Petit déjeuner chez Tiffany raconte l’histoire de l’amitié entre le narrateur, un aspirant écrivain et Holly, une call-girl, sa voisine.
Ce court roman est suivi de trois nouvelles qui racontent aussi des histoires d’amitié. Entre des prostituées dans La maison de fleurs (il y a surtout une histoire d’amour), entre deux forçats dans La guitare de diamants et entre un petit garçon de sept ans et une vieille femme dans Un souvenir de Noël. Dans un contexte de dénuement, toute l’année les deux amis mettent sou à sou de l’argent de côté pour pouvoir acheter les ingrédients nécessaires à la confection de trente cakes de Noël. Ces cakes sont ensuite offerts ou envoyés à des amis proches ou lointains comme le président Roosevelt. Rétrospectivement le Noël de ses sept ans apparaît au narrateur (qui fut le petit garçon) comme représentatif de ceux qui l’ont précédé et un souvenir précieux car il est le dernier qu’il aie pu passer avec son amie.
C’est cette dernière nouvelle que j’ai préférée. L’ensemble est plutôt bien écrit et gentil. Truman Capote décrit bien les gestes dont se nourrit l’amitié, le plaisir d’être ensemble et de façon plus touchante, j’ai trouvé, dans Un souvenir de Noël.
Au début du 17° siècle Augustin Hiriart, jeune orfèvre, doit quitter la France pour des raisons abracadabrantes. Après plusieurs années de voyage, notre héros arrive enfin en Inde où il entre au service de l’empereur moghol Jahangir. Jahangir est le père de Shah Jahan qui épousa Mumtaz Mahal pour qui il fit construire le Taj Mahal.
Voici un livre bien médiocre. D’abord le Taj Mahal qui avait attiré mon œil sur la couverture n’apparaît (et encore à l’état de projet) qu’à la toute fin du livre. Ensuite et surtout on a là une histoire fort mal racontée. Les rebondissements succèdent aux coups de théâtre, souvent peu crédibles. Des innocents sont jetés en prison. Des amoureux sont séparés pendant des années. De perfides individus trempent dans des intrigues de palais. La peste frappe la ville où résident nos personnages. Et pourtant, malgré toutes ces péripéties, le récit n’a pas éveillé en moi les sentiments intenses qu’il aurait du : ça n’est pas palpitant, je ne me suis pas attachée aux personnages. Le héros lui-même apparaît comme sans épaisseur, plus souvent agi qu’agissant. Alors que reste-t-il et pourquoi ai-je lu le livre jusqu’au bout ? Le contexte historique car l’ouvrage est documenté (mais les informations sont dispensées de façon un peu didactique).
Revoici Flavia di Stefano et Jonathan Argyll à la poursuite des voleurs d’œuvres d’art. Mais Bottando ayant été appelé à de plus hautes responsabilités c’est Flavia qui doit maintenant assumer la direction du service de police spécialisé dans ce domaine.
Une petite icône, apparemment sans valeur, a été dérobée au monastère San Giovanni de Rome. Autour du tableau évoluent un certain nombre de personnages plus ou moins impliqués dans le vol. Un restaurateur d’œuvres d’art aux méthodes controversées, un richissime collectionneur grec et son fils chef de gang, une habile voleuse à la retraite et même le supérieur du couvent désireux de renflouer ses caisses.
L’intrigue et l’enquête sont plutôt bien ficelées mais je n’ai pas trop apprécié la morale de l’auteur. Ainsi la voleuse qui a passé sa carrière à écumer les collections publiques et privées d’Italie présente son action comme une simple redistribution. Ceux qu’elle a volés pouvaient se passer de leur bien. Certes mais voler aux riches pour revendre aux riches ça n’est pas pour moi de la redistribution. J’ai été aussi choquée par la façon dont l’homme d’affaires grec règle à la fin les problèmes posés par son fils. Il me semble, contrairement à l’auteur, que c’est une étrange façon d’assumer ses responsabilités.
