Une visite chez mon amie Michèle (une autre dingue d’Inde) le week-end dernier. Elle m’a prêté tout plein de livres sur notre sujet favori :
Rupa Bajwa, Le vendeur de saris, J’ai lu Vikram Chandra, Le seigneur de Bombay, Robert Laffont Michel de Grèce, Le rajah Bourbon, Le livre de poche Rhinton Mistry, L’équilibre du monde, Le livre de poche Rohinton Mistry, Une simple affaire de famille, Le livre de poche Timeri N. Murari, Taj, Picquier Jamyang Norbu, Le mandala de Sherlock Holmes, Picquier Bulbul Sharma, La colère des aubergines, Picquier Indu Sundaresan, La vingtième épouse, Le livre de poche Tarun J. Tejpal, Loin de Chandigarh, Le livre de poche
Justement, j’avais envie de les lire. J’en ai de la chance ! Je pense que je vais commencer par Le vendeur de saris.
« Le suicide était un grand péché, et sa conséquence certaine, une réincarnation sous une forme de vie inférieure. Mais choisir de revivre à quatre pattes pouvait être une solution tentante face à la seule autre possibilité : une vie sur ses deux jambes dans une brigade de travaux forcés chinoise. »
L’action de ce roman policier se déroule dans le Tibet contemporain. C’est donc une lecture d’actualité.
Enquêteur au ministère de l’économie à Pékin, Shan était chargé de lutter contre la corruption. Il a mis en cause quelqu’un de trop haut placé et s’est retrouvé prisonnier du laogai -le goulag chinois- au Tibet. Shan est un des rares Han du camp, la plupart de ses codétenus sont des moines tibétains. Shan s’est lié d’amitié avec eux et ils l’ont initié à la philosophie et aux rites bouddhistes.
A la 404° brigade de construction du peuple, les prisonniers construisent une route dans la montagne. Un jour, ils découvrent près de leur chantier un corps sans tête vêtu de vêtements occidentaux. En l’absence du procureur de la région, parti en vacances la veille, Shan est chargé par le colonel Tan, responsable du gouvernement dans le comté, de mener l’enquête et vite. La vie des autres prisonniers est aussi en danger car ils refusent de reprendre le travail tant que l’âme du mort n’a pas été apaisée par les prières adéquates.
Ce passionnant roman présente plusieurs intérêts : – Une présentation du laogai, fort justement surnommé goulag chinois, qu’on pourrait comparer aussi avec un camp de concentration nazi. Les prisonniers sont tatoués sur le bras d’un numéro matricule. La torture et la mauvais traitements sont monnaie courante : « Les séquelles sur le visage de l’homme étaient celles que laissaient les matraques après un passage à tabac tellement féroce qu’il déchirait la peau en longues rigoles. Il arrivait parfois que les membres de la Sécurité publique collent du papier de verre sur leur matraque. »
– La découverte de l’occupation chinoise au Tibet et la résistance des populations locales. Les prisonniers sont presque tous des moines qui continuent de pratiquer le bouddhisme de façon plus ou moins clandestine. Ils se sont fabriqué des objets de culte, ils se remémorent la vie dans les monastères détruits, ils instruisent les novices.
– Une enquête policière bien ficelée. Eliot Pattison m’a baladée pendant la plus grande partie du livre et je me demandais si j’arriverais à saisir les tenants et les aboutissants. Mais à la fin, tout s’éclaire. Et pas de jugements simplistes : les Chinois ne sont pas tous des méchants et les personnages sont capables d’évoluer.
Bref, c’est une très bonne lecture pour ce premier épisode d’une série de la collection Grands détectives.
