Le cadavre d’un homme vêtu d’une robe verte et menotté est retrouvé dans une barque sur la Tamise. La mise en scène a été réalisée après la mort. Qui en voulait à Delbert Cathcart, un photographe talentueux au point de l’installer dans cette posture scandaleuse qui choque tous les témoins ?
En l’absence de sa femme en vacances en France, Thomas Pitt enquête avec le sergent Tellman dans le milieu du théâtre ou il croise des acteurs désireux de s’opposer à la censure qui menace leurs pièces.
La liberté d’expression doit-elle être totale s’interroge Anne Perry à travers ce roman ? Pour faire avancer les idées, peut-on tout dire et tout montrer, même la pornographie ou faut-il protéger les personnes les plus vulnérables par la censure ? Le dénouement apporte un élément de réponse brutal à ces questions.
En Provence, à trois époques différentes, trois hommes assistent à la chute de leur civilisation. Manlius Hippomanes à la veille de la chute de l’empire romain, au moment où la Gaule est envahie par les barbares. Olivier de Noyen, au début du 14° siècle ravagé par la peste noire. Et Julien Barneuve en 1940, dans la France vaincue et occupée par les Allemands. A ces trois périodes les Juifs sont persécutés, jugés responsables des malheurs du temps. Face au triomphe de la barbarie et des instincts bestiaux comment l’intellectuel doit-il réagir ? Peut-on pactiser avec l’ennemi dans le but de le civiliser ? Ce sont les questions que se posent ces trois hommes et auxquelles ils répondent en s’engageant avec plus ou moins de succès.
Dans ce roman où Iain Pears entrelace les destins de ses trois personnages l’humour qui m’avait réjouie dans la série des aventures de Jonathan Argyll et Flavia di Stephano fait défaut. Il faut dire que le sujet s’y prête moins sans doute. Le résultat en est une lecture parfois un peu rébarbative. Il faut s’accrocher au début pour entrer dans l’action qui est rarement trépidante. Cependant j’ai apprécié la description des conditions de vie à la fin de l’empire romain. Iain Pears sait de quoi il parle et cela donne envie d’en apprendre plus sur cette époque.
La véritable histoire de la princesse de Kapurthala
1906 : le maharajah de Kapurthala, un état du nord de l’Inde, vient à Madrid pour y assister au mariage du roi Alphonse XIII. Dans un cabaret il remarque Anita Delgado Briones, une jeune danseuse de seize ans. Ebloui par sa beauté il commence une offensive de charme auprès de la famille à coup de cadeaux couteux. Les parents sont pauvres et se laissent impressionner, Anita est « vendue ». Elle même, intimidée par les attention d’un homme habitué à obtenir ce qu’il veut, de 18 ans son aîné, se convainc qu’elle est amoureuse.
Après un mariage civil rapide elle embarque pour l’Inde où elle va découvrir les quatre autres épouses de son mari et leurs enfants dont certains ont le même âge qu’elle. En plus de la jalousie des coépouses il lui faudra affronter le rejet du colonisateur britannique qui refuse de cautionner le mariage du rajah avec une Européenne. Anita est donc considérée comme une concubine et à peine tolérée aux réceptions officielles.
Petit à petit elle s’adapte cependant à cette vie globalement facile où elle joue le rôle de la favorite, évoluant dans un luxe inouï. En 1925 Anita quitte l’Inde de façon définitive, renvoyée par son mari à la suite d’un scandale.
A travers cette biographie Javier Moro retrace aussi l’histoire des derniers maharajah. Officiellement ils dirigent leurs états mais ceux-ci sont en fait des protectorats britanniques. Dépossédés de tout réel pouvoir ces princes immensément riches se consolent en menant un train de vie fastueux. Le mari d’Anita fait construire un château à la française sur ses terres. Eduqués dans des pensionnats anglais dès leur plus jeune âge ils se voient en despotes éclairés, capables de faire le lien entre l’orient et l’occident, d’apporter à leur peuple les bienfaits du 20° siècle mais ils continuent d’entretenir nombre d’épouses et de concubines dans la zenana.
Javier Moro évoque aussi les débuts de la colonisation britannique quand des Anglais, conquis par la civilisation indienne adoptaient les modes de vie locaux. A partir du début du 19° siècle les autorités britanniques mirent fin à ces pratiques, craignant qu’elles ne soient nuisibles à la consolidation de l’empire. Alors Indiens et Anglais ne se fréquentèrent plus que de loin. C’est intéressant et cela donne envie d’en savoir plus sur cette période. L’ensemble se lit facilement.
