Kate Davies est une designeuse écossaise qui crée des modèles de tricot que j’ai découverts avec ce livre et que j’aime beaucoup. Dans cet ouvrage qui présente quinze modèles de bonnets tous superbes, elle s’est associée avec treize autres créatrices. J’ai acheté le livre sur mon site de laine favori qui propose aussi un fil équivalent à celui vendu par l’autrice. Après les chaussettes je suis donc passée aux bonnets et j’en ai tricoté pour tous mes proches, ça m’a fait une bonne série de cadeaux de Noël. Le livre est en anglais, j’ai donc tricoté en anglais! En plus des explications où il m’a fallu parfois chercher la traduction de termes techniques, chaque modèle est accompagné d’un diagramme très bien fait et quand on a déjà tricoté du jacquard, c’est facile de s’y retrouver. Grâce à cet ouvrage j’ai pu expérimenter plein de nouvelles techniques que je ne connaissais pas: le tricot double face réversible, le montage tubulaire et j’ai appris à tricoter en jacquard en tenant un fil dans chaque main. Pour m’aider j’ai eu recours à des tutos sur Youtube, il y en a de très bien faits.
Les bonnets sont tricotés à l’aiguille circulaire en partant du bas. Il m’a fallu parfois revenir sur le tour de tête trop serré ou trop large mais je suis très contente du résultat.
Trois récits, trois femmes confrontées à la solitude. Après un accident de voiture, Ida trouve refuge chez un couple de personnes âgées qui habitent une maison isolée et l’hébergent le temps qu’elle reprenne ses esprits. Dans ce lieu comme hors du temps Ida revoit des épisodes de sa vie. En rêve elle croise sa mère et sa fille. Elle pense à son mariage raté, à son ex-mari qu’elle revoit de loin en loin malgré leur divorce, non par envie mais par habitude et faute d’avoir su lui dire non.
Paraskewia, dite Parka, la mère d’Ida, vit dans une maison isolée au dessus d’un village de montagne et aujourd’hui coupée du monde par la neige alors que son mari, Petro, vient de mourir. Tout en s’activant pour signaler la situation au village, Parka se souvient du passé. Parka et Petro sont des exilés qui ont dû quitter leur région d’origine suite aux changements de frontières de la Pologne après la seconde guerre mondiale. Enceinte jeune fille Parka a dû épouser un homme qu’elle n’aimait pas. Ses sentiments pour le mort sont un mélange de colère, d’agacement mais aussi une forme de tendresse due à une longue vie commune.
Maya, la fille d’Ida, séjourne en Malaisie avec son fils de onze ans. Officiellement c’est pour écrire un guide touristique mais Maya semble surtout tenter de fuir un grand mal être.
Même si ces trois femmes sont liées par des relations de parenté, les trois récits sont indépendants et pourraient se lire séparément. Le point commun ici est la réflexion sur le sens de la vie. L’autrice excelle à transcrire les pensées de ses personnages, la façon dont elles vagabondent. Il y a aussi de très belles descriptions des paysages et de la nature, nature enneigée de Pologne, fonds sous-marins de Malaisie. Ida et Parka sont plus attachantes que Maya dont le lecteur reste un peu à distance. Son récit est d’ailleurs rédigé en focalisation externe alors que celui de ses mère et grand-mère l’est en focalisation interne. C’est un ouvrage que j’ai apprécié, plus particulièrement les deux premiers récits, donc.
Ce recueil regroupe dix nouvelles, histoires bizarroïdes, étranges, parfois un peu inquiétantes avec des personnages propulsés soudain dans une réalité parallèle. Les nouvelles sont de longueur variable, certaines très courtes (3 pages), d’autres plus développées. L’intérêt aussi m’a paru inégal. Parfois je n’ai pas bien compris où l’autrice voulait en venir, voire même je n’ai pas compris la chute -s’il y en avait une. Celles que j’ai préféré font partie des plus longues.
Les enfants verts. Au 17° siècle un médecin écossais qui a longtemps vécu en France est devenu le premier médecin du roi de Pologne. A l’occasion d’un séjour en Volhynie, deux enfants « sauvages » sont capturés. Ils ont, entre autres particularités, la peau légèrement verte. Cette nouvelle, rédigée sous la forme du journal du médecin, oppose la nature, représentée par les enfants verts, à la culture, représentée par le narrateur. Ici il apparaît que les enfants, quelque soit leur couleur, sont plus proche de la nature que les adultes.