La journaliste Anne Nivat a enquêté en Afghanistan et en Irak après leur « libération » par les troupes américaines. Dans chacun de ces pays elle a passé douze semaines d’affilée, utilisant les moyens de transport locaux, logeant chez l’habitant et l’interrogeant sur son ressenti. Ce livre date de 2004. Il m’a intéressée parce qu’il montre le vécu des gens au quotidien. La situation politique est souvent complexe à saisir. Voici ce que j’en ai retenu :
En Afghanistan après la victoire militaire d’octobre 2001 : Le sud est peuplé principalement de l’éthnie pachtoune, dominante dans le pays. La culture traditionnelle est encore très présente. Selon le pachtounwali, le code de l’honneur pachtoune, les femmes sont considérées comme des objets, des propriétés, leur sort paraît même plus rigoureux que selon l’islam traditionnel. Le nord est peuplé d’Ouzbeks et de Tadjiks qui semblent plus ouverts. Le pays est gangrené par la drogue (culture, trafic) et la corruption. Les déplacements se font sur des routes défoncées, jamais asphaltées où on roule à 15 km/heure. Les femmes -dont l’auteur- se déplacent en burqa pour assurer leur sécurité. Au foyer la séparation est souvent stricte entre hommes et femmes.
Mais il y a aussi des contradictions entre ce qu’il faut faire pour paraître, à cause du regard des voisins et les aspirations profondes. Anne Nivat rencontre ainsi un jeune homme qui souhaite apprendre à lire et à écrire à sa femme illettrée (pour qu’elle puisse lui écrire et lire ses lettres quand ils sont séparés). D’autres belles rencontres : une gynécologue qui a fondé une maternité dans sa ville démunie de structures médicales, des professeurs qui ont enseigné clandestinement sous les talibans, des personnes qui au quotidien se battent avec leurs moyens pour faire avancer leur pays. « Etre Afghan, c’est peut-être simplement avoir fait le choix de rester » dit un de ses interlocuteurs.
En Irak après la victoire militaire d’avril 2003 : En Irak, les femmes sont moins renfermées qu’en Afghanistan. Déjà elles ne sont pas complètement couvertes. Ce qu’expriment pratiquement tous les témoins c’est « des critiques, de la souffrance, une immense déception vis à vis des Américains ». Des Américains qui se sont installés dans les anciens palais de Saddam tandis que la population locale « continue à survivre dans des quartiers détruits privés d’électricité et du moindre confort ». On parle aux habitants d’installer la démocratie, ce qu’ils souhaitent c’est d’abord qu’on reconstruise le pays, qu’on leur donne du travail. Il n’y a que dans les villes saintes chiites comme Kerbala que les gens sont contents de la présence américaine car le régime de Saddam était peu favorable au tourisme religieux alors que maintenant de très nombreux pèlerins, notamment iraniens, viennent et les affaires sont bonnes pour tous ceux qui en profitent.
Née au Bangladesh, Nazneen a été mariée à 18 ans par son père avec un émigré installé à Londres. Elle a quitté son pays. Son mari a 40 ans. Il est gentil mais pas très enthousiasmant. Il est velléitaire, parle beaucoup, fait des leçons et ne s’inquiète pas de savoir si Nazneen l’écoute ou a quelque chose à dire. Il ne veut pas qu’elle sorte alors elle reste seule à s’occuper de son intérieur : « En dix-huit années d’existence, elle n’avait pratiquement jamais passé un moment toute seule. Jusqu’à ce qu’elle se marie. Et vienne à Londres pour rester assise jour après jour dans cette grande boîte pleine de meubles à épousseter, résonnant des bruits assourdis d’autres vies calfeutrées au-dessus, au-dessous et autour d’elle. »
Le temps passe. Nazneen fait connaissance avec d’autres Bangalies dans sa cité de Brick lane. Elle devient amie avec Razia. Surtout elle vit par procuration à travers les lettres qu’elle reçoit de sa soeur cadette Hasina, restée au pays. A 16 ans Hasina a fuit sa famille et fait un mariage d’amour contre l’avis de son père. Puis elle a quitté son mari qui la battait. Depuis elle a connu des moments très difficiles mais elle survit, continuant de se battre, d’avancer et d’écrire à sa soeur, seul membre de la famille avec qui elle reste en contact.
