud ce n’est que depuis le début du 21° siècle que la vérité est faite sur ces horreurs, attribuées pendant longtemps aux forces communistes.
J’ai apprécié la façon dont l’autrice croise informations historiques et histoire de la famille d’Inseon. Cela donne du corps aux événements. Elle fait bien ressentir le traumatisme des survivants et la façon dont il peut affecter une famille sur plusieurs générations.
Bertail et Morvan, Madeleine, résistante, Aire libre
2. l’édredon rouge
Dans ce deuxième tome (le premier) nous suivons les aventures de Madeleine Riffaud depuis son entrée dans la résistance à Paris en 1942 jusqu’à son arrestation en 1944. Elle est agente de liaison, distribue des tracts, participe à des « réquisitions » de matériel : armes, machines à écrire, tickets de ravitaillement. Après l’exécution du groupe Manouchian elle rejoint les FTP par désir de lutte armée. En parallèle de tout ça elle est étudiante sage-femme en couverture.
La BD fait bien ressentir la camaraderie qui lie les jeunes résistants. Tant que les coups de main se terminent bien, que la complicité d’un passant permet de se tirer d’une mauvaise passe, il y a une forme d’exaltation à agir, l’excitation de l’aventure. Pas toujours facile dans le feu de l’action de respecter les consignes de prudence.
J’ai beaucoup apprécié cette lecture et j’attends avec impatience de mettre la main sur le tome 3.
Dominique Bertail et JD Morvan, Madeleine, résistante, Aire libre
1. La rose dégoupillée.
Sur les conseils de lecteurs de mon compte-rendu de On l’appelait Rainer j’ai emprunté le premier tome de cette série de BD qui en compte trois. Les dessins sont de Dominique Bertail et le scénario de JD Morvan. La rose dégoupillée raconte l’histoire de Madeleine Riffaud de 1931 à ses débuts dans la résistance en 1942. On passe rapidement sur sa petite enfance avant d’arriver à la défaite française. Son séjour au sanatorium de Saint-Hilaire du Touvet (lieu de refuge et de résistance comme l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban sur Limagnole) mûrit le désir de notre héroïne de s’engager contre l’occupant. A Paris elle est d’abord mise à l’épreuve -pas toujours de façon très fine- par le réseau dont fait partie son fiancé.
Cette biographie est suivie par quatre pages de making of où l’on voit Dominique Bertail, JD Morvan et Eloïse de la Maison -qui a travaillé sur les archives- rencontrer Madeleine Riffaud à son domicile pour de longs entretiens. Une amitié se noue entre les auteurs et cette dernière qui apparaît comme très sympathique. Enfin il y a quatre pages de « souvenirs supplémentaires de Madeleine Riffaud » sur la période traitée.
Le dessin est en noir et blanc, le trait fin, les décors détaillés. On voit qu’il y a eu une volonté de documenter de façon exacte l’aspect des paysages, notamment urbains, tels qu’ils étaient pendant l’Occupation.
Madeleine Riffaud a commencé à témoigner de ce qu’a été son engagement dans la résistance en 1994, à l’occasion du cinquantenaire de la libération du territoire français. Entre 1994 et 2021, date de parution de ce premier tome, elle a retrouvé des souvenirs qu’elle avait enfouis aussi cette BD apporte-t-elle des informations qui étaient absentes de On l’appelait Rainer. Le présent ouvrage comporte enfin quatre poèmes de Madeleine Riffaud. C’est une lecture que j’ai appréciée.
Barbara Taylord Bradford, Là où la vie t’appelle, Le livre de poche
L’autrice britannique de best-sellers Barbara Taylord Bradford est morte le 24 novembre 2024. Elle était née en 1933. Elle a écrit une quarantaine de romans qui se sont vendus à plus de 91 millions d’exemplaires. La trame est toujours plus ou moins la même : une héroïne cherche à s’accomplir malgré les difficultés.
