Daya Pawar est un intouchable de la caste des Mahâr. Il est né vers 1935. Dans ce récit écrit en 1978, il se souvient de sa jeunesse jusque vers l’âge de 25 ans. Après avoir passé sa petite enfance à Bombay, il grandit ensuite à Dhâmangâv, le village de sa famille, dans le mahârvâdâ, le quartier réservé aux Mahâr.
Dans la société villageoise traditionnelle, les Mahâr ont une obligation de service coutumier aux castes supérieures : « Porter les impôts au chef-lieu, courir devant le cheval des hauts-fonctionnaires en tournée au village puis soigner et nourrir leur monture, faire le garde-champêtre, s’il y avait un décès, aller l’annoncer dans les autres villages, débarrasser des bêtes mortes, couper du bois, jouer de la musique à la foire annuelle, accueillir le marié à l’entrée du village, etc. ».
Pour leur peine, ils reçoivent le balute, une part de la récolte de grain des cultivateurs du village, qu’ils doivent mendier et qui fait d’eux les obligés de ces hautes castes d’agriculteurs. Cependant, bien qu’ils soient méprisés par ceux qu’ils servent, ils leur sont nécessaires aussi car ils ont un rôle religieux (ils allument les feux de holi). Daya Pawar montre bien l’extrême complexité des relations entre castes et sous-castes.
Ce qui frappe aussi, c’est la violence des relations dans cette société traditionnelle. Au village on vit sous l’oeil des autres, famille élargie et voisins. Pas de vie privée, très peu de possibilités de choix personnels. La plupart des hommes Mahâr sont rongés par l’alcoolisme.
Dans cet extrême dénuement, le jeune Daya Pawar grandit avec le goût de l’étude. Il est poussé dans cette voie par sa mère, veuve de bonne heure, prête à se sacrifier pour ce fils adoré. C’est ainsi que nous le voyons s’éloigner du village pour poursuivre sa scolarité, souffrant du mépris de ses condisciples de meilleure origine.
Si le contenu sociologique et historique est fort intéressant, ce récit souffre de son style chaotique. Daya Pawar saute du coq à l’âne par associations d’idées et j’ai eu parfois du mal à suivre le cours de sa pensée. Pourtant, dans la préface, l’éditeur nous informe qu’il a regroupé « des épisodes de la même période éparpillés au hasard ».
L’autre chose qui m’a déconcertée ce sont les comparaisons inhabituelles (« Il s’est abattu comme quelqu’un qu’on jette dans une cascade »). Je me suis demandée s’il s’agissait d’un défaut de traduction. Ou d’une tentative pour rendre la langue marathie ? Pas de réponse à cette question dans la préface.
Malgré ce style pas toujours agréable l’ouvrage se lit facilement grâce à son contenu.
M. M. Kaye, L’ombre de la lune, Albin Michel
Une histoire d’amour contrarié sur fond de révolte des cipayes.
Winter de Ballesteros est née en Inde mais, orpheline de bonne heure, elle a ensuite été élevée en Grande-Bretagne, dans la famille de sa mère. Là, la seule affection qu’elle reçoit est celle de son arrière-grand-père. Le plus souvent elle est en butte à la jalousie et au mépris de sa tante et de sa cousine aussi elle se réfugie dans la nostalgie de son pays natal et elle rêve que quand elle sera enfin adulte elle pourra y retourner pour épouser Conway Barton, résident de Lunjore auquel elle est promise depuis l’âge de onze ans.
Quand Winter atteint 17 ans, son fiancé envoie son assistant, le capitaine Alex Randall pour la ramener en Inde. Hélas, quand elle y arrive son beau rêve s’écroule : Conway ne s’intéresse qu’à sa fortune, la vie dissolue qu’il mène depuis vingt ans en a fait un alcoolique bouffi et elle est amoureuse d’Alex Randall ! Comble de malchance nous sommes en 1857 et la révolte des cipayes se profile à l’horizon.
De cet épisode historique M. M. Kaye a choisi de nous montrer les aspects les plus tragiques. Elle met l’accent sur l’incapacité et l’aveuglement de nombre de dirigeants et officiers britanniques, surs de leur bon droit et de leur supériorité, persuadés que nul ne songerait à contester leur domination. Enfin elle nous fait trembler avec l’horreur des massacres de civils à l’arme blanche.