Et puis Shahana, la fille aînée de Nazneen, devient adolescente. Elle se révolte contre son père et ses leçons, elle veut porter des vêtements à la mode. Et puis Chanu, le mari de Nazneen, lui achète une machine à coudre pour qu’elle puisse travailler dans la confection à domicile. Et un nouveau personnage entre dans sa vie, Karim, l’intermédiaire qui apporte et vient rechercher les pièces. Et puis Chanu parle de plus en plus sérieusement de retourner au Bangladesh. Tout cela va pousser finalement Nazneen à prendre elle-même les décisions la concernant.
« Ce qu’on ne peut pas changer doit être enduré. Et comme rien ne pouvait être changé, il fallait tout endurer. » Voilà comment vit Nazneen et j’ai trouvé que la lecture était comme sa vie : assez ennuyeuse. Comme elle j’attendais les lettres de Hasina qui apportaient un peu de mouvement. J’ai tenu jusqu’à la fin parce que je voulais savoir ce qu’il advenait des personnages mais je n’ai pas beaucoup apprécié et parfois j’ai lu en diagonale.
A Brahmpur Lata se retrouve en présence de Kabir quand elle participe à une pièce de théâtre dans laquelle il joue aussi comme acteur. Poussé par ses soeurs, Amit lui envoie un de ses recueils de poèmes et commence à la courtiser de façon plus assidue. En même temps Lata démarre une correspondance avec Haresh afin d’apprendre à mieux se connaître. Ces trois relations simultanées l’obligent à s’interroger sur ses sentiments pour chacun de ses prétendants.
Mais si le mariage de Lata est le prétexte et l’aboutissement du livre elle-même n’en est qu’un personnage assez secondaire et dans cette deuxième partie des événements dramatiques se déroulent autour d’elle. A l’occasion du Pul Mela, une fête qui attire des milliers de pèlerins venus de toute l’Inde pour se baigner dans le Gange, une bousculade monstre fait de nombreuses victimes.
Plus tard, les hasards des calendriers font tomber la Ramlila (pendant laquelle les hindous célèbrent le sauvetage de Sita par Rama) en même temps que le souvenir du martyr de Hussein pour les chiites. Et quand deux processions, l’une joyeuse, l’autre en pleurs se croisent, la ville de Brahmpur est entraînée dans des émeutes inter-religieuses, meurtres et incendies.
Il y a aussi des conflits et des affrontements à l’intérieur du parti du Congrès quand l’aile droite du parti (à laquelle Nehru est opposé) arrive à sa tête. Mahesh Kapoor se demande s’il doit rester dans le parti ou le quitter, voire même prendre sa retraite politique. Nehru est présenté comme un indécis mais dénué de préjugés religieux et apprécié des musulmans qui savent qu’il est un rempart contre le fanatisme hindou. Enfin des drames personnels touchent directement des personnages auxquels on s’est attaché depuis le début de ce roman.
C’est avec beaucoup de plaisir que j’ai retrouvé tous ces personnages et la lecture m’a vraiment passionnée. Plus j’avançais plus j’étais prise comme j’ai remarqué que c’est souvent le cas dans les (bons) romans fleuves. On peut y entrer avec un peu de réticences à cause du volume puis, à force de fréquenter les personnages on s’y attache et on a aussi du mal à les quitter à la fin.
Quand on place les deux volumes côte à côte, la photo se complète.
Dans une ville d’un petit état de l’ouest des Etats-Unis des habitants reçoivent par la poste un petit cercueil contenant leur photo puis sont assassinés. La série de meurtres a commencé depuis cinq ans et huit personnes en ont déjà été victimes. Cela fait cinq ans que le policier Jake Pepper s’est installé dans la ville et mène l’enquête. Il ne veut pas s’avouer vaincu. Il fait venir son ami TC pour parler avec lui de l’affaire.