Là où la vie t’appelle. Val Denning, la narratrice, est une photo-reporter, correspondante de guerre. En 1998 -le roman date de 1999- elle est en mission au Kosovo quand elle est blessée par des tirs. A côté d’elle ses collègue set amis Tony Hampton et Jake Newberg sont touchés également. Tony, avec qui elle avait une relation amoureuse, meurt de ses blessures. Ce drame est le point de départ de nombreux bouleversements dans la vie de Val, sans qu’il y ait toujours un lien de cause à effet. Elle découvre que Tony lui mentait, connaît un amour sincère, affronte sa mère qui ne l’a jamais aimée, aide une femme battue harcelée par son mari et envisage une reconversion professionnelle.
Les rebondissements sont nombreux dans ce roman -c’est même parfois un peu trop- qui se lit donc sans trop d’ennui. C’est cependant une lecture qui ne m’a guère plu. J’ai regretté l’analyse psychologique superficielle et les jugements à l’emporte-pièce de la narratrice sur son entourage : un homme qui ment à sa maîtresse ? c’est un malade mental ; une mère qui n’aime pas sa fille ? c’est une malade mentale…
J’ai trouvé très datées certaines descriptions : un homme à la virilité provocante auquel aucune femme ne peut résister, je me demande à quoi ça peut bien ressembler.
Enfin j’ai été gênée par le train de vie des personnages. Ils habitent dans des logements aménagés par des décorateurs d’intérieur, où il y a toujours des bouquets de fleurs fraîches et sont servis par des domestiques à demeure ou présents trois fois par semaine. Ils achètent des babioles de grands couturiers pour faire des cadeaux de Noël de dernière minute et cette opulence n’est jamais interrogée, elle apparaît comme naturelle.
Madeleine Riffaud, On l’appelait Rainer, Julliard
Poétesse, résistante, journaliste, Madeleine Riffaud est morte le 6 novembre 2024. Elle avait cent ans ! Elle a 18 ans en 1942 quand elle s‘engage dans un groupe de Francs-tireurs et partisans (FTP) sous le nom de code de Rainer. Elle est d’abord agente de liaison puis passe au combat armé. En 1944 elle tue un sous-officier allemand à Paris. Prise en flagrant délit, elle est torturée pendant trois semaines et condamnée à mort mais libérée lors d’un échange de prisonniers. Elle participe aux combats de la libération de Paris. Après la guerre elle devient journaliste. Elle fréquente Eluard, Aragon, Vercors, Picasso, Ho Chi Minh. Elle suit en tant que journaliste pour l’Humanité les guerres du Vietnam et d’Algérie. Au début des années 1970 elle se fait embaucher comme aide-soignante dans un hôpital parisien et écrit Les linges de la nuit qui dénonce les carences du système hospitalier français (déjà…).
On l’appelait Rainer. Ce livre est paru en 1994 à l’occasion du cinquantième anniversaire de la Libération. Le résultat est un objet un peu hétéroclite et inégal. Après une introduction signée Madeleine Riffaud vient la biographie proprement dite. Elle est écrite à la troisième personne ce qui surprend au départ vu que la couverture n’indique qu’un seul nom d’autrice. A la première page on voit cependant que ce livre a été écrit «avec la collaboration de Gilles Plazy » que Madeleine Riffaud remercie dans son introduction. Cette biographie qui forme le gros de l’ouvrage couvre la période 1940-1945. La résistance telle qu’on la voyait en 1994 c’est celle où une majorité de Français s’est opposée à l’Occupation dès le début, à commencer par les communistes. On sait aujourd’hui que la réalité a été plus nuancée. Chacun des chapitres est suivi de cinq à dix poèmes écrits par Madeleine Riffaud au moment des événements racontés.
Les 50 dernières pages comportent un entretien avec Gilles Plazy, bien identifié comme tel, sous forme de questions-réponses ; trois textes écrits par Madeleine Riffaud en 1957, 1970 et 1946 qui évoquent des épisodes de son engagement dans la résistance et dont on ne nous dit pas s’ils avaient été précédemment publiés ; un poème de Manouchian, sa dernière lettre à sa femme, la dernière lettre de France Bloc-Sarrazin et une chronologie 1940-1945. Cette fin fait un peu bric-à-brac.
Les passages qui m’ont le plus touchée sont ceux où Madeleine Riffaud évoque son difficile retour à la vie civile. En 1944 elle a vingt ans et est toujours mineure aux yeux de la loi et à ceux de ses parents, semble-t-il. Elle laisse entendre qu’elle s’est brouillée avec eux. Elle est traumatisée par les tortures qu’elle a subies et le complexe de la survivante, elle envisage le suicide. Ce sont Paul et Nusch Eluard qui la prennent sous leur aile et lui sauvent la vie.
