Après la mort accidentelle de son père et de sa petite soeur et le remariage de sa mère, Deepa a été élevée par sa grand-mère, Amma. Quand ils étaient jeunes, Amma et son mari, astrologues des cours des royaumes du nord ont voyagé de résidence princière en résidence princière pour être présents lors des accouchements et préparer les horoscopes des nouveaux-nés. Amma raconte ses souvenirs à sa petite fille. En échange de ses services, elle s’est vu offrir de somptueux bijoux. Elle prétend qu’ils sont toujours cachés dans sa modeste demeure et qu’un jour Deepa trouvera le trésor.
En vieillissant Amma est devenue aveugle tandis que son don de double vue, au contraire, s’affirmait. Au contact des autres elle peut lire dans leur esprit et prédire leur avenir. Auprès de sa grand-mère et de leur bufflonne Jhotta, Deepa grandit tranquillement, sans soucis du lendemain.
Dans la même ville de Mardpur vit aussi Raman, un modeste employé de bureau. Raman a toujours été dénué de toute ambition et, tandis que ses frères sont de riches marchands de saris, il se contente des joies familiales et du calme de son jardin. Mais Raman a deux filles jumelles qui ont atteint l’âge de quinze ans et chacun estime qu’il est temps de les marier. Il va falloir payer dot et réjouissances. Où trouver l’argent ? Raman décide d’écrire un roman à succès. Hélas, l’inspiration ne vient pas facilement.
Convaincu que la bufflonne d’Amma donne un lait aux pouvoirs magiques Raman s’avise de s’en procurer les quantité nécessaires à la rédaction de son livre. Lors de ses fréquentes visites à Amma celle-ci lit dans ses pensées et en fait émerger les idées encore confuses. De retour chez lui Raman se trouve prêt à coucher par écrit les étapes d’un roman d’aventures palpitant.
J’ai beaucoup aimé ce bon roman, intéressant à plus d’un point. On entre dans l’intimité de familles indiennes et on découvre leurs modes de vie et de pensée. Tout confirme l’obsession de parents de filles de leur trouver un mari. La mère d’une amie de Deepa alors âgée de 12 ans observe celle-ci jouer et à quoi pense-t-elle ? « Elle se dit que son air d’abandon joyeux faisait plaisir à voir, tout comme ses mouvements, infiniment gracieux. Sa mère n’aurait aucun mal à la marier » !
La question des castes apparaît aussi car Raman est un bania (caste de commerçants) et à ce titre son projet d’écriture choque le prêtre du temple local, brahmane qui tente de lui mettre des bâtons dans les roues : les activités intellectuelles sont réservées aux brahmanes.
Tout ceci est présenté sur le ton d’un humour léger, non dénué d’esprit critique : « Sans dénigrer les mérites de Satyanarayan, Ma se fit la réflexion que le prêtre n’était pas exactement un cadeau pour Mardpur. Mais elle la garda pour elle-même, ne voulant pas critiquer un brahmane devant une servante.«
Enfin, par dessus tout, le message est qu’il faut devenir acteur de sa vie : « Le trésor est pour celui qui prend son destin entre ses mains« .
Siri Hustvedt, L’envoûtement de Lily Dahl, Babel
Lily Dahl a 19 ans et vit à Webster, une bourgade du Minnesota. Lily est serveuse à l’Idéal-Café et met de l’argent de côté pour pouvoir se payer des études. Elle est attirée par le théâtre et répète « Le songe d’une nuit d’été » dans la troupe locale d’amateurs. C’est par ce biais qu’elle se lie d’amitié avec Mabel, sa voisine, professeur à la retraite qui lui propose de l’aider à apprendre son rôle.
Dans l’hôtel en face de chez Lily est installé Edouard Shapiro, un peintre new-yorkais venu à Webster pour y réaliser une série de tableaux. Lily se sent attirée par cet homme. Elle le séduit et ils entament une liaison.
A l’Idéal-Café Lily sert leur petit déjeuner aux frères Bodler, Franck la Crasse et Dick le Sale, des ferrailleurs et à Martin Petersen, un garçon de son âge qui a été un ami d’enfance. Martin est affecté de bégaiement, c’est un solitaire au comportement parfois étrange. Martin s’est vu attribuer le petit rôle de Toile d’Araignée dans « Le songe d’une nuit d’été ».
Dans cette petite ville où tout le monde se connaît et s’observe voilà que se déroulent des événements étranges: plusieurs personnes affirment avoir vu un homme portant une femme inanimée, morte ? Selon certains témoins l’homme serait Martin Petersen ou… Jessie James et la femme Lily Dahl elle-même.