Le transfugium. Dans un futur transhumaniste une femme accompagne sa soeur qui a décidé de subir un processus de transfugation. Je trouve un point commun avec Les enfants verts dans l’incompréhension des proches devant un désir de retour à la nature -ici très radical, il est vrai.
La montagne de Tous-les-Saints. La narratrice est une psychologue qui a mis au point de tests qui permettent de prédire de façon sûre ce qu’un adolescent deviendra. Elle est recrutée en Suisse par une organisation qui veut tester un groupe de jeunes. Sa mission est top-secret et elle ne sait pas quel est le but de la recherche.
J’ai lu ce recueil facilement et sans déplaisir. Olga Tokarczuk rend bien les sentiments de ses personnages, attire l’attention du lecteur sur les plaisirs simples de la vie et donne à réfléchir.
« Un pays est à l’image de ses animaux. De la protection qu’on leur accorde. Si les gens ont un comportement bestial envers les animaux, aucune démocratie ne pourra leur venir en aide. Pas plus qu’autre chose d’ailleurs. »
Janina Doucheyko, la narratrice, vit dans un hameau isolé de Pologne, à la frontière avec la République tchèque. Cette retraitée est l’une des rares habitantes à l’année sur ce plateau où l’hiver dure sept mois.Les deux autres sont Matoga et Grand Pied -des surnoms qu’elle leur a donnés- également vieux célibataires. Quand Grand Pied est retrouvé mort, étouffé par un os de la biche qu’il était en train de manger, Janina ne regrette guère ce voisin déplaisant, grossier et braconnier. Mais voilà que d’autres hommes de la ville voisine sont retrouvés morts. Tous étaient chasseurs et il semblerait que des animaux étaient présents sur le lieu de chacune des morts. Les victimes ne sont certes pas des personnages positifs dans ce roman : ils sont violents et peu respectueux de la loi. Qu’ils se présentent en défenseurs de la culture et protecteurs des animaux excède Janina.
J’ai trouvé sympathique la narratrice, personnage excentrique qui place les êtres vivants à égalité, animaux ou humains et qui se passionne pour l’astrologie. Elle se procure les dates de naissance des victimes, dresse leur thème astral et en conclu qu’ils ont été tués par des animaux qui se vengeaient de ces chasseurs. Elle écrit de nombreuses lettres à la police pour lui signaler ses conclusions et passe bientôt pour une vieille folle. Elle a heureusement des amis fidèles qui savent la femme intelligente et attentive aux autres qu’elle est et sur lesquels elle peut compter.
J’ai apprécié la description de la nature dans laquelle vit Janina. Sa solitude face aux éléments me fait parfois penser à l’héroïne du Mur invisible. J’ai apprécié le regard ironique et intelligent que la narratrice porte sur elle-même. Il y a une réflexion sur les souvenirs et le vieillissement qui me touche. J’ai apprécié l’intérêt porté aux animaux et à la préservation de l’environnement. C’est donc un roman que j’ai apprécié.
Antan est un village polonais situé au centre de l’univers et dont les quatre frontières, nord, sud, ouest et est, sont gardées par les archanges Raphaël, Gabriel, Michel et Uriel. Le roman suit la vie du village et de ses habitants de 1914 jusque vers la fin du 20° siècle. La narration tourne beaucoup autour de Misia, née au début de la Première Guerre Mondiale, et de ses proches. Chaque chapitre raconte une petite tranche de vie, le temps d’un personnage, ou d’un animal, ou d’une plante, ou d’un objet, ou… Certains de ces chapitres pourraient presque se lire comme de petites histoires indépendantes.
Il est question de la naissance, de l’amour et de la mort; de comment un brave hommes devient un criminel de guerre; du rôle ou de l’existence de Dieu; du sens de la vie, en fait. Le tout est empreint de merveilleux, l’écriture poétique avec de belles descriptions d’une nature vivante où les arbres et les bêtes pensent et ressentent à leur façon. L’autrice fait preuve d’une grande imagination, il y a des choses très bien vues, de l’humour fin : c’est un régal de lecture.
Cerise sur le gâteau, ce que je lis sur Wikipédia sur Olga Tokarczuk me la rend très sympathique. C’est une belle découverte pour moi et je remercié Eva, Patrice et Goran de l’avoir provoquée avec leur mois de l’Europe de l’est.
En ces temps de confinement, quand les cinémas sont fermés et que la sortie de l’adaptation de La Daronne est remise à une date ultérieure, qu’est-ce qu’on peut faire ? Patienter en lisant le dernier ouvrage de Hannelore Cayre !