Quatrième épisode des aventures de Flavia di Stephano et Jonathan Argyll à la poursuite des trafiquants d’oeuvres d’art.
Jonathan a accepté de convoyer de Paris à Rome un tableau qu’il doit apporter à son acheteur. Mais celui-ci, Arthur Muller, semble déçu par l’oeuvre et propose à Jonathan de le revendre pour lui. Le lendemain Muller est retrouvé assassiné après avoir été torturé. A la poursuite des meurtriers Flavia et Jonathan vont découvrir que cette affaire prend ses racines à l’époque de l’occupation allemande de la France, des persécutions antisémites et de la résistance. 50 ans après certains ont encore des choses à cacher et le bras long ce que montre l’insistance de la police française à mettre des bâtons dans les roues de nos héros.
Ce troisième épisode des enquêtes de Jonathan Argyll et Flavia di Stephano se déroule aux Etats-Unis où Jonathan qui travaille pour le marchand d’art Edward Byrnes a accompagné un tableau vendu à un millionnaire californien. Hélas le client est assassiné et un buste en marbre attribué au Bernin disparaît. Comme il y a tout lieu de croire que le buste était sorti en fraude d’Italie, Flavia est dépêchée sur place pour participer à l’enquête.
On retrouve tous les éléments qui font la qualité de cette série : humour, rebondissements, découverte du milieu de l’art et de ses magouilles. Conservateurs de musées, marchands d’arts et collectionneurs semblent souvent prêts à fermer les yeux sur des irrégularités pour acquérir l’oeuvre convoitée.
En 1938 la famille Redlich, des Juifs allemands, fuient leur pays pour se réfugier au Kénya. Pour les parents, Walter, ancien avocat et sa femme Jettel, le changement d’habitudes est rude. Ils ont quitté une vie facile pour s’occuper d’une ferme isolée. Contraints à de trop fréquents tête à tête, travaillés par l’angoisse quant au sort de leurs parents restés en Allemagne, ils se réfugient dans la nostalgie et les souvenirs d’un passé forcément plus heureux.
Par contre, pour leur fille Regina, âgée de six ans à son arrivée au Kénya, la rencontre avec l’Afrique et le boy Owuor est une révélation:
« La peau d’Owuor exhalait un parfum merveilleux, une senteur de miel qui chassait la peur et qui métamorphosa d’un coup une petite fille en grande personne. Regina ouvrit grand la bouche pour mieux absorber cette odeur magique qui débarassait le corps de la fatigue et des douleurs. Elle sentit soudain qu’elle devenait forte dans les bras d’Owuor et elle s’aperçut que sa langue avait appris à voler. »
Regina qui était jusque là une enfant timide et réservée s’épanouit en liberté à la ferme. Elle apprend les langues des peuples des environs : Swahili, Jaluo, Kikuyu. Owuor lui enseigne le mode de pensée de son peuple. Elle mûrit rapidement, devenant celle qui doit soutenir et consoler ses parents.
L’auteur est partie de sa propre enfance pour écrire ce bon roman autobiographique. On découvre ainsi qu’il existait une petite communauté de Juifs réfugiés au Kénya dans les années 30. La plupart d’entre aux étaient des intellectuels qui avaient du se reconvertir dans des métiers manuels et les conditions d’existence n’étaient pas roses. Dix ans après leur arrivée très peu maîtrisaient correctement l’Anglais alors que leurs enfants, scolarisés dans les établissements de la colonie britannique, avaient désappris l’Allemand. Stefanie Sweig écrit dans un style vivant et imagé. Les descriptions des paysages et des sentiments utilisent des comparaisons originales et bien vues.
Voici le premier épisode des enquêtes de Flavia di Stephano et de Jonathan Argyll dans le monde des amateurs d’art.
Jonathan Argyll, un étudiant en histoire de l’art a découvert à partir de documents l’existence d’un repeint de Raphaël. Au 18° siècle Carlo Mantini, peintre médiocre, a peint sur un Raphaël dans le but d’exporter l’oeuvre illégalement au profit d’un acheteur anglais. Le tableau a ensuite disparu et nul ne sait s’il est arrivé en Angleterre ou resté en Italie. Avec Flavia di Stephano, enquêtrice pour une brigade chargée de retrouver des oeuvres volées, Jonathan se lance à la recherche du Raphaël. Le tableau intéresse aussi un marchand d’art et un directeur de musée. L’affaire se corse quand un employé du-dit musée est assassiné. Elle mène nos héros de rebondissement en rebondissement jusqu’au coup de théâtre final qui révèle ce qu’il est advenu de l’objet du délit.