Cela se lit facilement et c’est palpitant mais c’est avant tout une histoire romantique où l’Inde et la révolte des cipayes apportent la touche exotique et pathétique.
Inderjit Badhwar, La chambre des parfums, Le livre de poche
La chambre des parfums, c’est la chambre du père de Tan, le narrateur. Une chambre dans laquelle chacun des cinq enfants de la famille s’est glissé clandestinement quand l’occasion s’en présentait pour y respirer des odeurs délicieuses. Eaux de toilette, lotion capillaire, after shave mais aussi graisse de fusil et plumes de perdrix car le père de famille est un chasseur passionné.
Le narrateur (il paraît que c’est largement autobiographique) se souvient donc de sa vie depuis son enfance jusqu’à la mort de ce père qui l’a tant marqué.
J’ai particulièrement apprécié les trois premières parties qui évoquent l’enfance en Inde et les années d’étude aux Etats-Unis. Elles sont marquées par la nostalgie :
« Même aujourd’hui, quand j’évoque ce temps-là, mon pouls s’accélère, et la fadeur du quotidien se pare des merveilles du souvenir. »
Inderjit Badhwar fait bien ressentir la complicité et l’amitié qui peuvent se nouer entre les enfants d’une famille nombreuse qui ont grandi ensemble et partagé la même chambre. Etant moi-même issue d’une fratrie de cinq et ayant eu la même chambre que ma soeur cadette toute mon enfance j’ai retrouvé cette connivence qui m’a aidée à grandir.
De long passages sont aussi consacrés aux parties de chasse en famille. Je dois dire que je me suis sentie moins concernée.
Dans les parties quatre et cinq le narrateur se souvient des années vécues aux Etats-Unis, en couple avec Serita, Indienne expatriée comme lui. Cette partie du livre m’a beaucoup moins convaincue. Ne pouvant pas chasser, Tan s’est mis à la pêche et a entraîné Serita avec lui dans cette activité ce qui donne lieu à une véritable leçon de pêche. Vous pouvez emmener le manuel avec vous, tout y est : « lignes monofilament de 4 à 5 kilos » et « hameçons montés sur crin quatre à huit », conseils pour faire des noeuds solides et technique pour ferrer, jusqu’au dépeçage de l’anguille. J’avoue, j’ai sauté des lignes.
Enfin, dans la dernière partie, Tan boucle la boucle en retournant en Inde.
Le bilan est donc très mitigé. De bons passages, une écriture parfois touchante, le sens de la dérision mais aussi des lourdeurs.
Paul Harding, L’auberge du Paradis, 10-18
Londres, automne 1380. Trois cadavres sont découverts dans une maison abandonnée de la paroisse de Southwark. L’un d’entre eux est celui d’un messager royal et si son assassin n’est pas retrouvé la paroisse sera considérée comme complice et devra payer une forte amende. Frère Athelstan, curé de la paroisse et secrétaire du coroner de Londres, sir John Cranston, se lance dans l’enquête avec ce dernier. Nos deux héros doivent mener deux enquêtes de front car au même moment une riche veuve est accusée d’avoir commis deux assassinats. Elle se prétend innocente pourtant tout semble l’accuser.
L’intérêt principal de ce roman, neuvième enquête du frère Athelstan et de sir John Cranston est de nous faire découvrir la vie quotidienne au Moyen-âge. Par contre j’ai trouvé l’enquête un peu poussive.
Iain Pears, Le mystère Giotto, 10-18
En Italie, le général Bottando, chef du service de la protection du patrimoine historique soupçonne un habile et mystérieux personnage qu’il a surnommé Giotto d’avoir réussi à voler de nombreux tableaux en toute impunité depuis trente ans. Ces soupçons sont ravivés par une lettre dont l’auteur s’accuse d’avoir eu connaissance d’un de ces vols. Bottando lance alors l’enquêtrice Flavia di Stefano sur les traces de Giotto. Il est d’autant plus important qu’elle réussisse que Bottando est menacé dans son propre service par les menées d’un arriviste qui vise sa place.
