François Bégaudeau est professeur de Français dans un collège du 19° arrondissement de Paris. Dans Entre les murs il raconte des scènes de la vie quotidienne dans cet établissement où la majorité des élèves sont d’origine étrangère.
Volontairement -c’est dit en quatrième de couverture- l’auteur montre les situations mais ne les commente pas.
Alors, que voit-on ? Un métier où le Français n’est qu’une partie de ce qui s’enseigne en classe. Il faut aussi rappeler encore et encore les règles de la vie en société.
Un métier où il ne faut pas se lasser de répéter :
« Souleymane était entré dans la classe avec sa capuche rabattue, j’ai attendu qu’il soit assis.
– La capuche, Souleymane, s’il te plaît.
Il l’a fait glisser sur ses épaules d’un coup de tête.
– Le bonnet aussi. »
Plus loin :
« Souleymane avait la capuche rabattue et un bonnet dessous. Sans doute absent au cours précédent, Hossein l’a salué en martelant son poing droit avec le sien gauche.
– Souleymane, enlève-moi tout ça. »
Et plus loin encore :
« Me précédant, Souleymane est entré encapuché.
– Souleymane.
Il s’est tourné vers moi. M’a vu pointer mon crâne du doigt pour symboliser le sien. S’est exécuté.
– Le bonnet aussi, s’il te plaît. »
Etc, etc…
(Mon voisin me souffle : « Il faut imaginer Sisyphe heureux » !)
Face à des élèves parfois agressifs ou qui opposent une grande force d’inertie le narrateur n’hésite pas à dire ce qu’il pense de façon abrupte :
« – Je m’excuse mais moi, rire comme ça en public, c’est c’que j’appelle une attitude de pétasses.
Elles ont explosé en choeur.
– C’est bon, on est pas des pétasses.
– Ca s’fait pas de dire ça, m’sieur.
– J’ai pas dit que vous étiez des pétasses, j’ai dit que sur ce coup-là vous aviez eu une attitude de pétasses.
– C’est bon, c’est pas la peine de nous traiter.
– On dit pas traiter, on dit insulter.
– C’est pas la peine de nous insulter de pétasses.
– On dit insulter tout court, ou traiter de. Mais pas un mélange des deux. Je vous ai insultées, ou alors je vous ai traitées de pétasses, mais pas les deux à la fois. »
Mais cela passe parce qu’en même temps il est aussi capable de reconnaître aux élèves leurs efforts et leurs qualités :
« – Mais c’est vachement bien que tu lises ça, dis-donc. Tu comprends c’que tu lis ? (elle lit La République)
– Oui oui ça va, merci m’sieur au revoir.
– C’est bizarre parce que c’est pas fait pour les pétasses d’habitude, ce livre.
Elle a souri en se retournant.
– Ben si, comme quoi. »
Parce que le professeur évite de trop se prendre au sérieux, il y a de l’humour et une connivence avec les élèves. Les situations sont finement observées, les difficultés des relations avec des adolescents bien montrées. Ces jeunes ont besoin d’avoir en face d’eux des adultes qui les apprécient et les respectent mais qui aussi soient capables de leur montrer où sont les limites. Ce n’est pas un métier toujours facile et on l’exerce mieux quand on ne traverse pas soi-même de vrais problèmes personnels. Au total, c’est un livre sympathique et plutôt optimiste.
Timeri N. Murari, Taj, Picquier
Ce roman raconte l’histoire d’amour entre Shah Jahan, empereur moghol au début du 17° siècle et Arjumand, impératrice sous le nom de Mumtaz-i-Mahal. Après la mort de son épouse adorée, Shah Jahan fit construire pour elle le Taj Mahal. La narration alterne un chapitre de l’histoire d’amour et un chapitre de la construction du mausolée.
