Et revoici ma désormais traditionnelle série, souvenirs de séjours à l’hôtel, en 2023-2024 pour cet épisode. Cette année j’ai exploré de nouveaux territoires avec deux incursions dans l’Est. L’occasion de découvrir deux fort belles villes.
L’écrivain et critique musical Benoît Duteurtre est mort le 16 juillet 2024. Il était né en 1960. Ses romans mêlent souvent satire de l’époque, nostalgie et ironie.
Le retour du général. Un soir à 20 heures, voici que les télés de France se brouillent et qu’apparaît le Général (de Gaulle). Il est revenu pour lancer un nouvel appel à la résistance : assez des normes européennes qui, sous couvert de principe de sécurité, américanisent notre mode de vie, assez de la mondialisation qui crée du chômage, assez de la perte d’influence de la France dans le monde. Cette apparition fédère rapidement des mécontents de tous bords qui rêvent que de Gaulle revienne au pouvoir. Et si c’était vrai ?
Le roman alterne deux narrations. Une partie est en focalisation interne avec un narrateur qui ressemble fort à l’auteur : c’est un écrivain spécialiste de musique né en 1960. Il est horrifié de découvrir qu’une directive européenne impose désormais aux restaurateurs français de servir de la mayonnaise industrielle (une rapide enquête lui permet de préciser que la vérité est beaucoup plus nuancée mais l’Europe a le dos large, autant taper dessus plutôt qu’accuser un restaurateur de servir de la merde pour augmenter sa marge). Les autres chapitres sont en focalisation externe. Nous y suivons les tribulations du Général et faisons la connaissance de Mustapha Zeggaï, infirmier à Marseille et neo-gaulliste de la première heure en mémoire de son grand-père, résistant dès 1940.
Voici un roman qui me laisse très dubitative. J’ai apprécié la belle écriture, l’humour, l’auto-dérision dont fait preuve le narrateur-auteur. Benoît Duteurtre est un fin observateur de la vie politique française au point que certaines situations qu’il invente paraissent prémonitoires lues quinze ans plus tard (le roman est paru en 2010). J’ai particulièrement apprécié la dissolution de l’Assemblée Nationale pour « que le peuple français s’exprime sans tabous, dans le respect de la démocratie » -sauf qu’ici le président de la république accepte le verdict des urnes. Je suis cependant beaucoup plus réservée quant à la nostalgie gaulliste qui suinte de ce livre.
C’est à un de Gaulle fantasmé que nous avons affaire ici, celui auquel les amateurs d’autorité de droite comme de gauche font appel régulièrement comme panacée aux maux contemporains. En ce qui me concerne il me semble que pour affronter les défis du 21° siècle -je pense notamment au changement climatique- nous avons besoin d’idées nouvelles plutôt que de réchauffer les vieilles recettes d’autrefois. Je ne regrette pas la grandeur passée de mon pays qui a fait bien du mal à l’extérieur de la France métropolitaine -n’oublions pas que de Gaulle c’est aussi les essais nucléaires dans le Sahara et en Polynésie ou la Françafrique. Si l’auteur a des mots justes et touchants pour décrire où se niche pour lui le sentiment d’être Français, pourquoi ce sentiment devrait-il être uniforme comme la mayonnaise industrielle ? Ce n’est pas parce que ses références sont dépassées pour d’autres qu’ils ne sentent pas pour autant Français. La langue française évolue, je ne crois pas qu’elle s’abâtardit et qu’en 2030 on parlera un sabir franco-américain. Je ne vois pas ce qu’il y a de risible à souhaiter la parité pour nommer les rues de nos villes. Bref, je trouve que ce roman est traversé par une vision réactionnaire qui me déplaît.
L’été est terminé. C’est l’occasion de se rappeler quelques souvenirs de vacances en 2022-2023. Des séjours très orientés côte ouest cette année. Mais pas que. Saurez-vous trouver l’intrus ?
J’aime bien aller à l’hôtel. On n’a besoin de s’occuper de rien. Anonyme dans un lieu inconnu on peut s’imaginer une autre vie pour une nuit ou pour quelques jours.
Une amie s’inquiète auprès de moi du peu d’activité sur ce blog depuis quelque temps. C’est que je suis surchargée de travail (travail classique, si je puis dire, plus un examen que je prépare cette année) et que mon rythme de lecture en pâtit (La Révolution de Margerit compte 600 pages et je n’en lis que fort peu chaque jour). Fin mai, début juin les épreuves seront passées et je pourrai souffler. En attendant cette époque, quelques clichés qui me rappellent des vacances dans des lieux lointains ou plus proches mais où en tout cas on n’a pas de soucis de travail. Bon courage à tous ceux qui attendent les vacances !