Avec son fiancé Jonathan Argyll, marchand d’art, Flavia mène l’enquête jusqu’en Angleterre pour dénicher Giotto.
Entre l’Italie et l’Angleterre Iain Pears (qui écrit en Anglais) a choisi l’Italie. La Grande-Bretagne nous est décrite comme un pays où des trains bondés et délabrés partent en retard (quand ils partent) dans l’indifférence générale et où il faut disposer d’un bon chauffage central pour supporter les rigueurs de l’été. L’autre cible des piques de Iain Pears c’est l’administration, systématiquement inefficace et paperassière. Les attaques sont faites avec humour et si on ne se formalise pas du parti-pris le tout est facile et agréable à lire. Il ne laissera pas de souvenir impérissable non plus.
V. S. Naipaul, L’Inde, Un million de révoltes, 10-18
A la fin des années 1980 V. S. Naipaul entreprend un long voyage en Inde. Durant ce périple il rencontre des Indiens qu’il interroge sur leur conception de la vie, leur engagement politique ou religieux. Ce sont ces entretiens qu’il relate dans Un million de révoltes. Il s’agit donc de journalisme mais de journalisme approfondi car V. S. Naipaul a vraiment le talent d’écouter et de questionner pour faire ressortir chez ses interlocuteurs l’essentiel de leurs choix et de leurs motivations.
A Madras, V. S. Naipaul part sur les traces de Periyar, fondateur d’un mouvement rationaliste et anti-brahmane en rencontrant Veeramani qui fut un de ses disciples. Ce mouvement est mené par des membres des castes moyennes qui critiquent la domination des brahmanes mais n’accordent aucun intérêt au sort des basses castes. Mon voisin me souffle que V. S. Naipaul étant lui-même brahmane il ne peut pas -malgré ses tentatives- être objectif sur ce sujet. Ce qui me frappe, moi, c’est la ressemblance de ces rationalistes qui ont érigé le refus de la religion en religion avec notre « Libre pensée ». Sur la tombe de Periyar est gravée cette incantation : « Il n’y a pas de Dieu. Il n’y a pas de Dieu. Il n’y a pas du tout de Dieu. Celui qui a inventé Dieu est un sot. Celui qui propage Dieu est une canaille. Celui qui vénère Dieu est un barbare. »
A Madras, V. S. Naipaul fait également connaissance avec Kakusthan, un brahmane qui s’efforce de vivre pleinement selon le code brahmane.
A Calcutta, ville qui tombe en ruines, V. S. Naipaul rencontre plusieurs anciens militants communistes, maoïstes, naxalites, actifs dans les années 60-70. Ici aussi on peut voir de nombreux parallèles avec l’engagement de jeunes occidentaux à la même époque. Des étudiants s’engagent auprès des paysans ou des ouvriers, une partie d’entre eux dérape vers la violence et les attentats.
A Amritsar, autour du temple d’or, V. S. Naipaul s’intéresse aux dérives terroristes du mouvement sikh en rencontrant des personnes ayant approché Bhindranwale qui en fut le gourou. De 1982 à 1984 Bhindranwale occupa avec ses hommes le temple d’or à partir duquel ils organisaient attentats et assassinats, avant d’en être délogés par la force par l’armée. V. S. Naipaul s’interroge sur ce qui peut mener des croyants à cette violence.
Enfin V. S. Naipaul termine son séjour par un retour au Cachemire où il résida quatre mois lors d’un précédent voyage en 1962. C’est l’occasion pour l’auteur de comparer l’évolution de l’Inde en 27 ans. La population s’est densifiée et la foule envahit les abords et la surface du lac de Srinagar.