A la fin du 19° siècle Yervant Arslanian, le grand-père de l’auteur, a quitté l’Arménie à l’âge de treize ans pour aller étudier et s’établir en Italie. Il est devenu médecin, a épousé une Italienne. Il garde le contact avec son frère Sempad, pharmacien dans leur ville natale et rêve parfois qu’il fait construire une maison au pays. Mais en 1915 les autorités turques organisent le massacre des Arméniens. Sempad et les hommes de la famille sont assassinés, sa femme, ses sœurs et ses filles sont déportées.
A partir du témoignage des survivants, à partir de ce que lui ont « dit » les morts, Antonia Arslan a rédigé l’histoire de sa famille persécutée en Arménie, l’histoire de ceux qui se sacrifièrent pour les autres, l’histoire de ceux qui les aidèrent, l’histoire du sauvetage de ceux qui en réchappèrent. Le récit est à la fois documentaire (il explique clairement l’organisation du génocide) mais aussi merveilleux. Les protagonistes reçoivent en effet des signes sous forme de rêves qui les avertissent des temps sombres à venir ou de visions qui les préviennent. Des anges pleurent sur le destin du peuple arménien. L’auteur raconte les atrocités dont sa famille a été victime mais sans s’y complaire. Elle insiste plus sur la solidarité, le courage, l’espoir. Malgré le sujet elle arrive ainsi à garder une forme de légèreté à ce récit émouvant.
Dans le Kansas, en 1959, une famille de quatre personnes est abattue froidement par deux petits malfrats. Ceux-ci s’enfuient en laissant peu d’indices derrière eux. Un mois et demi plus tard ils sont cependant arrêtés.
De sang froid est inspiré d’un fait divers réel. Truman Capote nous présente de façon approfondie et précise toute cette affaire, depuis la journée du meurtre jusqu’au châtiment des assassins. Chaque personnage, même le moins important, est fouillé et détaillé. Le passé de l’un des deux tueurs, Perry Smith, est particulièrement décortiqué. Le résultat est que les protagonistes apparaissent ainsi comme très humains. J’ai sympathisé bien sur avec les malheureuses victimes mais j’ai aussi ressenti de la pitié pour Perry Smith.
Truman Capote fait aussi bien comprendre tout le gâchis de cette affaire. Gâchis du massacre d’une famille bien intégrée dans sa communauté et appréciée de tous. Gâchis de l’existence de Perry Smith, enfant maltraité et délaissé. A plusieurs moments il laisse apercevoir qu’il aurait suffit de peu pour que les choses tournent différemment. Enfin la lecture amène à se poser la question de la réponse à un tel crime. Les coupables peuvent-ils se racheter ou la peine de mort est-elle la seule solution ?
Toutes ces raisons plus le fait que De sang froid est fort bien écrit en font un très bon roman.
« C’était un temps idéal pour manger des pommes ; la lumière la plus blanche descendait du ciel le plus pur, et un vent d’est faisait bruire les dernière feuilles des ormes chinois sans les arracher. Les automnes récompensent le Kansas de l’ouest pour les maux que les autres saisons imposent : les grands vents d’hiver du Colorado et les neiges à hauteur de hanche où périssent les moutons ; la neige fondue et les étranges brouillards des prairies au printemps ; et l’été, où même les corbeaux recherchent l’ombre rare et où la multitude fauve des tiges de blé se hérisse, flamboie. Enfin, après septembre, un autre climat arrive, l’été de la Saint-Martin qui dure parfois jusqu’à Noël. »
Ce roman nous raconte les histoires croisées d’Arthur Conan Doyle et de George Edalji. Le premier célèbre écrivain, le second malheureuse victime d’une erreur judiciaire, accusé à tort qui s’adresse à l’auteur de Sherlock Holmes pour lui demander de mener l’enquête.
Julian Barnes suit ses héros depuis leur enfance à la fin du 19° siècle jusqu’à la mort de Conan Doyle en 1930 en passant par les événements qui les ont réunis. Cela nous vaut une intéressante biographie d’Arthur qui apparaît comme un personnage fort sympathique. Médecin de formation , grand sportif, auteur, redresseur de torts et spirite convaincu à la fin de sa vie.