Les relations que Lily Dahl noue avec les diverses personnes qui traversent sa vie l’aident peu à peu à trouver sa voie. A travers une galerie de portraits pittoresques Siri Hustvedt nous raconte ici les quelques mois pendant lesquels une jeune fille encore hésitante devient une femme qui trouve l’envie et la force de vivre ses désirs pour elle-même. C’est bien fait et plutôt plaisant à lire.
Didier Daeninckx, Cannibale, Folio
En 1931 Paris accueille l’exposition coloniale où la France fait l’étalage de ses conquêtes outre-mer et des peuples dominés. Pour l’instruction des visiteurs, on a fait venir des indigènes des colonies et monté un petit zoo humain. Y figure un groupe de Kanak de Nouvelle-Calédonie dont Gocéné, le narrateur. On les oblige à déambuler à moitié nus et à pousser des cris sauvages pour impressionner le passant. Gocéné est parti de chez lui avec pour mission de veiller sur sa fiancée qui fait aussi partie du groupe. Mais voilà que la jeune fille et une partie des Kanak sont emmenés vers une destination inconnue. Accompagné de Badimoin, Gocéné s’évade et entreprend de retrouver ses camarades.
Ce bon petit livre, bien écrit, se lit rapidement. Didier Daeninckx dénonce ici le racisme et le colonialisme, les idées reçues de supériorité qui mènent à traiter des hommes comme des animaux : ici des êtres humains sont échangés contre des crocodiles à un cirque allemand. Et tout ceci est basé sur des faits réels.
Chitra Banerjee Divakaruni, La maîtresse des épices, Picquier
La narratrice, Tilottama (Tilo) est maîtresse des épices. Dans son épicerie d’Auckland, Californie, elle vend et distribue des spécialités indiennes et bien sur des épices. Epices pour la cuisine mais aussi épices qui soignent et qui aident : la cannelle qui favorise l’amitié, le curcuma qui porte bonheur… Formée sur l’Ile par la Première Mère, Tilo est une magicienne et officie sous les traits d’une vieille femme. Sa mission est d’aider ses frères indiens exilés en Amérique. Pour cela elle a le pouvoir de sentir ce que vivent les gens.
Un jour, un Américain entre dans sa boutique puis y revient à plusieurs reprises. Celui-là n’est pas comme les autres. Tilo a l’impression d’être percée à jour. Il lui semble que Raven lit en elle et voit la vraie Tilo sous l’apparence. L’amour et l’attirance qu’elle ressent bientôt vont l’amener à transgresser les interdits liés à ses pouvoirs mais aussi à être plus proche des autres.
J’ai moyennement aimé ce livre. Il est plutôt bien écrit et se lit sans difficulté mais je n’ai pas vraiment adhéré à l’histoire. Les passages concernant la formation de Tilo sur l’Ile et son amour naissant pour Raven ne m’ont pas convaincue. Les descriptions empruntent parfois à des stéréotypes pas très heureux : j’ai trouvé que les rencontres entre Tilo et son Américain se situaient à la limite du roman rose et à la fin le tremblement de terre m’a donné l’impression d’être dans un film de possession démoniaque. Pour cela je suis restée en retrait et n’ai pas été emportée par l’histoire. J’ai mieux aimé tout ce qui touchait à la vie des immigrés indiens et à leurs difficultés d’intégration en Amérique.
2 juillet 2008
Le 2 juillet c’était mon anniversaire. Et regardez tous les supers cadeaux que j’ai eu :
Des livres :
Laurie Lee, Un beau matin d’été, Phébus
Fabrice Mazza, Enigmes subtiles pour esprits agiles, Marabout
Sege Michel et Michel Beuret, La Chinafrique , Grasset
Julie Otsuka, Quand l’empereur était un dieu, 10-18
Luce Rostoll, L’Algérie à l’ombre de Maria, Loubatières
Boualem Sansal, Le village de l’Allemand, Gallimard
Vikram Seth, Deux vies, Albin Michel
Et un hors-série du Point sur l’Inde.
De quoi lire jusqu’à la fin de l’été.
Des films :
Namaste London,
Baghban.
Ceux-là seront vus bien avant la fin de l’été !
Merci beaucoup à tous ceux qui m’ont gâtée.
Et puis le 2 juillet 2008 c’est aussi la libération d’Ingrid Bétancourt. Pas mal pour terminer la journée!