L’histoire d’amour : elle nous est racontée par la voix de trois narrateurs : Shah Jahan, Arjumand et Isa, fidèle serviteur d’Arjumand. Entre Shah Jahan et Arjumand, ce fut le coup de foudre au premier regard. Elle avait 12 ans, lui 16. Hélas des raisons politiques allaient retarder le mariage qu’ils souhaitaient tous les deux car Shah Jahan était prince héritier et son père voulait qu’il fasse des unions politiques. Enfin leur persévérance eut raison des obstacles bien qu’arjumand eut atteint l’âge limite de 17 ans. Commencent alors 18 ans de mariage qui pour Arjumand sont 18 ans de grossesses. A peine remise d’une fausse couche ou d’un accouchement, elle était de nouveau enceinte et c’est en donnant le jour à son quatorzième enfant qu’elle mourut. Pour le couple bientôt suivi d’une ribambelle d’enfants c’est aussi de longues pérégrinations à travers l’empire sur les ordres de l’empereur Jahangir, père de Shah Jahan, lequel n’accéda au trône que deux ans avant la mort de sa femme.
Arjumand était la nièce de Mehrunissa dont j’ai lu l’histoire précédemment dans La vingtième épouse. Dans Taj Mehrunissa apparaît comme une intrigante, uniquement intéressée par le pouvoir que lui confère son mariage avec Jahgangir.
La construction du Taj Mahal : elle dura vingt ans et mobilisa 20 000 ouvriers venus de tout l’empire. Elle nous est racontée à travers l’histoire de l’un d’entre eux, Murthi, un sculpteur qui a quitté son village avec sa famille pour venir travailler sur ce chantier gigantesque. Malgré cette tentative de personnalisation le récit reste assez technique. C’est intéressant néanmoins. J’ai appris des tas de choses passionnantes sur les techniques de construction et la vie à cette époque mais c’est cela qui fait aussi, à mon avis, que ce roman n’est pas des plus prenants.
« Il faudrait des années avant que les fondations soient achevées. Les plans prévoyaient une série de piliers, entourés par des puits et reliés entre eux par de robustes arches. L’intérieur de ces puits serait rempli par des rochers et l’espace les séparant solidement maçonné. Les piliers supporteraient le poids énorme de la tombe, pendant que les puits empêcheraient les infiltrations d’eau de la Yamuna. Les briques seraient imperméabilisées pour les siècles à venir en étant immergées dans de la graisse chaude. Le mortier lui aussi était spécial, il était constitué d’un mélange de chaux éteinte, de sucre brut, de lentilles, de coquilles d’oeufs, de coquillages écrasés et de gomme d’arbre. »
Et on n’en est qu’aux fondations ! Vous comprenez que l’argent n’était pas un problème.
Bulbul Sharma, La colère des aubergines, Picquier
Les nouvelles qui constituent ce volume tournent toutes autour de la cuisine et par ce biais nous racontent des histoires de familles et plus particulièrement de femmes indiennes, cuisinières des festins qui nous sont décrits. Car les occasions sont nombreuses de nourrir son entourage, pour marquer son affection ou pour s’attirer des faveurs.
J’ai bien aimé L’épreuve du train. Une fois par an, Gopal emmène sa mère, sa femme et sa fille en pèlerinage. Le voyage en train est un calvaire pour lui. Il imagine tout ce qui pourrait arriver à ces trois femmes qui profitent de leur unique sortie en discutant avec des inconnus et en échangeant avec eux des victuailles : puri, curry de pommes-de-terre, pickle de mangues, paratha, pakora, kachori…
Dans Mes sacrées tantes de la même auteure il y a aussi une nouvelle qui se déroule dans un train et où on retrouve un peu la même ambiance de libération féminine.
Chaque nouvelle est suivie de recettes. J’en ai testé une que je pensais mettre ici mais le résultat n’est pas à la hauteur de mes attentes donc je m’abstiens. Il faudrait essayer encore mais il fait un peu chaud pour se mettre aux fourneaux.
C’est un joli prénom Bulbul, ça veut dire rossignol.
Indu Sundaresan, La vingtième épouse, Le livre de poche
Ce roman se déroule dans l’Inde des Moghols, à la fin du 16° siècle et au début du 17°. La période couvre la fin du règne de l’empereur Akbar et le début du règne de son successeur, son fils Jahangir. Le personnage central est Mehrunnisa qui fut la vingtième (et dernière) épouse de Jahangir. Après leur mariage, elle gouverna l’empire pour son époux, toujours dans l’ombre, comme il seyait aux femmes à cette époque.