Blanche de Rigny, la narratrice, est une jeune femme handicapée après un grave accident à l’adolescence. Elle est employée à la reprographie judiciaire du palais de justice de Paris. Fortuitement, Blanche découvre qu’elle est apparentée, par son arrière-grand-père à la très riche famille des de Rigny, chefs d’entreprise voyous, artistes usurpateurs, riches qui se croient tout permis et qui en veulent toujours plus. Elle va utiliser les informations qui passent entre ses mains dans le cadre de son travail pour débarrasser la terre de ces malfaisants qui contribuent activement à la destruction de l’environnement.
En parallèle Blanche enquête sur l’ancêtre commun, Auguste de Rigny et l’histoire de ce jeune homme né en 1845, fils de famille bourgeoise, nous est racontée. En 1870, alors que la guerre avec la Prusse menace, Auguste tire un mauvais numéro à la conscription. Son père se met alors en charge de lui trouver un remplaçant. C’est difficile car l’éventualité d’un conflit a fait monter le cours de l’homme et que des escrocs essaient de profiter de la situation. J’ai découvert avec intérêt ce trafic de remplaçants encadré par la loi. Avec Auguste on suit aussi, rapidement, le siège de Paris et la Commune. Départ des Parisiens qui le peuvent vers leurs résidences secondaires, ruée sur les provisions alimentaires : ça rappelle des choses. C’est la partie historique de l’ouvrage que j’ai le plus appréciée.
L’objectif de Hannelore Cayre c’est de montrer les points communs entre la fin du 19° siècle et le début du 21° : « Il suffisait d’avoir lu Balzac, Zola ou Maupassant pour ressentir dans sa chair que ce début de XXI° siècle prenait des airs de XIX°. Il y avait bien sûr la disparition progressive des services publics, mais pas seulement. Après un XX° siècle qui avait connu deux conflits mondiaux et glorifié l’aventure entrepreneuriale et les diplômes, la part des revenus du travail dans les ressources dont une personne disposait au cours de sa vie s’était mise à reculer pour arriver exactement au même niveau qu’à l’époque de mon ancêtre Auguste. On se surprenait à nouveau à attendre le décès de papa-maman pour s’acheter un logement ou payer les études et l’installation de ses enfants ».
Elle dit qu’elle s’est inspirée du Capital au XXI° siècle de Thomas Piketty.
Il est aussi question des dégâts sur la planète qu’entraîne la course effrénée au profit et de la condition animale , la meilleure amie de Blanche étant une militante de L214.
Ca a l’air très sérieux tout ça mais c’est traité sur le mode grinçant qui est celui de l’autrice et non dénué d’humour. Ca se lit facilement mais je l’ai trouvé un peu caricatural parfois et pas aussi bien réussi que La Daronne.
J’ai beaucoup tricoté étant plus jeune -j’ai commencé à l’adolescence- mais cela faisait un bout de temps que je n’avais pas pratiqué cette activité. Mes enfants sont maintenant trop grands pour porter les tricots de maman et puis aujourd’hui cela coûte moins cher de s’acheter un pull que de se le fabriquer. En même temps cela fait longtemps que j’avais envie de tricoter des chaussettes, ouvrage de petite taille donc rapide à terminer et qui n’utilise pas beaucoup de laine. Aussi j’ai été bien contente de tomber sur ce livre qui propose de superbes modèles. Pour les fournitures il y a l’adresse d’un site qui vend des laines auxquelles on peut difficilement résister, certaines à prix abordable.
Au moment où j’écris ces lignes je viens de terminer ma première paire, j’ai commencé la deuxième et j’ai commandé les laines pour en faire encore deux autres. Ca a un côté addictif et je reconnais que mon rythme de lecture en pâtit.
Mon avis sur la méthode et les explications :
Les chaussettes sont tricotées depuis la pointe à 5 aiguilles ou avec une aiguille circulaire. Pas si simple que ça : ça va pour quelqu’un qui a déjà de bonnes bases en tricot, il me semble. Le sous-titre parle de « techniques pour débuter », pour débuter en chaussettes, pas en tricot. Il m’a semblé que certaines explications étaient un peu rapides et, comme l’autrice le conseille elle-même, ça m’a aidé de visionner un ou deux tutos sur youtube. Les passages un peu complexes ce sont la pointe et le talon, le reste ça va tout seul si vous avez déjà tricoté des trous-trous.
