
En attendant le printemps, bonne année et bonnes lectures !
Et voici mon best of pour 2010 :
Carrère Emmanuel, L’adversaire
Goudge Elisabeth, La colline aux gentianes
En attendant le printemps, bonne année et bonnes lectures !
Et voici mon best of pour 2010 :
Carrère Emmanuel, L’adversaire
Goudge Elisabeth, La colline aux gentianes
URSS, 1953. Léo est un officier zélé du MGB, ancêtre du KGB. Son travail consiste à arrêter les personnes coupables de menées antisoviétiques et cela en fait du monde. Quand ses supérieurs lui demandent de surveiller sa propre femme Raïssa, Léo commence à se poser des questions. C’est la mort de Staline qui les sauve. Léo et Raïssa seront seulement limogés et exilés dans un trou perdu de l’Oural.
Dans son nouveau poste Léo se persuade qu’un tueur en série écume tout le sud du pays massacrant des enfants que l’on retrouve éventrés et la bouche pleine d’écorce. Dans l’URSS de l’époque, paradis du peuple, de telles choses ne sont pas concevables. Aussi c’est en secret que Léo et Raïssa vont mener l’enquête, mettant en péril leurs vies et la sécurité de ceux qui les entourent. Pour Léo cette affaire est aussi l’occasion de rebâtir sa vie, fondée sur les mensonges et le non-dit.
En plus d’un thriller (j’en ai lu des plus palpitants, quand même), Enfant 44 est aussi une peinture de la terreur stalinienne. Tout ceci se lit plutôt facilement car il y a du suspense mais je ne l’ai pas trouvé très bien écrit. Il y a un méchant qui poursuit le héros de sa haine à travers toute l’URSS sans que j’aie très bien compris pourquoi et cela donne un côté caricatural à l’ensemble. Si cela ne m’a pas vraiment emballée ça m’a en tout cas donné envie de me replonger dans de meilleurs ouvrages traitant de la même époque. J’ai ça chez moi, je m’y mets dès que je reviens de Noël (à moins qu’on ne m’offre des livres trop alléchants d’ici là).
L’avis de Zarline.
Un petit avion transportant les membres d’une mission de l’ONU, personnels de santé et forestiers, s’écrase au large de l’Indonésie sur une île apparemment déserte. Les premiers temps sont très difficiles pour la cinquantaine de rescapés, hommes et femmes, qui tentent de s’organiser pour survivre. La faim qui attise les mésententes les frappe durement. Mais une fois qu’ils ont maîtrisé leur environnement, qu’ils ont recréé une petite société, ils peuvent enfin apprécier la vie dans leur petit paradis. Ils travaillent à signaler leur présence au reste du monde et en même temps certains commencent à se demander si on ne pourrait pas avantageusement finir ses jours ici.
Voilà un petit roman amusant. Ca me rappelle que quand j’étais enfant, j’aimais beaucoup les histoires de Robinsons. Les enfants de Deux ans de vacances de Jules Verne qui, si je me souviens bien, n’étaient pas du tout en vacances mais avaient recréé une sorte d’école. Les Robinsons suisses, très industrieux eux aussi. Ici les naufragés sont des Scandinaves. Ils distillent de l’alcool et construisent des saunas tandis que les sage-femmes organisent le planning familial.
En 1942 Clément Duprest, âgé d’une vingtaine d’années, intègre les Brigades spéciales, les Renseignements généraux de l’époque. Xénophobe et antisémite c’est avec conviction qu’il fait son travail de renseignement, de filatures et d’arrestations. Néanmoins il est convaincu qu’il ne fait pas de politique car il n’est encarté nulle part. A la Libération, grâce au soutien d’individus qui ont tous leurs bonnes raisons, Duprest échappe à l’épuration et reprend rapidement du service pour le nouveau gouvernement. On le suit tandis qu’il organise le noyautage d’organisations communistes, qu’il neutralise des partisans du FLN pendant la guerre d’Algérie, qu’il surveille les étudiants en mai 68, qu’il intervient pour que Coluche retire sa candidature aux présidentielles. Il est partout, cet homme. Il prend sa retraite en 1981.