D’une première lecture qui doit dater de la fin du 20° siècle je n’ai gardé aucun souvenir. C’est un livre inégal, daté dans sa façon de voir les choses.
Paola Pigani, Le château des insensés, Liana Levi
Après la mort de son bébé à la naissance, Jeanne est devenue folle et son mari l’a fait interner. En septembre 1939, quand la France déclare la guerre à l’Allemagne, les pensionnaires des asiles de la région parisienne sont mis à l’abri dans le sud de la France. Jeanne est transférée à Saint-Alban-sur-Limagnole, en Lozère. Là elle découvre un lieu où, sous l’impulsion du directeur, le docteur Balvet, les fous ne sont pas enfermés ni soumis aux douches froides mais traités comme des êtres humains et incités à créer. Au contact de la nature, en travaillant dans les champs pour aider les paysans des alentours, Jeanne va peu à peu sortir de son délire.
L’histoire de Jeanne, personnage fictif, est ici un moyen pour nous présenter l’histoire réelle de l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban-sur-Limagnole de 1940 à 1945. Début 1940 le docteur Balvet fait venir auprès de lui le psychiatre François Tosquelles, républicain espagnol réfugié en France, qui systématise l’usage du travail et des activités manuelles pour soigner les patients -ergothérapie. Certains de ces derniers sont aujourd’hui reconnus comme des artistes de l’art brut : Jeanne rencontre Auguste Forestier et Marguerite Sirvins. Pendant l’occupation l’hôpital de Saint-Alban est aussi un lieu de refuge pour des résistants ou des Juifs.
J’ai apprécié ce roman et son écriture poétique.
L’avis d’Henri.
Loretta Napoleoni, Le pouvoir du tricot, Albin Michel
Retisser nos liens dans un monde désuni. Loretta Napoleoni est une journaliste italienne spécialisée dans le financement du terrorisme. Peu avant d’écrire le présent ouvrage, elle découvre que son mari a investi inconsidérément l’argent du ménage et qu’ils sont ruinés. Elle doit vendre sa maison des Etats-Unis, hypothéquer et louer celle de Londres. Elle divorce. Cette trahison a beaucoup affecté l’autrice. Pour calmer ses angoisses et penser à autre chose elle se remet au tricot qu’elle a pratiqué depuis l’enfance et décide d’écrire ce livre. Le résultat est un mélange de récit autobiographique, d’informations historiques et scientifiques et de considérations sur le « pouvoir » du tricot.
Loretta Napoleoni a appris à tricoter avec sa grand-mère qui profitait de ces séances privilégiées pour lui raconter sa vie et lui faire part de ses considérations sur le monde. J’ai tendance à penser que l’important dans cette relation ce n’était pas le tricot mais la grand-mère et que celle-ci aurait fait passer les mêmes notions via une autre activité (la cuisine, le jardinage?)
Ce qui m’a le plus intéressée ce sont les informations factuelles, particulièrement historiques. J’apprends ainsi que l’ancêtre du tricot était le nalbinding qui se pratique avec une seule aiguille à chas. Vers 400 av. JC il est remplacé par le tricot à deux aiguilles que nous connaissons. Il est question aussi des effets positifs de l’activité tricot sur le cerveau : lutte contre le stress et développement des connexions neuronales.
Je suis plus dubitative concernant le tricot comme moyen de lutte politique : des activistes se réunissent pour tricoter ou réalisent une œuvre collective afin d’attirer l’attention sur un problème environnemental ou de gouvernance. L’autrice a à ce sujet des accents exaltés : « A l’heure où de nouveaux défis s’annoncent pour notre avenir, le tricot peut s’allier à la politique pour recoudre les fractures et reconstruire les ponts de la communication ; il peut purifier l’air pollué, assainir l’eau et faire revivre les liens sociaux ». Les liens sociaux, je veux bien ; faire prendre conscience des problèmes, aussi ; mais pour sauver la planète, à mon avis, on ne pourra pas se contenter du tricot. Il va falloir passer à autre chose.