Dans ce court roman Truman Capote raconte le « récit véridique non romancé d’un crime américain ». Cela peut expliquer le style du livre : beaucoup de dialogues présentés de façon abrupte, le nom de celui qui parle, suivi de son texte. mais le narrateur (TC) fait aussi état de ses pensées, raconte des souvenirs, donne des descriptions. J’ai trouvé la fin assez déconcertante. Sans doute pour nous rappeler que dans la réalité une affaire policière ne se termine pas toujours comme dans les romans. Au total c’est un livre facile et agréable à lire mais qui ne devrait pas me laisser un souvenir impérissable.
Quand il était petit Daniel Mendelsohn aimait beaucoup écouter son grand-père maternel lui raconter les histoires de sa famille venue presque au complet d’Ukraine aux Etats-Unis dans les années 1920. Ses deux soeurs fiancées (« vendues ») successivement au même cousin bossu et hideux. L’aînée d’abord puis, après sa mort (« une semaine avant son mariage »), la cadette. Son frère émigré en Israël juste à temps, au début des années 30, sous la pression de sa femme, « une sioniste ». Un seul frère était resté en Ukraine dans le village natal de Bolechow, Shmiel, l’aîné, celui dont le grand-père parlait le moins. Tout ce que Daniel Mendelsohn savait c’est qu’il avait été « tué par les nazis » avec sa femme et ses « quatre filles superbes ».
En grandissant Daniel Mendelsohn a voulu en savoir plus sur son oncle Shmiel Jäger. Après la mort de son grand-père il a recherché des survivants de Bolechow de la shoah par balles dont plus d’un million et demi de Juifs ont été victimes en Ukraine. Pour les interroger il a voyagé jusqu’en Australie, en Israël et en Suède. Il est allé à Bolechow retrouver les témoins de ce qui s’était passé 60 ans plus tôt.
Pendant cette recherche qui s’est étalée sur 5 ans il est accompagné très souvent par son frère cadet Matt, auteur de la plupart des photographies qui illustrent l’ouvrage. C’est l’occasion pour Daniel de faire enfin la connaissance de Matt car, lorsqu’ils étaient enfants, Daniel n’aimait guère Matt auquel il a même un jour cassé un bras dans un accès de rage. Cette découverte de son frère n’est pas la moindre des belles rencontres faites par Mendelsohn lors de son périple. Un aspect important Des disparus c’est tout ce pan autobiographique. En même temps qu’il enquête sur sa famille l’auteur se dévoile, interroge ses souvenirs, compare les relations qu’il imagine entre Shmiel et ses parents à celles qu’il avait lui-même enfant avec ses frères et soeur.
Les événements qui touchent la famille Jäger sont aussi mis en relation avec des passages de la Genèse analysée par deux commentateurs de la Torah, Rachi (né à Troyes en 1040) et Friedman, un contemporain, plus les commentaires personnels de l’auteur qui permettent de le connaître mieux. Enfin les retrouvailles de Daniel Mendelsohn avec une partie du passé de sa famille sont aussi des retrouvailles avec une culture disparue, la culture juive d’Europe centrale.
Pour toutes ces raisons cet ouvrage foisonnant est un ouvrage passionnant. Daniel Mendelsohn apparaît comme quelqu’un d’intelligent, qui réfléchit, quelqu’un de bien.
L’histoire se passe en 1950, juste après l’indépendance de l’Inde. Le jour du mariage de sa fille aînée Savita avec Pran, Mrs Rupa Mehra dit à sa cadette Lata : « Toi aussi tu épouseras un garçon que j’aurai choisi ». Un garçon convenable. Ce point de départ est le prétexte pour faire intervenir toute une galerie de personnages, apparentés de près ou de loin à la famille Mehra.