Voilà un roman qui ne donne pas une image très positive de notre république. L’épuration a consisté à faire sauter les fusibles trop visibles ou qui s’étaient par trop salis les mains. Les autres ont pu continuer à exercer leurs compétences, pratiquement dans les mêmes locaux. Quelque soit le gouvernement, il y a besoin de gens sans scrupules pour les basses besognes.
En parallèle de la vie professionnelle de Duprest, Didier Daenninckx nous décrit aussi sa vie privée plutôt morne : un mariage décevant et un fils avec lequel il a bien peu en commun pendant longtemps. Quand père et fils se retrouvent enfin il y a là aussi un fond de bassesse qui ne pousse pas à l’euphorie. Bien que son héros soit peu reluisant j’apprécie que Daenninckx ne le caricature pas et le montre presque comme un homme ordinaire. Il y a matière à réflexion dans cette lecture ceci dit j’ai trouvé que l’écriture manquait un peu de relief.
C’est par hasard à ma bibliothèque que j’ai découvert cette dernière aventure d’Eraste Pétrovitch Fandorine qui n’est pas encore sortie en poche et dont j’ignorais l’existence. J’ai aussitôt mis la main dessus car j’adore cette série.
L’histoire commence en 1905. La Russie est en guerre contre le Japon dont les espions sont à l’oeuvre sur le territoire russe pour des opérations de déstabilisation. Fin connaisseur du japon, Fandorine est envoyé à la poursuite d’un ninja prêt à tout et qui semble insaisissable.
La guerre russo-japonaise n’est en fait qu’un prétexte pour nous ramener près de 30 ans en arrière, en 1878 quand, encore tout jeune homme, Fandorine débarquait à Yokohama pour y prendre le poste de vice-consul de Russie. Dès le premier jour il fait la connaissance de Massa qui devient son fidèle serviteur et il est entraîné dans des aventures mouvementées contre une bande de ninjas.
Comme son héros Boris Akounine est un fin connaisseur du Japon. Toujours avec l’humour qui le caractérise, il nous montre les luttes d’influence des puissances occidentales autour de ce pays émergent, les luttes internes aussi pour s’autonomiser. Malgré leur sentiment de supériorité, pas sur que les Européens soient les plus habiles à ce jeu. On découvre aussi l’origine du pseudonyme d’Akounine. Tout cela est comme toujours très intelligemment fait. Si je m’amuse beaucoup en lisant Akounine, la fin est généralement plutôt triste pour le héros, heureux au jeu, malheureux en amour. Ici je dirais même qu’elle est tragique, à l’égal de celle d’Azazel qui inaugurait la série. Pauvre Eraste Pétrovitch !
Le jardin secret c’est Jane Eyre pour les enfants : une orpheline délaissée, une grande demeure gothique dont le maître se tient éloigné, des pleurs qui résonnent la nuit dans des pièces prétendument vides, la lande battue par le vent, on en retrouve de nombreux ingrédients.
Après la mort soudaine de ses parents, Mary, une fillette de 10 ans est hébergée par son oncle dans son domaine du Yorkshire. Là elle est laissée à la seule garde des domestiques, autant dire libre d’aller et de venir à sa guise. Elle apprend qu’il existe sur la propriété un jardin clos dont la porte a été fermée et la clef jetée suite à un drame familial. Elle décide de le trouver et d’y pénétrer. Elle se lie d’amitié avec Dickon, le frère cadet d’une des servantes, un charmeur d’animaux et fin connaisseur de la lande environnante.