Il y a une volonté très américaine, il me semble -Loretta Napoleoni a passé une partie de sa vie aux Etats-Unis et le livre est traduit de l’américain- de tout positiver. Le résultat pour moi manque de nuances et m’a régulièrement agacée. Un dernier exemple : « Nous, les tricoteurs, sommes unis pour toujours, reliés les uns aux autres par des mailles à l’endroit et des mailles à l’envers, interconnectés par la beauté de cet artisanat. Assemblés autour des fibres naturelles dont ce fil est fait, nous sommes les témoins de ce que l’humanité a de meilleur en elle ».
C’est donc un livre très inégal qui soulève des points de réflexion intéressants lesquels sont disqualifiés à mes yeux par ce genre d’élans mystiques sur le pouvoir du tricot. Comme s’il n’y avait pas des gens très peu recommandables qui tricotaient.
Le texte est suivi d’un cahier des modèles cités, comme le coquelicot que vous voyez dans mon panier en tête d’article. J’ai utilisé un rouge trop foncé, le résultat n’est pas très réaliste.
Donna Williams, Si on me touche, je n’existe plus, J’ai lu
Le témoignage exceptionnel d’une jeune autiste
Donna Williams (1963-2017) était une écrivaine et artiste australienne porteuse d’autisme. Dès sa petite enfance la communication avec les autres la fait souffrir et ses parents la croient d’abord sourde. Elle est confiée à ses grands-parents jusqu’à la mort du grand-père. De retour dans sa famille elle est maltraitée par sa mère et son frère aîné : battue, traitée de tarée. Pour s’exprimer elle invente des personnages dont elle joue le rôle : Carol, une fille évaporée et expansive, et Willie, un garçon rationnel et responsable. Ces alias lui servent d’interface avec le monde mais coupent aussi la vraie Donna de la réalité. Elle vit des épisodes de dissociation. A la lecture j’ai l’impression qu’elle n’est pas loin de la folie à plusieurs moments.
A l’adolescence Donna Williams est déscolarisée, couche souvent à la rue, se met en couple avec des marginaux qui l’utilisent comme esclave sexuelle et domestique et lui volent son argent. C’est la rencontre avec une psy qui s’intéresse à elle, Mary, qui lui permet de commencer à aller mieux. La découverte à 25 ans qu’elle est autiste est un deuxième moment important.
Dans ce récit autobiographique, Donna Williams raconte de l’intérieur ce que c’est que d’être une autiste. Elle insiste sur le fait que les mauvais traitements dont elle a été victime dans son enfance ne sont en rien responsables de son autisme. Une préface du docteur Lawrence Bartak, psychologue australien, va dans le même sens. Je trouve cela intéressant parce que c’est un livre qui est paru en 1992 -et sorti en France la même année- à une époque où, dans notre pays, on accusait encore, il me semble, les mères d’être responsables de l’autisme de leurs enfants.
J’ai trouvé ce texte impressionnant. L’autrice fait preuve d’une grande intelligence et capacité d’analyse. Elle m’apparaît comme une femme remarquable et courageuse.
Simone Buchholz, Quartier rouge, Piranha
Un tueur en série frappe à Hambourg. Des strip teaseuses sont assassinées et leur cadavre mutilé. La procureure Chastity Riley, cheffe de la police locale, ne se contente pas de diriger l’enquête depuis son bureau. Elle intervient directement sur le terrain , son terrain puisque les meurtres ont lieu dans le quartier chaud de Sankt Pauli où elle habite. Chastity est une héroïne originale. Traumatisée par un drame familial que le lecteur découvre peu à peu, elle est sujette aux évanouissements intempestifs, fume comme un sapeur, boit sec et craint l’attachement affectif. Ses atouts pour résoudre cette affaire : la connaissance du quartier et de ses habitants, la capacité à se mettre dans la tête du tueur et le respect de son équipe de policiers.
C’est une lecture que j’ai appréciée, pour son personnage de procureure atypique et pour la description du quartier de Sankt Pauli. Comme Chastity Riley, Simone Buchholz connaît bien ce quartier où elle vit et qu’elle aime, à n’en pas douter.
La ville de Hambourg me permet de participer au défi Sous les pavés les pages, organisé par Ingannmic et Athalie.