Un million de révoltes est un livre dense qui ne se lit pas si facilement. Mais si on s’y tient c’est l’occasion de rencontres passionnantes. De plus V. S. Naipaul écrit très bien et donne aussi des descriptions pittoresques :
« La route, très encombrée, reflétait l’activité agricole, mais les camions, quoique décorés avec amour, étaient surchargés de façon typiquement indienne et conduits très vite et très près les uns des autres, comme si le métal était quelque chose d’incassable et faisait de l’homme un dieu, comme si on pouvait tout demander à un moteur, un volant et des freins. Entre Goa et Bangalore, ce jour-là, au cours de sept graves accidents de la circulation, dix ou douze camions avaient été réduits en bouillie et des gens avaient presque certainement trouvé la mort. Des camions avaient quitté la route et fini dans des étangs; d’autres s’étaient rentrés dedans. Les habitacles des camionneurs s’étaient pliés en accordéon, du verre avait volé en éclats. Des essieux s’étaient rompus, des roues s’étaient écartées du châssis selon des angles bizarres; parfois même, tels des animaux vulnérables, au ventre mou, des camions s’étaient retournés sous leur cruel chargement, montrant le délabrement et la rouille de leurs abdomens de métal et la surface lisse de leurs pneus rechapés. »
Boris Akounine, Le couronnement, 10-18
A l’occasion du couronnement du tsar Nicolas II, un machiavélique personnage, le docteur Lind, enlève le jeune prince Mikhaïl Guéorguiévitch, cousin de l’empereur. Pour le relâcher il réclame l’Orlov, diamant qui orne le sceptre impérial. C’est notre héros, Eraste Pétrovitch Fandorine -dont c’est ici la septième aventure- qui va mener l’enquête, tenter de récupérer l’enfant, sauver l’Orlov et arrêter le docteur Lind. Mais quel suspens quand la mort de Fandorine nous est annoncée dès la première page et que le roman est un flash-back, narration des faits qui nous ont mené là.
Le narrateur est Afanassi Stépanovitch Zioukine, majordome de Guéorgui Alexandrovitch, le père du petit prince enlevé. Il évolue au milieu de toutes ces péripéties sans se départir jamais de son sens du protocole. Et la deuxième caractéristique du roman c’est l’humour provoqué notamment par le décalage permanent entre les frasques des membres de la famille impériale et le jugement que ce personnage compassé porte sur eux.
Un méchant démoniaque, un récit plein d’humour, une fin tragique : on retrouve tous les éléments caractéristiques des aventures de Fandorine. Une fois de plus Boris Akounine réussit un roman qui se lit d’une traite.
Bollywood
Avec environ un millier de films par an, l’Inde est le pays qui a l’industrie cinématographique la plus productive du monde. Plusieurs villes possèdent des studios : Calcutta, Madras; mais les plus célèbres se trouvent à Bombay et sont surnommés : Bollywood. A Bollywood les films sont tournés en langue hindie (en Bengali à Calcutta, en Tamoul à Madras).
Quelles sont les caractéristiques d’un film indien ?
– Il dure en moyenne trois heures.
– Il comprend des parties chantées et dansées. Les acteurs doivent savoir danser mais pour les paroles ils sont doublés. Ces parties peuvent être très kitsch (déclaration d’amour dans les montagnes suisses) et suscitent souvent l’hilarité du néophyte.
– Il y a toujours une histoire d’amour mais attention, pas de sexe avant le mariage et encore moins de baisers à l’écran (même après le mariage). Quoiqu’on assiste à une occidentalisation dans ce domaine. Ainsi on trouve les deux dans Hum-tum mais plus suggérés que montrés.
Qui sont les grands acteurs indiens ?
Amitabh Bachchan, 63 ans, a déjà une longue carrière derrière lui. Il a commencé dans les rôles de jeune premier et s’est aujourd’hui reconverti dans les pères de famille, souvent un peu psychorigides. Par sa stature et sa capacité à évoluer il me fait penser à Sean Connery. On le surnomme Big B. En Inde c’est un dieu vivant (autels et temples en son honneur).
Shahrukh Khan, 41 ans est qualifié par les médias européens de Tom Cruise indien. Je ne connais pas assez Tom Cruise pour en juger mais je peux dire que SRK est la personnification de l’indian lover. Il a acquis sa célébrité au cinéma en acceptant des rôles de psychopathe mais depuis il est plutôt devenu le fils et le gendre idéal (les liens de famille sont très importants en Inde). Tout récemment avec Don il a montré qu’il pouvait aussi jouer un méchant particulièrement inquiétant (mais si séduisant).