J’aime beaucoup Le jardin secret que je relis régulièrement. J’apprécie cette histoire d’enfants en liberté dont l’enthousiasme se montre plus fort que les peurs des adultes. Les forces vitales de la nature sont aussi à l’oeuvre. Elles permettent la métamorphose de Mary, enfant acariâtre qui s’épanouit peu à peu, la guérison de Colin et la renaissance du jardin secret.
Voilà un livre que j’ai souvent lu dans mon adolescence. Il me vient de ma mère qui l’avait elle-même beaucoup pratiqué. Récemment un besoin de lecture réconfortante (la pluie, le travail) m’a ramenée vers cette histoire romanesque. Ma vieille édition tombe un peu en morceaux, elle date de 1925. Depuis l’ouvrage a été réédité sous le titre de Papa Longues-jambes (la traduction exacte du titre original). L’ancienneté de la traduction entraîne quelques notes explicatives pour les lectrices qui, en ces temps lointains, ne connaissaient pas encore bien les moeurs américaines. Ainsi notre héroïne projette de faire du canoë. La note indique « sorte de périssoire ». D’un coup, on comprend mieux !
Jerusha Abbott est une orpheline élevée dans une institution. Elle a 17 ans au début de l’histoire et la question de son avenir se pose. Un généreux donateur propose de lui payer ses études à deux conditions: elle ne cherchera jamais à savoir qui il est et elle lui écrira une lettre par mois pour lui raconter ce qu’elle vit. Papa Faucheux est donc un roman par lettres et des lettres à sens unique puisque le bienfaiteur anonyme ne répond pas. Bien vite cependant Jerusha écrit beaucoup plus souvent que ce qui est exigé d’elle car « Papa Faucheux » est sa seule famille. On suit une jeune fille qui a vécu une enfance terne et qui soudain découvre la vie à l’extérieur et s’épanouit. Elle est parfois un peu frivole mais toujours enthousiaste ce qui la rend attachante.
Papa Faucheux a été écrit en 1912 et son intérêt c’est aussi qu’il montre une Amérique qui paraît bien moderne comparée à l’idée que je me fais de la France de cette époque.
Après la guerre civile, à Barcelone, Daniel Sempere, le fils d’un bouquiniste, découvre L’ombre du vent, un roman de Julian Carax. Parce qu’il n’a jamais rien lu d’aussi passionnant, Daniel veut en savoir plus sur Carax et son oeuvre. Il découvre alors que ce dernier a disparu une dizaine d’années auparavant dans des circonstances mystérieuses. Par ailleurs quelqu’un semble s’être mis en tête de détruire tous les exemplaires des romans de Carax qui existent. Celui de Daniel serait le dernier.
J’ai beaucoup aimé ce roman que je qualifierais de rocambolesque ou de roman-feuilleton. Une fois commencé, impossible de le lâcher. Je l’ai dévoré. Il y a des rebondissements permanents. Il y a un inquiétant personnage sans visage. Il y a une villa abandonnée et hantée, véritable construction gothique. Le cadre de Barcelone est bien exploité, l’auteur cite des noms de rues, ce qui donne l’impression d’y être. On ressent aussi le régime de terreur larvée qui devait être celui de la dictature franquiste, la possibilité toujours présente des exactions policières. Zafon enfin a le sens de la formule assassine pour décrire personnages ou situations :
« Des années d’enseignement lui avaient donné le ton ferme et didactique de celui qui est habitué à être entendu mais se demande s’il est écouté. »
« … un riche fabricant de machines textiles qui avait fait fortune en partant de rien, au prix d’efforts et de sacrifices immenses consentis surtout par les autres. »
C’est donc un très bon moment de lecture cependant il manque à mon sens un petit quelque chose pour que ce soit parfait. Peut-être un peu de profondeur ?