Il y a Maan, le frère de Pran, un fêtard tombé amoureux de la courtisane musulmane Saeeda Bai. On suit aussi l’action de Mahesh Kapoor, père de Maan et de Pran. Ministre du trésor de l’état du Purva Pradesh, il tente de faire voter une loi supprimant les zamindari, les grandes propriétés rurales, au profit des petits paysans qui travaillent la terre. Quand Mahesh Kapoor veut éloigner Maan de Saeeda Bai, il l’envoie à la campagne chez Rasheed, son professeur d’ourdou. C’est alors l’histoire de Rasheed qui nous est racontée. Rasheed qui s’oppose à son père qui veut spolier son journalier Kachheru.
« Corvéable à merci, il était requis, comme tous les chamars, pour n’importe quelle tâche qu’il plaisait au père de Rasheed de lui commander : labourer, pomper l’eau, porter un message à l’autre bout du village ou hisser du chaume sur le toit de la maison, qui, une fois séché, servirait de combustible pour la cuisson des aliments. Bien qu’étranger à la famille, il était autorisé, à l’occasion, à pénétrer dans le sanctuaire de la maison, notamment lorsqu’il y avait quelque chose à transporter sur le toit (…) En échange de ses services, la famille prenait soin de lui. Il recevait ainsi une certaine quantité de grains au moment de la moisson : pas assez cependant pour lui assurer ainsi qu’à sa femme le minimum vital. Il avait le droit aussi de cultiver un lopin de terre, à son usage personnel, quand son maître lui en laissait le temps, et pour ce faire d’utiliser les outils et l’attelage de boeufs. Toutes choses pour l’achat desquelles Kachheru aurait dû s’endetter, ce qu’il jugeait inutile étant donné la faible superficie du terrain. Surchargé de travail, il n’en avait conscience que parce que son corps, épuisé, le lui faisait sentir. En quarante années passées au service de la famille, il ne s’était jamais rebellé, ce qui lui valait une certaine considération. On lui donnait des ordres, mais jamais sur le ton insultant réservé à la caste de serviteurs à laquelle il appartenait. Quand il arrivait au père de Rasheed de l’appeler « mon brave »,Kachheru était très content. »
J’ai trouvé beaucoup de ressemblances entre Kachheru et Viramma de Une vie paria.
Pendant ce temps Lata a rencontré Kabir, un étudiant musulman, qu’elle voit en cachette de sa mère. Quand cette dernière apprend la terrible nouvelle (« Un musulman ! Qu’ai-je donc fait dans ma vie passée pour attirer ceci sur ma fille bien-aimée ? ») elle comprend qu’il est temps de se mettre sérieusement en quête du garçon convenable et d’éloigner Lata du danger. Elle l’emmène donc chez Arun, son fils aîné qui vit à Calcutta. Là Lata fréquente Amit, le frère de Meenakshi, la femme d’Arun. Mais Amit, un poète, ne convient pas non plus à Mrs Rupa Mehra qui éloigne encore Lata.
A Brahmpur, la ville des Kapoor et des Mehra, vivent aussi Veena, la soeur de Pran et de Maan, son mari Kedarnath et leur fils Bhaskar un jeune surdoué attiré par les chiffres. Après avoir fuit les violences inter-religieuses de Lahore pendant la Partition, Kedarnath a dû repartir de rien et s’est lancé dans le commerce de la chaussure, une activité impure pour un hindou car elle utilise du cuir de vache. Kedarnath fait affaire avec Haresh Khanna, un jeune homme ambitieux et entreprenant. C’est par hasard que Mrs Rupa Mehra fait la connaissance de Haresh chez une amie. Celui-ci lui apparaît bien vite comme un garçon tout à fait convenable.
Cette première partie compte 900 pages et la seconde qui m’attend sur ma PAL est aussi épaisse. J’ai trouvé très intéressante cette fresque dans laquelle Vikram Seth présente diverses catégories sociales : les classes laborieuses urbaines ou rurales et les grands propriétaires qui vivent de leurs rentes. Les histoires racontées sont vivantes, les personnages attachants ou déplaisants mais on a envie de savoir ce qui les attend. J’ai trouvé que c’était bien écrit et avec une pointe d’humour comme je l’apprécie (« Ils commandèrent du thé. Quoique appartenant à un organisme d’Etat, la cantine procurait un service rapide »). Cela se passe en 1950 cependant j’ai remarqué beaucoup de points communs avec ce que j’ai lu dans d’autres romans situés à l’époque contemporaine : la recherche d’un mari par la famille, la vie des exploités, la nécessité d’avoir des relations pour progresser, l’importance des liens de caste qui sous-tendent beaucoup de choses sans que cela soit vraiment dit.