Claude Duneton, Loin des forêts rouges, Denoël
L’auteur est le fils d’un paysan communiste du Limousin. Son enfance a été bercée du mythe de l’URSS, paradis des ouvriers et des paysans. En 1991, à l’occasion d’un séjour en Russie il loue une chambre chez Tamara qui lui raconte son enfance difficile au pays des soviets, la famille de cinq personnes logée dans une seule pièce. Claude Duneton découvre alors que les lendemains qui chantent n’étaient qu’une illusion. Cette découverte peut se comparer à ce que serait pour un croyant celle de la preuve que Dieu n’existe pas. Il éprouve un sentiment de trahison. Ceux qui savaient et qui ont menti au peuple sont pointés et en prennent pour leur grade : Maurice Thorez et surtout Jean-Paul Sartre.
Un petit livre écrit dans un Français coloré d’expressions populaires, un style auquel je n’acroche pas vraiment. C’est facile à lire, ça a du faire du bien à Claude Duneton de l’écrire mais je trouve que ça n’apporte rien de nouveau au sujet. Je n’ai pas attendu 1991 pour savoir que l’URSS de Staline était un Etat totalitaire.
Paul Auster, La nuit de l’oracle, Actes sud
Le narrateur, l’écrivain Sidney Orr, a été très gravement malade et sort juste de l’hôpital où il a fait un long séjour. Pendant sa convalescence il découvre dans son quartier une petite papeterie où il achète un carnet bleu fabriqué au Portugal. Rentré chez lui, il se met à écrire dans le carnet les bases d’un nouveau roman. Il est dans un état second et les mots arrivent sans qu’il ait besoin de les chercher.
L’histoire qui surgit presque d’elle même est celle de Nick Bowen, un éditeur new-yorkais. Alors qu’il effectue une course dans son quartier un morceau de corniche d’un immeuble se détache et s’écrase juste à côté de lui, l’épargnant de peu. Cet accident entraîne Bowen à s’interroger sur le sens de sa vie, son mariage qui bat de l’aile, sa rencontre peu de temps auparavant avec une jeune femme, Rosa Leightman, pour qui il a ressenti une grande attirance.
Interprétant le fait qu’il n’a pas été tué comme un signe, Bowen décide de recommencer sa vie. Il disparaît volontairement, prend le premier avion qui quitte New-York. Il emporte avec lui un manuscrit écrit par Sylvia Maxwell, la grand-mère de Rosa Leightman.
Ce manuscrit s’intitule « La nuit de l’oracle » et raconte l’histoire d’un aveugle, mutilé de la première guerre mondiale, qui fait des rêves prémonitoires.
L’histoire de Sidney Orr et celle de Nick Bowen s’entrecroisent dans ce roman plein d’invention et de rebondissements. Sidney Orr à un moment ne sait plus très bien s’il est dans sa vie ou dans celle de son personnage et moi-même j’étais dans une situation identique, ne sachant plus dans quel récit je me trouvais. En plus des deux récits principaux, d’autres viennent s’ajouter, plus ou moins esquissés : celui du manuscrit qui donne son titre au roman, ceux des personnages secondaires. L’un de ces personnages secondaires, Jacob Trause, a de nombreux points communs avec Mark de Tout ce que j’aimais (Siri Hustvedt). L’un a manifestement inspiré l’autre, à moins que les deux aient été inspirés par la même personne. Siri Hustvedt est la femme de Paul Auster.
La question de fond est celle du lien entre la fiction et la réalité. Un écrivain décrit des évènements qui se réalisent peu de temps après. le fait d’avoir pensé et écrit les choses les a-t-il amené à se produire ou l’auteur a-t-il prédit l’avenir ? « Nous savons parfois les choses avant qu’elles ne se produisent, même si nous ne savons pas que nous savons » répond Sidney Orr.
Hugo Hamilton, Sang impur, Phébus
Dans cet excellent roman autobiographique Hugo Hamilton raconte son enfance en Irlande, à Dublin, dans les années 50 et 60. Une enfance partagée entre trois langues et trois cultures.
Celles de sa mère, une Allemande issue d’une famille antinazie. Venue en Irlande pour un pèlerinage après la guerre, elle y a rencontré son mari. C’est une femme chaleureuse qui confectionne de nombreux gâteaux, une femme dont sa jeunesse dans l’Allemagne nazie a fait une non-violente qui pense que les conflits doivent se régler par la parole et non par le poing.
Celles de son père, nationaliste irlandais qui interdit à ses enfants de parler Anglais et qui a renié son père, marin dans la marine britannique qui ne parlait pas un mot d’Irlandais. C’est un homme qui parle du pouvoir de la parole pour convaincre les Irlandais de parler leur propre langue et qui n’hésite pas à utiliser le poing quand ses enfants profèrent un mot de la langue des colonisateurs.