Parce que son frère Peter a attrapé la rougeole, Tom, un garçon d’une douzaine d’années, est envoyé loin de la contagion chez oncle Alan et tante Gwen. Cette mesure n’enchante pas Tom qui pensait bien passer tout l’été à jouer avec Peter dans le jardin familial. La construction d’une cabane dans l’arbre était même prévue. Or oncle Alan et tante Gwen n’ont pas d’enfants et habitent un logement sans jardin dans une vieille grande maison qui a été divisée en appartements. C’est dire si Tom a prévu de s’ennuyer ferme. Mais dans le hall de la maison il y a une vieille horloge qui sonne les heures de manière très fantaisiste.
Une nuit qu’il n’arrive pas à dormir Tom entend l’horloge sonner 13 coups. Intrigué, il descend dans le hall et découvre qu’en poussant la porte de derrière il entre dans un superbe jardin. Il y a des arbres pour grimper, des recoins pour se cacher un potager, une serre. De jour, la porte n’ouvre que sur une petite cour encombrée. Tom garde secrète sa découverte et descend chaque nuit dans le jardin merveilleux. Il y croise ses habitants : trois frères et leur mère, le jardinier et enfin Hatty, une petite fille recueillie par charité et négligée par son entourage. Tom s’aperçoit que Hatty est la seule à pouvoir le voir et l’entendre et les deux enfants solitaires deviennent amis.
J’ai déjà lu plusieurs fois Tom et le jardin de minuit que j’aime énormément et cette nouvelle relecture ne me fait pas changer d’opinion. Ce qui me charme au premier plan c’est la découverte permanente par Tom de ce jardin de rêve, de ses coins et de ses recoins. J’ai toujours beaucoup aimé les histoires qui mettent en scène des jardins merveilleux. Ici l’auteur restitue parfaitement les sentiments d’une enfance heureuse avec son mélange de rêve et de réalité. Ces moments où on se racontait des histoires et où on était le maître du monde.
Orpheline toute petite Jane Eyre a été confiée à la garde de son oncle. Après la mort de celui-ci elle est mise en pension pas sa tante qui la hait. A 18 ans Jane quitte la pension pour être engagée comme préceptrice pour une petite fille au manoir de Thornfield. Là, pour la première fois de sa vie, Jane va se sentir chez elle. Après avoir fait la connaissance du maître des lieux, M. Rochester, elle s’attache de plus en plus à ce personnage brusque et ténébreux qui cache un terrible secret.
J’ai beaucoup aimé ce roman qui est le premier que je lise d’une des soeurs Brontë. Bien que d’apparence réservée et insignifiante, Jane est un personnage volontaire qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. A peine âgée de 10 ans, elle tient tête à sa tante qui la martyrise. L’expression des sentiments est passionnée et le résultat très romantique. Bien que l’on soit dans la même bonne société campagnarde britannique on est loin de la retenue que l’on trouve chez Jane Austen. Les personnages s’aiment, se le disent et se le montrent en se serrant dans les bras et en s’embrassant.
Jane Eyre est aussi un roman gothique. Thornfield Hall est bien à l’image de son propriétaire, sombre et mystérieux.
Enfin il y a aussi dans ce roman :
– Des coups de théâtre et coïncidences merveilleuses.
– L’assurance que l’Angleterre est le plus beau pays du monde et sa population la plus estimable : « … Certaines petites libertés et vulgarités auxquelles elle se laissait aller lorsqu’on faisait trop attention à elle, et qui trahissaient un caractère superficiel, probablement hérité de sa mère (une Française !), difficilement imputable, en tout cas, à une ascendance anglaise ». « … Après tout, la paysannerie anglaise est la plus instruite, la mieux élevée, la plus digne de toute l’Europe ».
– Des indications pour juger du caractère des gens selon la forme de leur crâne.
Pour moi tout cela contribue aussi au charme.
L’avis de Lilly.
En parallèle j’ai visionné l’adaptation du roman qui a été faite par la BBC (4 épisodes de 50 mn). C’est excellent, exactement ça. Les acteurs sont bien choisis et les impressions suscitées par la lecture bien rendues. J’ai trouvé que cela mettait les images qu’il fallait sur le texte.