14 décembre 1914, à Flabas, du côté de Verdun, Casimir fait la connaissance de Martin. Ils deviennent amis et vont travailler ensemble comme téléphonistes. Ils installent des lignes entre les tranchées. Octobre 1915, la compagnie se déplace vers Haumont. Là, Martin confie à Casimir qu’il sait qu’un trésor est caché dans les environs. Il veut qu’ils le cherchent ensemble. Février 1916, la bataille de Verdun commence.
Ce roman fait partie d’une collection, « les romans de la mémoire », établie en partenariat entre les éditions Nathan et le ministère de la défense. Elle veut « préserver la mémoire de ceux qui ont été acteurs ou témoins des conflits du 20° siècle ». Pour L’or et la boue, le résultat est quand même celui d’un ouvrage de commande. C’est bien documenté et le lecteur y trouvera des précisions intéressantes sur les conditions de vie dans les tranchées. Mais on les trouverait aussi bien dans un livre documentaire sur le sujet. Le roman n’apporte rien de plus. L’histoire de la chasse au trésor m’a parue assez peu crédible. Cela s’adresse à un public de collégiens et peut-être que ceux qui ne sont pas encore des lecteurs confirmés apprécieront car c’est facile à lire.
Agée d’environ 45 ans Julia Jarmond, américaine et mariée à un Français, vit à Paris depuis 25 ans. Elle est journaliste pour un magazine destiné aux expatriés américains en France. En 2002 elle est chargée de couvrir la commémoration des 60 ans de la rafle du Vel’ d’hiv’. Son travail prend une tournure plus personnelle alors qu’elle découvre les liens inattendus de la famille de son mari avec cet événement. En même temps son mariage traverse une crise difficile.
Née en France de parents juifs polonais, Sarah, 10 ans, est raflée avec eux le 16 juillet 1942. Avant de quitter l’appartement familial elle a eu le temps de cacher son petit frère de quatre ans, Michel, dans un placard secret. Elle a fermé la porte et a emporté la clef en lui promettant de revenir vite. Emmenée au vélodrome d’hiver puis internée à Beaune-la-Rolande, Sarah ne pense qu’à une chose : Michel l’attend, elle doit tenir sa promesse.
Cet émouvant roman raconte en parallèle l’histoire de Julia qui mène l’enquête sur la rafle du Vel’ d’hiv’ et celle de Sarah, victime de cette même rafle. Dans la première moitié du livre Tatiana de Rosnay alterne un chapitre de l’histoire de Sarah puis un de celle de Julia, procédé qui accroit toujours le suspense. Ensuite on ne suit plus directement que Julia et on apprend en même temps qu’elle ce qu’il est advenu de Sarah.
Tatiana de Rosnay présente de façon bien documentée la façon dont s’est déroulée la rafle du Vel’ d’hiv’ et comment la déportation des Juifs de France a été organisée et exécutée par le gouvernement collaborationiste de Vichy (la zone sud « dite libre » est le seul endroit non-occupé d’Europe d’où on a déporté des Juifs pendant la guerre). Elle montre aussi que des Français ont résisté en cachant et en sauvant des Juifs (grâce à leur action la France est le pays d’où le moins de Juifs ont été déportés).
J’ai dévoré ce livre d’une traite. J’avais du mal à le lâcher quand je devais me consacrer à autre chose. Pendant toute la période de ma lecture j’ai aussi été habitée par la musique de la chanson de Jean-Jacques Goldman du même titre.