Aamir Khan a commencé comme jeune premier mais s’est ensuite tourné vers des films plus politisés : films historiques ou évoquant la corruption ou le terrorisme
Kajol est un peu le pendant féminin de SRK. Comme lui elle excelle dans les rôles ou il s’agit de faire le pitre mais elle peu aussi donner une vraie profondeur à ses personnages dans un milieu où les actrices féminines sont d’abord choisies pour leur physique. Les fans attendent avec impatience tout nouveau film qui réunira le couple mythique Kajol-SRK.
Preity Zinta est connue pour ses fossettes, Rani Mukherjee pour sa voix rauque.
Quels films conseiller ?
Kabhi khushi kabhie gham contient tous les ingrédients d’un classique : grands acteurs (Amitabh Bachchan, SRK, Kajol…), mélodrame familial, musique de qualité, danses en costumes.
Veer-Zaara raconte les amours contrariées de l’Indien sikh Veer (SRK) et de la Pakistanaise musulmane Zaara (Preity Zinta). J’ai sangloté comme jamais la première fois que j’ai vu ce film.
Si vous aimez pleurer devant votre écran vous apprécierez aussi Fanaa dans lequel l’amour de Zooni (Kajol) et de Rehan (Aamir Khan) se trouve détruit par le terrorisme.
J’aime beaucoup aussi Swades, Main hoon na, Paheli…
Où se les procurer ?
A Paris, près de la gare de l’est (passage du Prado, rue du faubourg Saint Denis) on trouve de nombreux petits magasins qui vendent tous les films indiens au prix de quatre euros environ le DVD. Le revers de la médaille c’est qu’il s’agit de films importés d’Inde avec des versions françaises parfois très déficientes. Les sous-titres semblent bien souvent avoir été traduits de l’Anglais à l’aide d’un dictionnaire par quelqu’un qui ne maîtrisait absolument pas notre langue. Le résultat ce sont des moments de perplexité à essayer de comprendre ce que viennent faire là bidons, gerçures et lieutenants. Les sous-titres en Anglais s’avèrent finalement plus faciles à comprendre pour qui a quelques notions de cette langue.
Si on n’a pas l’occasion de se déplacer à Paris certaines de ces boutiques disposent de sites internet et vendent par correspondance.
Pour des sous-titres de bonne qualité il reste les éditeurs français, particulièrement Bodega. C’est plus cher et le nombre de films disponibles est moins étendu.
Michel de Grèce, La femme sacrée, Pocket
En 1843, Lakshmi, rani de Jansi, devient veuve. Elle choisit alord d’assurer le gouvernement de ce petit état du nord de l’Inde en place de son fils adoptif Damodar, encore trop jeune. Mais les autorités anglaises qui gèrent le pays décident de la destituer et de gouverner directement Jansi et elle doit s’incliner.
En 1857 éclate la révolte des cipayes. Pour les Indiens c’est leur première guerre d’indépendance. Des souverains indiens spoliés de leurs trônes s’unissent contre le colonisateur. Ils reçoivent le soutien de cipayes, soldats indiens engagés du côté anglais. On vient en effet de distribuer à ces hommes de nouvelles cartouches dans lesquelles ils doivent mordre avant de les utiliser. Or le bruit court que ces cartouches contiennent de la graisse de porc, impure pour les musulmans et de vache, sacrée pour les hindous. Ces rumeurs (qui arrivent fort à propos) entraînent la révolte des cipayes.
A Jansi ou vit une petite communauté britannique, Lakshmi, contactée par les chefs rebelles, refuse d’abord de s’engager mais les circonstances vont peu à peu l’y contraindre. Quand les Anglais de Jansi sont massacrés malgré ses tentatives pour les sauver elle est désignée comme responsable et doit entrer dans la lutte pour empêcher des représailles sanglantes.
C’est cette histoire d’une femme luttant jusqu’au bout pour l’indépendance de son peuple que nous raconte Michel de Grèce. Son livre est écrit à la façon d’un roman avec description des lieux et des sentiments « comme si on y était ». Ce que j’ai à reprocher à ces descriptions c’est le style trop souvent cliché : un soldat à la fruste imagination, des espions à l’air inquiétant…
Mais à côté de cela Michel de Grèce a fait un bon travail de documentation sur un sujet sur lequel on aura un peu de mal à trouver des sources en Français. Il utilise notamment des lettres d’un soldat anglais, Roderick Briggs, qui a participé à la guerre contre la rani et dont il nous donne de longs passages, faisant de la troisième partie de son livre la plus intéressante à mon avis. Il montre bien les analyses différentes de la situation, du côté anglais et du côté indien et on comprend pourquoi, hélas, les Indiens ne pouvaient pas gagner.