Celles de la rue où l’on parle majoritairement Anglais. Où les autres enfants se moquent des petits Hamilton qui ne sont pas comme eux, que l’on traite de nazis parcequ’à moitié Allemands.
Mais cette Irlande où l’on tape sur des enfants accusés des crimes du nazisme c’est aussi celle où la mère peut s’entendre dire : « Bien joué les Allemands, pour la sacrée belle raclée que vous avez flanquée aux British ! Bien joué pour ça au moins, Hitler ! »
Hugo a du mal à se situer au milieu de tout cela. Il est conscient de sa différence et aimerait parfois être un enfant comme les autres cependant il s’aperçoit qu’il n’arrive pas à renier les valeurs qui lui ont été inculquées.
Le livre est très bien écrit dans un style d’une apparente simplicité qui restitue les sensations de l’enfance, mêlant réalité et imagination. Le jeune Hamilton apparaît comme un garçon intelligent et attachant.
Des extraits de l’oeuvre :
« Comme ça, on a eu un ami pour la vie. On a appris à nager et à plonger et, pendant tout l’été, on est allé à la piscine municipale tous les jours. On a économisé et on s’est acheté des lunettes de plongée pour pouvoir aller sous l’eau et faire des concours pour repêcher des pennies au fond de la piscine. On jetait la pièce au fond du grand bassin et on la regardait tourner pendant qu’elle s’enfonçait dans l’eau et qu’elle disparaissait. Après, on plongeait pour la chercher sous l’eau et là il n’y avait pas de langue, juste des bulles qui bourdonnaient tout autour de nous. On se chronométrait chacun son tour pour voir qui pouvait tenir sous l’eau le plus longtemps et je gagnais presque toujours parce que je pouvais rester là jusqu’à ce que mes poumons éclatent presque,quand je risquais de mourir et que j’étais obligé de remonter pour retrouver des mots. J’étais champion du pas-respirer. Des fois, on descendait tous les trois ensemble et on se serrait la main. On avait l’impression qu’on pourrait vivre là en bas, juste assis au fond de la piscine à se faire des signes. Quand on ressortait de l’eau, on avait les genoux violets, les mains violettes, les lèvres violettes. Et on claquait des dents. Et puis, c’était l’heure de rentrer à la maison et on s’achetait du chewing-gum. Noel trouvait qu’il avait encore de l’eau dans une oreille et il devait se pencher d’un côté pour la laisser se vider, comme une cruche. On était amis pour la vie et on rentrait à la maison avec nos serviettes autour du cou, on tapait nos maillots de bain sur les murs et ils laissaient des traces, comme des signatures sur tout le chemin. On attendait d’arriver au dernier réverbère avant d’arrêter de parler anglais. »
« Mrs Robinson a écarté ses voilages et regardé vers moi, de l’autre côté de la rue, je lui ai fait signe mais elle ne m’a pas vu à travers le brouillard. Des fois, elle nous laisse regarder la télévision chez elle et je connais l’odeur de sa maison. Ca sent différemment dans chaque maison : avec certaines odeurs, on se sent tout seul ; avec d’autres, on se sent chez soi. La maison de Miss Tarleton, elle a une odeur de serre et de chou bouilli ; chez Miss Hosford, ça sent comme chez le pharmacien. La maison de Miss McSweeney sent le caramel et le cirage. L’appartement de Miss Doyle, à l’étage, sent toujours les beans on toast. Chez Miss Ryan, ça sent la lessive et le repassage, avec aussi une petite odeur de réglisse ; et chez Miss Brown, on dirait un mélange de savon, de fumée de cigarette et de l’odeur qu’il y a derrière un poste de radio qui marche depuis un moment. Je ne sais pas ce qui rend l’odeur de chaque maison si différente mais chez nous, ça sent comme être heureux et avoir peur. Chez notre ami Noel, ça sent comme quand personne ne se met jamais en colère, parce que son père est médecin, que sa mère ne crie jamais et qu’ils ont un chien. La maison de Tante Roseleen sent la limonade rouge, et chez Onkel Ted ça sent comme dans un autre pays, comme dans la maison à la porte jaune et à la crème anglaise, là où on se languit toujours d’être chez soi. »
Anne Perry, Meurtres souterrains, 10-18
La 15° aventure de William Monk.
