Les SSF (Services Secrets Francophones) ont confié à Lisa (Mandel) et sa compagne Francisse les costumes de Super rainbow qui leur donnent des super pouvoirs à condition qu’elles aient fait l’amour avant de les enfiler. Grâce à ces costumes les super héroïnes vont sauver la planète de divers dangers : un terrible cumulonimbus, un caniche géant, un gang de chauves… Il leur faut aussi affronter des envieux qui aimeraient bien être Super rainbow à la place des Super rainbow. La bande dessinée est divisée en dix chapitres qui correspondent chacun à une aventure des Super rainbow. Le dessin n’est pas colorié, seulement ombré, sauf quand les Super rainbow activent leurs pouvoirs. Alors c’est un arc-en-ciel de couleurs !
J’ai trouvé cette bande dessinée sympathique et amusante. Sympathique parce que, comme dans Princesse aime princesse, l’homosexualité des personnages est un non sujet. Ce n’est pas seulement qu’elle est acceptée sans problème, c’est qu’elle n’est jamais évoquée. Amusante parce que Lisa Mandel fait preuve d’invention pour proposer des situations absurdes à ses personnages. Les aventures débridées viennent se greffer sur des scènes de la vie de couple bien observées : petits mots doux ou scène de ménage entre amoureuses. Par contre les ressors sont un peu toujours les mêmes et assez vite cela devient répétitif. A lire par petits morceaux.
Lors d’une soirée Codette relève le défi de « rouler une pelle » à Végétaline de Brillance, surnomme « Princesse de la frite ». La mère de Végétaline est en effet la propriétaire de la célèbre chaîne de restaurants « Maxifrite ». Mme de Brillance est une mère abusive qui vampirise sa fille et la tient recluse chez elle. Codette et Végétaline tombent amoureuses l’une de l’autre et Mme de Brillance va tout mettre en oeuvre pour les séparer.
Que d’imagination dans cette sympathique bande dessinée car l’histoire d’amour entre les deux jeunes filles baigne dans un petit monde à la limite du fantastique et plein d’humour. On croise des inventions futuristes comme un téléphone vidéo 3D et des costumes de Bioman qui offrent à leurs porteurs l’option de devenir invisibles ou de traverser murs et planchers.
La présentation du passé des deux héroïnes leur confère de l’épaisseur : les violences liées à l’indépendance du pays ont forcé la famille de Codette à quitter en urgence le Watakou où elle a grandi; Végétaline souffre de crises d’hallucinations.
J’apprécie que la relation homosexuelle soit ici un non sujet. Si Mme de Brillance s’y oppose c’est qu’elle est une mère abusive qui s’oppose à toute relation de sa fille.
Le dessin est simple avec peu de détails, la couleur violet-rose domine souvent, notamment lors des crises délirantes de Végétaline. J’ai beaucoup aimé cette bande dessinée.
Je participe au défi Voix d’autrices, catégorie Une histoire avec un personnage LGBT
En 1863 -le roman est paru en 1864-, le professeur Otto Lidenbrock et son neveu Axel, le narrateur, s’engagent dans le cratère du volcan Sneffels en Islande pour voyager jusqu’au centre de la terre -comme ils croient que c’est possible après la découverte d’un vieuc manuscrit en runes. Pendant plus de deux mois ils vont arpenter des galeries souterraines et entraîner la lectrice dans des lieux et situations fantastiques. Je retiens plus particulièrement, dans une grotte immense, la traversée d’une mer souterraine sur un radeau fait de bois fossilisé. Nos héros assistent, à l’occasion de cette navigation, à un combat à mort entre un ichtyosaure et un plésiosaure -car ces animaux ont survécu à 140 km sous terre. A côté de ces aventures les précisions sont nombreuses sur des détails comme les repas ou le coucher, qui donnent une impression de routine. Peu d’informations sur la toilette, cependant…
« Ces animaux s’attaquent avec fureur »
Axel et son oncle sont accompagnés dans leur périple par Hans, un guide islandais. Le personnage de Hans, homme impassible qui s’exprime par mots isolés, est le prototype du serviteur fidèle, veillant jour et nuit sur son maître et prêt à risquer sa vie pour lui. Je remarque ces stéréotypes sociaux et je ne suis pas sûre que le professeur Lidenbrock soit suffisamment conscient du rôle majeur joué par Hans dans la réussite de son expédition.