Cet ouvrage est à lire, pourquoi pas, en parallèle du visionage du film The rising: ballad of Mangal Pandey, sur le même sujet. Un film de Ketan Mehta.
Mangal Pandey (Aamir Khan dans le film) est un symbole, un des premiers cipayes à s’être révolté contre les Anglais. Il est présenté dans La femme sacrée :
« A Barackpur, près de Calcutta, un cipaye du 34° régiment d’infanterie indigène, nommé Mangal Pandé, était apparu un après-midi au milieu du cantonnement militaire dans un état d’excitation voisin de la folie, criant à ses camarades de se soulever contre les Anglais au nom de leur religion. Il avait abattu un sergent-major accouru pour l’arrêter et blessé deux officiers qui tentaient de le désarmer. Les cipayes, malgré les ordres, avaient refusé de porter la main sur ce brahmane de la plus haute caste. Le général Hearsey, commandant de la garnison, avait alors pris avec lui des soldats anglais et était arrivé à cheval au milieu du groupe de cipayes qui entouraient Mangal Pandé, toujours hurlant et levant ses mains rouges du sang anglais. Sur le point d’être arrêté, il avait retourné son arme contre lui-même et avait essayé de se tuer, ne réussissant qu’à se blesser. Les cipayes s’étaient alors dispersés. Mangal Pandé avait été traduit en cour martiale. »
Le film lui, présente Mangal Pandey comme un héros et non pas comme un forcené. Il raconte l’histoire de l’amitié entre Mangal Pandey et William Gordon, un officier britannique. Quand les cartouches incriminées arrivent au cantonnement Mangal est le seul à accepter de les utiliser, William lui ayant affirmé qu’elles ne contiennent pas de graisse animale. Il est convaincu ensuite du contraire et les deux hommes se retrouvent opposés. Mangal devient le leader de la révolte des cipayes de Barackpur.
La partie musicale du film est en partie assurée par un groupe de chanteurs ambulants qui se déplace à dos d’éléphant, rythmant la vie des habitants de Barackpur. les scènes de foule (kermesse du village, fête de holi) sont animées et colorées.
Anne Perry, La conspiration de Whitechapel, 10-18
Avril 1892. La déposition du commissaire Thomas Pitt au procès de John Adinett, membre respecté de la haute société londonienne, convainc le jury que celui-ci est coupable du meurtre de son ami Martin Fetters. Quel en était le mobile ? C’est ce qui n’a pas pu être déterminé car Adinett continue de nier malgré sa condamnation à mort.
L’affaire semble cependant terminée mais voilà que Pitt est saqué pour le rôle qu’il y a joué. Démis de ses fonctions de commissaire de Bow street il est versé dans la Special Branch, sorte de Renseignements Généraux qui sont chargés de collecter des informations sur les agissements des agitateurs irlandais ou républicains et de les contrecarrer. Pitt doit quitter son foyer et sa famille et venir s’installer dans l’east end de Londres, dans le sordide quartier de Whitechapel.
Pendant que Pitt s’adapte à cette nouvelle existence, sa femme Charlotte, sa bonne Gracie et son ancien adjoint Tellman mènent l’enquête pour comprendre pourquoi Adinett a tué Fetters. Il sera question d’un terrible complot pour renverser la monarchie et d’une société secrète prête à tout pour parvenir à ses buts. Et, puisqu’une partie de l’action se déroule à Whitechapel, il sera aussi question de Jack l’Eventreur qui y sévit quelques années plus tôt.
Comme à son habitude Anne Perry mène de main de maître cette 21° aventure du commissaire Pitt. C’est palpitant et une fois commencé le roman je n’ai pas pu le lâcher avant la fin. J’ai quand même résisté -avec difficulté- à l’envie de lire le dénouement avant d’en avoir terminé.