En février 2009 Florence Aubenas est partie incognito à Caen pour y chercher du travail et y vivre la vie de demandeuse d’emploi. Elle a prétendu avoir son bac pour seul diplôme, avoir vécu longtemps avec un homme qui l’entretenait mais s’être séparée récemment. Elle a gardé son nom mais teint ses cheveux. Elle avait décidé qu’elle arrêterait l’expérience quand elle décrocherait un CDI, cela a duré six mois.
Pendant six mois Florence Aubenas a donc fréquenté pôle emploi et ses employés de plus en plus astreints au rendement. Elle a obtenu des heures de ménage à droite et à gauche : sur les ferry du quai de Ouistreham qui passent pour les endroits les plus durs; dans un camping où six heures de ménage sont payées trois; dans diverses entreprises perdues dans ce qu’il reste des zones industrielles de la région. Elle a fait connaissance avec ses collègues de galère qui font deux heures de route pour une heure de travail, que l’on peut appeler à tout instant pour un remplacement au pied levé et pas question de dire non.
Voilà un livre qui se lit facilement, vivant par les histoires qu’il raconte. On n’est pas dans l’East end de Jack London mais dans des vies quand même bien dures où le travail fait mal. On y rencontre des personnes qui se battent malgré les difficultés et qui s’épaulent. Florence Aubenas porte un regard bienveillant sur ces gens qu’elle a côtoyés. L’ensemble est donc sympathique même si le contenu n’est pas une révélation : les conditions de vie des précaires je pense qu’on les connaît déjà, soit par des reportages dans la presse, soit par ses fréquentations dans la vraie vie.
En février j’ai passé une semaine à Paris. Ce séjour a été pour moi l’occasion de visites et de découvertes. J’ai d’abord visité l’exposition « Six milliards d’autres », un projet de Yann Arthus-Bertrand et de l’association GoodPlanet. J’y étais le dernier jour, elle fermait le soir même.
Dans le cadre superbe du Grand Palais (que je ne connaissais pas) il y avait des yourtes dans lesquelles étaient diffusées des vidéos classées par thèmes.
Des personnes du monde entier ont été invitées à s’exprimer sur divers sujets : la famille; l’amour; quels sont vos rêves; quelle a été votre plus grande épreuve; à votre avis, qu’y a-t-il après la mort ? … C’est souvent émouvant, parfois drôle, toujours intéressant. Cela m’a amenée à m’interroger sur ce que pouvaient être mes propres réponses à ces mêmes questions et j’ai trouvé que cela donnait des raisons d’espérer dans l’espèce humaine.
L’autre grande visite c’est celle du musée Albert Kahn à Boulogne. Albert Kahn (1860-1940) était un riche banquier qui a utilisé une partie de sa fortune à créer les « Archives de la planète ». Il a envoyé à travers le monde des photographes et des cameramen chargés de fixer les modes de vie de divers peuples. Ses photographes utilisent l’autochrome, procédé qui permet de photographier en couleur. Albert Kahn pensait que la connaissance des cultures étrangères encourage le respect et les relations pacifiques entre les peuples (une sorte de Yann Arthus-Bertrand de son temps mais en moins médiatisé).
Cette semaine sur Arte, et encore la semaine prochaine (du 2 au 5 mars 2009), il y a, à 18 heures 15, une série documentaire sur « Le monde d’Albert Kahn ». J’ai regardé les premiers épisodes, c’est passionnant. On y voit ces superbes photos couleur du début du 20° siècle. Ce sont à chaque fois les premières prises dans le pays et en même temps le témoignage d’un monde, d’un mode de vie qui va bientôt disparaître.
Le musée Albert Kahn propose actuellement une exposition « Infiniment Indes ». Je ne pouvais donc pas rater ça. Elle devait se terminer le 8 mars 2009 mais a été prolongée jusqu’à l’été. A partir de postes informatiques on peut aussi avoir accès aux collections permanentes du musée. Enfin le musée est installé dans ce qui fut la propriété d’Albert Kahn et est donc entouré des jardins qu’il s’était fait aménager : une (petite) forêt vosgienne (il était originaire du nord-est de la France), une roseraie, un palmarium, un jardin japonais.
Un homme très bien cet Albert Kahn et un musée à sa mesure auquel il faudra revenir à chaque nouvelle exposition et puis aussi au printemps, en été, pour profiter des jardins en toutes saisons. Un dernier argument pour vous convaincre que cette visite vaut le coup : l’entrée ne coûte que 1 euro 50.
Et puis c’était des vacances à Paris alors repas au restaurant (passage Brady), visites à des amis, cinéma (l’étrange histoire de Benjamin Button), librairies et beaucoup de marche à pied dans cette belle ville.