Nous sommes plus de deux cents ans après Un monde sans fin. L’histoire débute en 1558 à Kingsbridge, petite ville autour de laquelle se sont déroulés les deux précédents épisodes et dont est originaire Ned Willard, le héros, mais nous nous en éloignons vite car Ned entre au service d’Elisabeth Tudor, prétendante au trône d’Angleterre. C’est alors Marie Tudor qui est reine. Elisabeth est sa demi-soeur mais elle est illégitime et protestante. Ned souhaite vivre dans un pays où chacun pourrait pratiquer en paix la religion de son choix et c’est pour cela qu’il soutient Elisabeth car il pense qu’elle est la mieux à même de réaliser ce projet. Quand Elisabeth accède au pouvoir Ned joue un rôle de plus en plus important auprès d’elle et devient un membre influent et efficace de ses services secrets. Sa mission : déjouer les nombreux complots fomentés par les ultra-catholiques contre sa souveraine.
Un autre personnage important du roman est le Français Pierre Aumande. Lui attache son destin à la famille de Guise. Il se révèle vite prêt à tout pour permettre l’ascension de ses maîtres et protecteurs. Et la sienne en même temps. C’est un personnage très déplaisant. A une époque où se succèdent sur le trône de France des rois mineurs et faibles les Guise souhaitent profiter de la situation pour obtenir plus de pouvoir voire gouverner de fait et imposer un catholicisme intransigeant. Pierre est leur âme damnée, il est partout où il y a un mauvais coup à faire au nom de Dieu. On nous le présente même comme l’organisateur de la Saint Barthélémy !
S’il y a un point faible à ce roman, il est là : Pierre et le Britannique Rollo Fitzgerald sont de tous les complots, Ned toujours présent pour les déjouer. Cela permet à l’auteur de faire participer son lecteur à tous les grands événements de l’époque jusqu’au naufrage de l’invincible armada et à la conspiration des poudres. Je trouve cependant qu’à force cela manque de crédibilité. Ceci mis à part j’ai beaucoup apprécié cette lecture que j’ai trouvée très intéressante. Plus j’avançais plus j’étais accrochée et plus j’avais du mal à lâcher mon livre. Ken Follett plaide pour la tolérance religieuse. Il est convaincant quand il montre comment les peuples commerçants ont intérêt à un cadre religieux moins pesant et donc choisissent le protestantisme. Derrière ses personnages principaux il propose aussi de nombreux personnages secondaires qui lui permettent d’évoquer l’inquisition en Espagne, la condition des esclaves ou la vie des entrepreneurs anversois. Encore une grande fresque bien réussie comme il sait le faire.
« Je peux me permettre d’écrire la vérité, tous ceux à qui j’ai menti pendant ma vie sont morts. »
Une femme d’une quarantaine d’années, la narratrice, se retrouve seule au monde dans un chalet des Alpes autrichiennes. Le roman est paru en 1963, à une époque où on craignait une guerre atomique. Marlen Haushofer a imaginé qu’une arme nouvelle avait pétrifié tous les êtres vivants, hommes et bêtes, sauf à l’intérieur d’un assez vaste périmètre délimité par un mur invisible. C’est là que se trouvait la narratrice quand la catastrophe est survenue. L’événement s’est déroulé dans la nuit. Au matin elle constate la situation. L’objet du roman n’est pas comment on en est arrivé là mais comment elle va y faire face.
Deux ans et demi après le début de son enfermement, la narratrice décide de mettre par écrit son histoire. On ne saura jamais son nom. Elle raconte comment elle a organisé sa vie avec un chien, une vache et un chat. Le bois à couper pour la cuisine et le chauffage -à cette altitude, il peut neiger jusqu’en mai-, la recherche de nourriture : chasse, pêche, agriculture, cueillette. C’est un labeur quasi permanent et qu’elle apprécie car il l’empêche d’être trop tourmentée par ses pensées. Les soins aux animaux sont aussi un bon dérivatif. Des être vivants dépendent d’elle et cela l’oblige à aller de l’avant.
Si le roman est un récit de vie en Robinson c’est surtout une réflexion sur le sens de la vie, la condition humaine, la condition féminine, la relation des êtres humains à la nature et aux animaux.
Je comprends que cette femme s’est souvent sentie contrainte dans ses relations aux autres, aux hommes notamment et que la situation est, d’une certaine façon, une libération pour elle. Enfin elle peut cesser de se conformer à ce que la société attendait d’elle et devenir elle-même. La transformation est douloureuse mais au moment où elle se met à écrire, elle constate le changement et s’en satisfait.
J’ai beaucoup apprécié ce roman que j’ai trouvé excellent. Je suis très admirative du travail de Marlen Haushofer, une autrice que je ne connaissais pas. C’est une lecture pas toujours gaie mais qui donne vraiment à réfléchir.