L’histoire va de sa naissance à son mariage avec l’empereur. La légende rapporte que Mehrunnisa était tombée amoureuse à l’âge de huit ans de celui qui n’était encore que le prince Salim. Huit ans plus tard ils se croisèrent pour la première fois et il l’aima dès le premier regard mais leur amour devrait attendre encore longtemps. Quand il l’épousa, c’était une vieille de 34 ans (on considérait que passé 18 ans une fille n’était plus mariable), elle était veuve et mère d’une jeune enfant. Son père était un courtisan en disgrâce, son frère et son mari avaient été exécutés pour avoir comploté contre l’empereur. Tous ces éléments semblent prouver qu’en effet, il s’agissait bien d’un mariage d’amour.
Avec ce roman nous découvrons la vie à la cour du Grand Moghol. Familière de l’impératrice Ruqayya, femme d’Akbar, Mehrunnisa a grandi dans le harem impérial. Les innombrables femmes, concubines et esclaves qui ne vivent que pour attirer un instant l’attention de leur seigneur tuent le temps en colportant toutes sortes de ragots, en s’adonnant à la consommation de sucreries, d’alcool ou d’opium (Jahangir lui-même est un alcoolique drogué). Les proches de l’empereur, fils ou ministres, complotent pour obtenir plus de pouvoir. Au milieu de toutes ces turpitudes, Mehrunnisa est un ange de patience et d’intégrité. L’histoire de son mariage avec Jahangir est racontée par Indu Sundaresan dans Le festin de roses.
Fabrice Bourland, Le fantôme de Baker street, 10-18
Londres, 1932. Deux jeunes détectives, Andrew Singleton et James Trelawney, sont contactés par lady Conan Doyle, la veuve du célèbre écrivain. A la faveur d’une renumérotation de Baker street le n°221 a été attribué à une maison qui depuis semble habitée par un fantôme et lady Conan Doyle les supplie d’intervenir « pour le bien de l’humanité toute entière! » (Rien que ça).
En voilà une histoire abracadabrante ! De méchants fantômes sortent de tous les côtés. C’est Ghostbusters, ma parole ! Sauf que c’est moins drôle.
La seule chose que j’y ai vue d’intéressante c’est de retrouver des éléments de biographie d’Arthur Conan Doyle, personnage que j’avais découvert dans Arthur et George. A la fin de sa vie il était devenu un adepte du spiritisme et le roman le suit allègrement dans cette voie, développant les thèses les plus extravagantes.
Michel de Grèce, Le rajah Bourbon, Le livre de poche
Il existe en Inde, à Bhopal, une famille qui porte le nom de Bourbon et qui se croit descendante du Connétable de Bourbon qui trahit François 1° en 1523. Le Connétable aurait eut un fils caché, Jean, lequel, après de nombreuses péripéties, serait venu en Inde où il a servi sous le Grand Moghol Akbar. Michel de Grèce part des maigres sources existant pour imaginer quelle a été la vie aventureuse de Jean de Bourbon.
Le gros reproche que j’ai à faire à ce roman c’est de ne nous épargner aucun cliché. Jean évolue dans un monde en noir et blanc où un seul regard permet de juger un homme sur sa mine. François 1° ? « Le menton fuyant caché par la barbe trahit sa faiblesse de caractère ». Anne de Beaujeu, belle-mère du Connétable ? « Le front trop grand et trop bombé révèle un cerveau d’une capacité exceptionnelle ». Quant à Jean lui-même, s’il n’est pas sur de ses origines, tout le monde le lui dit : « ton allure ne trompe pas, tu es à n’en pas douter le rejeton d’une très grande famille ». Comme cela serait pratique si c’était pareil dans la vraie vie. Pratique ou un peu effrayant ?
J’avais déjà remarqué ce défaut dans La femme sacrée mais dans ce dernier roman l’aspect historique était beaucoup plus étoffé et faisait l’intérêt de la lecture. Finalement, dans Le rajah Bourbon, le plus intéressant ce sont les dix pages de bibliographie commentée placées à la fin. Michel de Grèce y présente ses sources et en donne des extraits. Elles confirment que « durant le règne du grand Akbar, environ vers 1557 ou 1559, un Européen appelé Jean de Bourbon arriva à la cour de Delhi. Il se disait Français et descendant d’une des plus nobles familles du pays ».
Ce qui est intéressant aussi c’est la description de la vie à la cour d’Akbar. J’ai appris que c’était un homme tolérant qui avait une épouse chrétienne à qui il permettait de pratiquer son culte. Il avait fait venir près de lui des prêtres des différentes religions pour qu’ils discutent entre eux et dans l’espoir qu’ils arriveraient à un syncrétisme. Ca m’a donné envie d’en savoir plus sur ce personnage.