William Monk a repris du service dans la police, il dirige une brigade fluviale. Un soir, alors qu’il patrouille sur la Tamise avec ses hommes, ils assistent à un drame qui se trame sur un pont sous lequel ils s’apprètent à passer. Un jeune couple bascule par dessus la rambarde, elle (Mary Havilland) d’abord, lui (Toby Argyll) à sa suite et tombe à l’eau, se noyant immédiatement. Que s’est-il passé ? A-t-elle voulu se suicider et lui la retenir ? Ou a-t-il cherché à la pousser et l’a-t-elle entraîné dans sa chute ? La famille des victimes opte pour la première explication : le père de la jeune fille s’était suicidé quelques temps auparavant et elle n’aurait pas supporté cette perte cruelle.
Cependant Monk va découvrir que les choses sont plus compliquées qu’il n’y paraît. Et si on avait voulu faire taire le père puis la fille ? C’est l’époque où des entreprises se livrent une concurrence acharnée pour creuser un réseau moderne d’égouts à Londres et M. Havilland, ingénieur de la compagnie dirigée par le frère de Toby Argyll craignait une catastrophe qui coûterait la vie à de nombreux ouvriers.
Pour mener l’enquête Monk s’associe avec son second, Orme et avec le commissaire Runcorn, son ancien chef et ennemi. Ils descendent dans le Londres souterrain, formé d’antiques canalisations, rivières, catacombes et peuplé de toute une faune de boueux, chiffe-tire, voleurs et miséreux.
On fait connaissance avec ce monde pittoresque mais j’ai trouvé l’intrigue policière peu convaincante. Je n’ai guère adhéré à la machination dont on découvre en fin d’histoire une partie des motivations tandis que les autres restent un mystère pour les personnages et le lecteur.
C’est toujours très lisible mais à mon avis Anne Perry fait ici un peu du sur place. Ses ouvrages précédents ont montré qu’elle est très capable de relancer un intérêt faiblissant donc j’attends encore la suite avec impatience.
Anita Nair, Compartiment pour dames, Picquier
Le père d’Akhila est mort quand elle avait 19 ans. Fille aînée elle a du travailler pour subvenir aux besoins de sa famille. Elle a sacrifié sa jeunesse pour les siens et tout le monde a trouvé cela normal. Le temps a passé. Ses frères et sa soeur se sont mariés et Akhila est restée célibataire. Sa mère est morte à son tour mais Akhila est restée akka, la soeur aînée dévouée dont la personnalité s’est effacée derrière ce rôle. Aucun de ses proches n’imagine qu’elle puisse avoir des désirs propres et elle-même semble l’avoir presque oublié.
Cependant, à 45 ans, Akhila commence à se lasser de cette place que les circonstances lui ont assignée et se pose des questions sur son avenir : va-t-elle continuer à nier ce qu’elle ressent ou va-t-elle enfin exister pour elle-même ? Elle a besoin de temps pour y réfléchir et décide de partir en voyage. Elle prend un billet de train pour Kanyakumari, à l’extrémité sud de l’Inde, là où trois mers se rencontrent. L’océan indien, la baie du Bengale et la mer d’Arabie. Elle réserve une couchette dans un compartiment pour dames.
Elle se retrouve là avec cinq autres femmes avec qui elle va passer la nuit et à qui elle pose la question qui la taraude : une femme peut-elle vivre sans homme ?
Pour répondre à la question, chacune de ces femmes va raconter sa propre histoire. Akhila puisera dans ces itinéraires la force de faire un choix personnel.
Il y a Janaki, une dame d’un certain âge que son mari a toujours entourée et traitée comme si elle était incapable de se débrouiller seule. Elle l’a d’abord accepté comme quelque chose de normal, puis cela lui est devenu insuportable, enfin elle s’est aperçue qu’elle aimait son mari.
Il y a Sheela, 14 ans, qui a accompli le dernier voeux de sa grand-mère mourante, malgré la désaprobation de sa famille.
Il y a Margaret qui a trouvé comment neutraliser son mari, directeur d’école autoritariste qui traumatisait ses élèves avec ses punitions sadiques.
Il y a Prabha Devi. Epouse parfaite et mère modèle elle a oublié qu’elle était aussi une femme. A 40 ans elle décide de s’accorder un peu de temps et d’apprendre à nager.
Enfin il y a Marikolanthu. Mère célibataire à la suite d’un viol il lui a fallu de nombreuses années avant de surmonter son traumatisme et d’accepter son fils.
Un bien bon roman. Il est écrit dans un style simple et plein d’heureuses trouvailles. Les récits de ses compagnes font revenir à la mémoire d’Akhila des épisodes de sa propre vie et la narration alterne histoires des unes et souvenirs de l’autre. Bien sur les vies de ces femmes sont influencées par le poids de la société traditionnelle indienne mais leurs aspirations sont universelles. Ce roman nous invite à nous pencher sur une question qui concerne chacun d’entre nous : comment être maître de son destin ?