D’une première lecture à l’adolescence j’avais gardé le souvenir que ce Voyage au centre de la terre était bien peu crédible.La relecture confirme cette impression. Les péripéties abracadabrantes sont étayées par des explications scientifiques fournies par le professeur Lidenbrock à Axel. Je me suis demandée si Jules Verne croyait lui-même à ce qu’il racontait. En tout cas il fait montre d’une belle imagination et j’ai lu ce roman sans déplaisir.
Antan est un village polonais situé au centre de l’univers et dont les quatre frontières, nord, sud, ouest et est, sont gardées par les archanges Raphaël, Gabriel, Michel et Uriel. Le roman suit la vie du village et de ses habitants de 1914 jusque vers la fin du 20° siècle. La narration tourne beaucoup autour de Misia, née au début de la Première Guerre Mondiale, et de ses proches. Chaque chapitre raconte une petite tranche de vie, le temps d’un personnage, ou d’un animal, ou d’une plante, ou d’un objet, ou… Certains de ces chapitres pourraient presque se lire comme de petites histoires indépendantes.
Il est question de la naissance, de l’amour et de la mort; de comment un brave hommes devient un criminel de guerre; du rôle ou de l’existence de Dieu; du sens de la vie, en fait. Le tout est empreint de merveilleux, l’écriture poétique avec de belles descriptions d’une nature vivante où les arbres et les bêtes pensent et ressentent à leur façon. L’autrice fait preuve d’une grande imagination, il y a des choses très bien vues, de l’humour fin : c’est un régal de lecture.
Cerise sur le gâteau, ce que je lis sur Wikipédia sur Olga Tokarczuk me la rend très sympathique. C’est une belle découverte pour moi et je remercié Eva, Patrice et Goran de l’avoir provoquée avec leur mois de l’Europe de l’est.
En Equateur, dans le petit village de El Idilio dans la forêt amazonienne, vit Antonio José Bolivar Proaño. Veuf avant trente ans celui-ci a longtemps vécu chez les Indiens Shuars qui lui ont appris la connaissance de la forêt, de ses dangers et de ses ressources. Devenu vieux « Antonio José Bolivar essayait de mettre des limites à l’action des colons qui détruisaient la forêt pour édifier cette oeuvre maîtresse de l’homme civilisé : le désert ». Il s’est aussi découvert sur le tard une passion pour les romans d’amour qui font pleurer et qui se terminent bien. Quand une femelle ocelot, rendue furieuse parce qu’un chasseur a tué ses petits, commence à dévorer des habitants du secteur Antonio José Bolivar est désigné comme volontaire par le maire d’El Idilio pour mettre fin à la nuisance.
Voici un court roman très plaisant à lire où l’auteur, qui a lui-même vécu sept mois chez les Shuars, ridiculise l’arrogante prétention de certains Blancs. Si la forme est souvent amusante, le fond est grave : c’est la destruction d’un milieu et la mise en danger de ses habitants et de leur culture. Le roman est paru en 1988, on sait que les choses ne se sont pas arrangées depuis.
Le neveu d’Amérique. Il s’agit, mises bout à bout, de notes plus ou moins autobiographiques, écrites à des moments différents. J’écris plus ou moins autobiographiques parce que le cadre est celui de la vie de Luis Sepúlveda mais qu’il me semble qu’il a brodé dessus. Il y est question de son engagement dans les jeunesses communistes, de sa détention pendant la dictature au Chili, du « retour » dans le village d’Espagne dont était originaire son grand-père et surtout de ses voyages en Amérique du sud. J’aime beaucoup l’écriture. Je trouve qu’il y a un vrai talent d’invention et que les paysages sont bien décrits : Luis Sepúlveda raconte bien les histoires. Ici aussi il y a de la satire, la cible étant la dictature. Je me régale à la lecture. Un petit bémol ? Je ne peux m’empêcher de remarquer que les femmes sont quasi-absentes, réduites dans la plupart des cas à deux rôles : la pute ou la bigote.