La lecture du rajah Bourbon était aussi un bon prétexte pour revoir Jodhaa-Akbar, un film d’Ashutosh Gowariker. C’est l’histoire d’amour de Jodhaa (Aishwariya Rai) et d’Akbar (Hrithik Roshan). Jodhaa était une princesse hindoue qui répugnait à épouser un musulman. Des raisons politiques imposaient cette union à laquelle elle posa deux conditions : pouvoir conserver sa religion et avoir son oratoire au palais. Et elle tomba amoureuse de ce mari si tolérant. Le film peut laisser penser que Jodhaa était la seule femme d’Akbar alors qu’en fait il en avait un plein harem.
Le film raconte aussi la prise du pouvoir par Akbar. A sa majorité il dût lutter contre ses proches qui assuraient la régence. Cela ne fut pas toujours facile. Michel de Grèce raconte comment il s’est débarrassé de son frère de lait : « s’ensuivit un corps à corps au cours duquel Akbar réussit à jeter par la fenêtre Adham Khan. Celui-ci tomba dans la cour mais n’était pas mort. Akbar ordonna de le ramasser, de le ramener dans le harem et il le jeta une deuxième fois par la même fenêtre, cette fois-ci sans que le ministre survive ». Cette scène violente est reprise dans le film.
Jodhaa-Akbar est un film historique à grand spectacle. Il y a des batailles pleines de bruit et de fureur où interviennent des éléphants caparaçonnés qui écrasent les fantassins ennemis. Il y a de somptueux costumes et de magnifiques palais. Il y a des traitres qui complotent et Hrithik Roshan nous fait profiter de son impressionnante musculature. C’est joli mais cela ne me touche pas beaucoup. Par contre cela rend sympathique le personnage d’Akbar. Enfin le film comprend (comme pas mal de Bollywood) un hymne à la grande Inde (Hindustan) unie où hindous et musulmans vivent en paix.
Rupa Bajwa, Le vendeur de saris, J’ai lu
Agé de 26 ans, Ramchand est vendeur dans un magasin de saris. Cependant sa routine quotidienne le satisfait de moins en moins. Il se rappelle alors les souhaits que son père, prématurément disparu, faisait pour lui : l’inscrire dans une école anglophone pour qu’il ne soit pas toute sa vie un boutiquier. Ramchand décide alors de se remettre à l’étude et fait l’emplette de deux ouvrages : « Correspondance usuelle » et « Pages immortelles-pour écoliers de tous âges » et d’un dictionnaire d’Anglais.
Le lieu de travail de Ramchand, la Sevak Sari House, est aussi l’endroit où deux mondes se côtoient sans se rencontrer. Le monde privilégié et protégé des riches clientes et celui plus modeste des employés. Ramchand découvre qu’un mur le sépare de la bourgeoisie quand il essaye de trouver de l’aide pour une pauvre femme qu’un mariage malheureux a poussée dans une situation misérable. Cependant Rupa Bajwa montre aussi que même la position des femmes d’hommes d’affaires est très dépendante : de la bienveillance de leur mari ou de leur belle-mère, de leur capacité à enfanter un fils.
J’ai bien aimé ce roman bien que l’histoire soit très dure parfois et que la fin ne laisse que peu d’espoir d’une amélioration de la situation.
Boris Akounine, Pélagie et le coq rouge, Presses de la cité
Voici le troisième et dernier épisode (le premier, le deuxième) des aventures de Pélagie, moniale dans la Sainte Russie à la fin du 19° siècle.
Alors que Pélagie et l’évêque Mitrophane naviguent sur la Volga pour regagner leur ville de Zavoljsk, un passager est assassiné. C’est le prophète Emmanuel, un chef de secte qui prône l’installation en Terre Sainte. Le sympathique inspecteur Serge Sergueievitch Dolinine monte à bord pour mener l’enquête et Pélagie ne reste pas insensible à son charme. Aussi quand il lui demande de l’accompagner dans le village natal de la victime pour y chercher des indices trouve-t-elle de bonnes raisons d’accepter. A partir de ce moment là Pélagie est elle-même la cible de tentatives de la faire périr. Elle trouve refuge en Terre Sainte où sa route va croiser celle des populations locales, Arabes, Tcherkesses et Bédouins mais aussi de touristes chrétiens, de pionniers sionistes et d’un prophète Emmanuel bien vivant. Autour d’elle, les cadavres s’accumulent.