Les péripéties sont nombreuses, les héros sympathiques et le style plein d’humour. A l’évidence Iain Pears connaît et aime l’Italie. Une bonne série.
Ce livre est le deuxième épisode d’une série policière qui se déroule en Italie dans un cercle d’historiens et d’experts en art.
Le comité Tiziano, composé d’historiens de l’art de plusieurs pays se réunit une fois par an à Venise. Sa mission est d’expertiser toutes les oeuvres du Titien depuis le simple croquis jusqu’aux tableaux et aux fresques. Mais voici que l’on retrouve l’un de ses membres, le professeur Louise Masterson, assassinée dans un parterre de lys des Giardinetti Reali. L’enquêtrice Flavia di Stephano est missionnée sur cette affaire qui ne correspond pas précisément à ses attributions puisqu’elle fait partie d’une brigade spécialisée dans la recherche des oeuvres volées. Cependant son service est menacé par des restrictions budgétaires et il s’agit de montrer combien il est nécessaire.
A Venise, Flavia mène l’enquête aidée de son ami Jonathan Argyll, négociant en art. Les choses se compliquent quand d’autres membres du comité sont assassinés et que des tableaux que Jonathan essayait d’acheter sont volés.
Voilà un bon livre de la collection « Grands détectives » chez 10-18. Il me donne envie de lire les autres de la série (il y en a cinq déjà parus). On découvre le petit monde des spécialistes de l’art, les querelles de chapelles. C’est plein d’humour, un régal à lire.
Philippe Grimbert a vécu une enfance difficile. Perturbé par des insomnies et des cauchemars, souffreteux, il s’est inventé un frère, un double plus beau et plus fort qui lui permettait de supporter l’existence. Il a 15 ans quand il apprend le terrible secret que ses parents et sa famille lui ont caché : ce frère a bien existé et il a été emporté par les persécutions antisémites qui ont frappé les Juifs d’Europe lors de la seconde guerre mondiale.
Philippe Grimbert est psychanalyste et à travers l’histoire romancée de sa famille il explore les répercutions d’un secret de famille sur un enfant théoriquement ignorant et qui somatise ce qu’on cherche à lui cacher. En même temps, il reconstitue cette histoire familiale passée sous silence et rappelle la mémoire de ceux qui sont morts sans tombe.
D’origine indienne, Irshad Manji est née en Ouganda et vit au Canada depuis sa petite enfance. Elle est musulmane et elle est lesbienne. Irshad Manji se pose de nombreuses questions sur sa religion et elle y apporte des réponses qui sont tout sauf stéréotypées. Dans ce livre elle s’adresse aux musulmans et aux autres pour les amener à s’interroger sur l’islam d’aujourd’hui.
L’islam est-il compatible avec la démocratie et les droits de l’homme (droits des femmes, droits des minorités religieuses, droits des homosexuels) ? Pour répondre à cette question elle remonte à l’époque de l’islam éclairé et ouvert entre 750 et 1250. Qu’est ce qui a ensuite mal tourné, pourquoi les musulmans ont-ils cessé de penser ? Pour elle c’est le début des défaites militaires qui a entraîné un repli sur soi comme système de défense.
Une partie de l’ouvrage est consacrée à la naissance de l’état d’Israël et au sort du peuple palestinien. Irshad Manji rappelle qu’Israël est la seule démocratie de la région et que les états arabes ont fait beaucoup pour le malheur des Palestiniens. Comme tout le reste, ceci est solidement étayé par des arguments et des exemples.
Irshad Manji questionne aussi la place de l’Arabie Saoudite dans la doctrine musulmane contemporaine. Elle critique cet islam arabe qui a imposé ses vues obscurantistes et appelle les musulmans non-arabes (notamment asiatiques) à s’en détacher.
Pour terminer, l’auteur explore les pistes qui pourraient permettre à l’islam d’évoluer positivement. Son idée est que la réforme doit passer par les femmes et une amélioration de leur statut économique. En leur concédant des micro-crédits on leur permettrait de monter de petites entreprises. La prise de responsabilités et l’autonomie dans la sphère économique entraineraient automatiquement la même chose dans la sphère privée et religieuse.
Un très bon ouvrage dont les thèses m’ont convaincues. L’ensemble est très bien documenté, érudit sans en avoir l’air. Le style est vif et percutant, servant parfaitement le propos. Une femme de caractère et de convictions. Ca décoiffe et c’est plutôt réjouissant. Chapeau, Mme Manji !