Un livre lu dans le cadre du mois de l’Amérique latine organisé par Goran et Ingannmic.
L’écrivain américain Luke Rhinehart est mort le 6 novembre 2020. De son vrai nom George Powers Cockcroft il était né en 1932. Il a pris comme nom de plume le nom du personnage principal de son roman L’homme-dé paru en 1971 et devenu un best-seller et livre culte.
L’homme-dé. Le personnage principal, Luke Rhinehart -pour ne pas le confondre avec l’auteur je l’appellerai Luke- est un jeune psychiatre new-yorkais. Marié, père de deux enfants, il vit une vie bourgeoise et s’ennuie ferme. Après une soirée bien arrosée il remarque une carte à jouer qui recouvre un dé. Si c’est la face 1 du dé qui est sur le dessus, se dit-il, j’irai violer la voisine. Il se trouve que la voisine a également participé à la soirée et qu’elle est tout à fait consentante. S’en suit une agréable partie de jambes en l’air. A partir de cet événement fondateur Luke va livrer son sort aux dés, au début de façon limitée puis de pus en plus intense. Il met au point une dé-thérapie qu’il propose à ses patients et enfin crée une nouvelle religion.
Vous aussi vous voulez pratiquer la dé-vie ? Listez six de vos fantasmes ou envies les plus secrètes, jetez le dé et réalisez ce qui correspond au numéro tiré. Vous pourrez alors vous dire que ce n’est pas vous qui avez choisi, que vous étiez obligé. Il arrive aussi à Luke d’endosser des personnalités multiples et successives en laissant le dé décider qui il sera pour les prochaines 24 heures, 1 heure ou même 10 minutes. L’idée est de tuer le moi, responsable de l’ennui, par la pratique de cette sorte de schizophrénie volontaire. Une fois le moi détruit, l’individu est libre. Quand on quitte femme et enfants sur un coup de dé pour aller vivre dans les bas-fonds new-yorkais, la vie est tout de suite moins monotone. Luke va également expérimenter à peu près tout ce qui est possible en matière de sexe.
Je me suis posée beaucoup de questions à la lecture de ce roman. Luke Rhinehart -l’écrivain- propose-t-il son personnage comme un modèle à suivre ? Pendant longtemps ça n’a pas été clair pour moi d’autant plus que je lis dans la nécro du Monde que des lecteurs se sont inspirés de la méthode Rhinehart et qu’il lui arrivait lui-même de jouer certaines de ses décisions aux dés. J’en arrive finalement à la conclusion -mais sans en être sûre à 100 %- qu’il s’agit pour l’auteur de s’amuser et de se moquer de la société de consommation. Il me semble qu’il y a une critique de l’éducation des enfants, de la psychanalyse, de l’internement psychiatrique, des religions, ce qui est intéressant. Signe de l’époque sans doute, ce qui n’est pas du tout remis en question c’est la domination patriarcale. Si les dés proposent à Luke de s’occuper de ses enfants à l’occasion il s’agit de jouer avec eux, sûrement pas de prendre en charge les tâches ménagères. Un des grands fantasmes de Luke étant de violer des femmes les dés vont lui permettre de le réaliser. Cela se passe d’ailleurs sans difficultés car elles n’attendent que ça. La seule qui refuse le fait comprendre de façon ferme -avant de changer d’avis. Conclusion : les femmes qui se font violer sont consentantes sinon un bon coup de genou dans les couilles et l’agresseur est hors d’état de nuire. C’est clairement un ouvrage sexiste -et homophobe, ça va souvent ensemble- et ces aspects m’ont déplu. Sinon ça se laisse lire, même s’il y a quelques longueurs, et ça vaut aussi comme témoignage de son temps.