Un moment de lecture fort plaisant, très drôle comme toujours avec cet auteur. Cependant je trouve qu’à la fin Boris Akounine s’en tire par une pirouette en utilisant l’explication du miracle pour une chute qui m’a laissée un peu sur ma faim.
Accroissement de ma PAL !
Une visite chez mon amie Michèle (une autre dingue d’Inde) le week-end dernier. Elle m’a prêté tout plein de livres sur notre sujet favori :
Rupa Bajwa, Le vendeur de saris, J’ai lu
Vikram Chandra, Le seigneur de Bombay, Robert Laffont
Michel de Grèce, Le rajah Bourbon, Le livre de poche
Rhinton Mistry, L’équilibre du monde, Le livre de poche
Rohinton Mistry, Une simple affaire de famille, Le livre de poche
Timeri N. Murari, Taj, Picquier
Jamyang Norbu, Le mandala de Sherlock Holmes, Picquier
Bulbul Sharma, La colère des aubergines, Picquier
Indu Sundaresan, La vingtième épouse, Le livre de poche
Tarun J. Tejpal, Loin de Chandigarh, Le livre de poche
Justement, j’avais envie de les lire. J’en ai de la chance ! Je pense que je vais commencer par Le vendeur de saris.
Eliot Pattison, Dans la gorge du dragon, 10-18
« Le suicide était un grand péché, et sa conséquence certaine, une réincarnation sous une forme de vie inférieure. Mais choisir de revivre à quatre pattes pouvait être une solution tentante face à la seule autre possibilité : une vie sur ses deux jambes dans une brigade de travaux forcés chinoise. »
L’action de ce roman policier se déroule dans le Tibet contemporain. C’est donc une lecture d’actualité.
Enquêteur au ministère de l’économie à Pékin, Shan était chargé de lutter contre la corruption. Il a mis en cause quelqu’un de trop haut placé et s’est retrouvé prisonnier du laogai -le goulag chinois- au Tibet. Shan est un des rares Han du camp, la plupart de ses codétenus sont des moines tibétains. Shan s’est lié d’amitié avec eux et ils l’ont initié à la philosophie et aux rites bouddhistes.
A la 404° brigade de construction du peuple, les prisonniers construisent une route dans la montagne. Un jour, ils découvrent près de leur chantier un corps sans tête vêtu de vêtements occidentaux. En l’absence du procureur de la région, parti en vacances la veille, Shan est chargé par le colonel Tan, responsable du gouvernement dans le comté, de mener l’enquête et vite. La vie des autres prisonniers est aussi en danger car ils refusent de reprendre le travail tant que l’âme du mort n’a pas été apaisée par les prières adéquates.
Ce passionnant roman présente plusieurs intérêts :
– Une présentation du laogai, fort justement surnommé goulag chinois, qu’on pourrait comparer aussi avec un camp de concentration nazi. Les prisonniers sont tatoués sur le bras d’un numéro matricule. La torture et la mauvais traitements sont monnaie courante : « Les séquelles sur le visage de l’homme étaient celles que laissaient les matraques après un passage à tabac tellement féroce qu’il déchirait la peau en longues rigoles. Il arrivait parfois que les membres de la Sécurité publique collent du papier de verre sur leur matraque. »
– La découverte de l’occupation chinoise au Tibet et la résistance des populations locales. Les prisonniers sont presque tous des moines qui continuent de pratiquer le bouddhisme de façon plus ou moins clandestine. Ils se sont fabriqué des objets de culte, ils se remémorent la vie dans les monastères détruits, ils instruisent les novices.
– Une enquête policière bien ficelée. Eliot Pattison m’a baladée pendant la plus grande partie du livre et je me demandais si j’arriverais à saisir les tenants et les aboutissants. Mais à la fin, tout s’éclaire. Et pas de jugements simplistes : les Chinois ne sont pas tous des méchants et les personnages sont capables d’évoluer.
Bref, c’est une très bonne lecture pour ce premier épisode d’une série de la collection Grands détectives.