Le narrateur, Paul Hansen, a été condamné à deux ans de prison pour une agression. Il partage sa cellule avec Patrick Horton, un Hells Angel en attente de son procès pour meurtre. Le roman fait des aller-retour entre cette cohabitation -sous des dehors de brute épaisse le codétenu se révèle un brave homme plein de bon sens- et le passé de Hansen qui l’a mené là. C’est toute son histoire que le personnage nous raconte, depuis son enfance toulousaine jusqu’à son installation au Québec où il a travaillé comme gardien d’immeuble pendant 26 ans.
C’est un roman que j’ai lu sans déplaisir, même si des descriptions techniques de lieux ou d’objets m’ont parfois donné l’impression de lire une fiche Wikipédia. Le message, j’imagine, c’est qu’il faut profiter de son bonheur tant qu’on l’a sous la main. Jean-Paul Dubois traite ça d’une façon qui n’apporte rien de nouveau à la question, il me semble. L’histoire est gentille, il y a un ou deux passages bien trouvés mais franchement, qu’en restera-t-il dans quinze jours ?
Un pauvre paysan sans ressources n’a d’autre choix que de vendre sa fille aînée que pourtant il aime tendrement. Rose, 14 ans, est livrée à un couple de psychopathes, le maître de forge et sa mère, qui vivent dans une grande demeure isolée au milieu de la forêt et lui font subir les pires avanies : viols, torture et j’en passe. Ca commence comme le Petit Poucet, ça continue comme Barbe-Bleue et ça se termine en roman-feuilleton mélodramatique avec coups de théâtre et rebondissements invraisemblables, l’enfant volé retrouvé grâce à sa tache de naissance étant le plus crédible. Autant dire qu’à ce moment l’auteur ne se soucie plus de cohérence et on apprend ainsi incidemment que les malheureux parents de l’enfant vendue possédaient quand même deux vaches, deux cochons, quatre chèvres, poules et lapins. Cette fin, pour moi, c’est une apothéose du n’importe quoi.
Vous avez compris que je n’ai pas été emballée par ce roman qui a pourtant enthousiasmé de nombreuses lectrices. Un mot enfin sur le style que les fans ont également apprécié. L’écriture est recherchée avec des images inhabituelles, parfois des phrases très courtes, des répétitions dans le but, j’imagine, de faire ressentir les pensées des personnages et de leur donner une profondeur. Hélas, je dois dire que cela ne prend pas avec moi. Si je reconnais que certaines descriptions sont bien trouvées il y a aussi des phrases qui n’ont pas de sens et le plus souvent le style me paraît ampoulé.
Du coup la superbe photo de couverture et le titre intrigant me semblent une stratégie de l’éditeur pour attirer le client, un packaging trop beau pour être honnête.
Voici le quatrième -et dernier- épisode des enquêtes de Kouplan, le détective sans-papiers. Les choses s’améliorent pour notre héros car à la fin du précédent épisode il a enfin obtenu un titre de séjour en Suède et, du coup, un petit emploi dans une bibliothèque. Il est cependant toujours à la recherche d’informations sur sa famille dont il est sans nouvelles depuis son départ d’Iran huit ans auparavant. C’est en cherchant à récupérer une photo de son frère que Koupan fait la connaissance de neuf clandestins réduits en esclavage par deux truands pour qui lui-même travailla à son arrivée à Stockholm. Il va les aider à obtenir leur liberté et à faire punir leurs tortionnaires.
C’est avec grand plaisir que j’ai retrouvé dans ce bon roman tout ce qui m’avait plu dans les précédents épisodes de la série. Il y a une enquête qui tient en haleine mais pas de violences inutiles : j’ai peur pour les personnages mais je sais que cela se terminera bien. Il y a une critique du sort fait aux clandestins dans la société suédoise (ça fonctionne aussi pour la France) et des préjugés courants à l’encontre des personnes d’origine étrangère. Il y a plusieurs personnages LGBTQ et j’apprécie d’en rencontrer dans des rôles où la caractéristique LGBTQ n’est qu’une composante de leur personnalité. Il y a un héros que je trouve très attachant et dont la situation personnelle s’améliore enfin après bien des vicissitudes. La fin est touchante, j’ai eu la larme à l’oeil.