C’est le troisième livre que je lis récemment et qui parle de spiritisme. Il en était aussi question dans Southampton row de Anne Perry et dans Le chromosome de Calcutta de Amitav Gosh. Le spiritisme semble avoir été très à la mode en Angleterre à la fin du 19° siècle.
Arthur et George est un livre plaisant. Il y a de l’humour. Les personnages sont attachants et réfléchissent sur le monde qui les entoure.
Dans ce roman Nancy Huston nous montre comment un secret de famille empoisonne successivement plusieurs générations. Pour cela elle nous fait suivre, en remontant dans le temps, quatre enfants de la même famille à l’âge de six ans. Chacun d’eux est le narrateur d’une des quatre parties du livre.
Nous rencontrons d’abord Sol, petit garçon imbu de lui même. Viennent ensuite Randall, le père de Sol, Sadie la mère de Randall puis Erra la mère de Sadie. Mis à part Sol que nous ne croisons que comme enfant les autres personnages apparaissent d’abord comme adultes avant que nous ne les suivions à l’âge de six ans. Ainsi Randall intervient dans la première partie comme père de Sol puis dans la deuxième partie en protagoniste principal.
Pour les trois aînés six ans est l’âge-clef, le moment où le traumatisme familial (personnel pour Erra) les frappe et inscrit le malheur dans leurs existences. J’ai trouvé poignant le fait que l’auteur nous montre des adultes perturbés, incapable de s’occuper de leur propre enfant puis les enfants encore heureux dont sont sortis ces adultes. J’ai ressenti fortement le gâchis de ces existences. Le petit Sol est le personnage avec lequel j’ai le moins sympathisé car dès son plus jeune âge il apparaît comme froid, calculateur et dissimulateur. Il faut dire à sa décharge qu’il est manifestement issu de deux parents névrosés.
En remontant le temps et les générations on découvre petit à petit des éléments qui nous permettent de comprendre quel est le point de départ du drame familial lié à l’histoire de l’Allemagne nazie. C’est toute l’habileté de Nancy Huston de construire son histoire comme à l’envers, de nous mener lentement vers la source du mal. Ce n’est que dans les dernière pages du livre que tous les éléments se mettent enfin en place.
Ce nouvel épisode des enquêtes de Thomas Pitt est la suite du précédent. Dans La conspiration de Whitechapel, notre héros avait sauvé la couronne d’Angleterre d’un complot diabolique. Le revoilà aux prises avec les machinations du cercle intérieur et la perfidie de son chef Voisey. Mais cette fois c’est seul que Thomas doit enquêter et supporter la pression de l’affaire car Charlotte, Gracie et les enfants sont à la campagne en vacances et pour les protéger des ennemis de Thomas.
Comme toujours chez Anne Perry, la société victorienne est décortiquée et les sentiments des personnages analysés à fond. On rencontre ainsi Isadora Underhill, femme d’évêque qui s’aperçoit après trente ans de mariage qu’elle n’aime pas son mari. Pire encore, elle n’arrive même pas à se souvenir si elle l’a jamais aimé. Aussi, tout en assistant aux sermons de l’évêque, elle rêve qu’elle part sur la mer avec l’amiral Cornwallis. C’est aussi le talent d’Anne Perry de savoir camper des personnages secondaires attachants.
J’ai trouvé ce livre, état neuf, pour un euro quatre-vingt-dix chez un bouquiniste. C’est un bouquiniste associatif. Les livres sont donnés par ceux qui veulent s’en débarrasser et revendus très peu cher.
Emmanuel Carrère part en Russie, à Kotelnitch, pour y tourner un documentaire sur un prisonnier de guerre hongrois qui y a passé 53 ans, d’abord dans un camp puis dans un hôpital psychiatrique et qui vient enfin, en 2000, d’être rendu à son pays. Après ce premier documentaire Emmanuel Carrère retourne à Kotelnitch pour y tourner un deuxième documentaire sur Emmanuel Carrère à Kotelnitch et les rencontres qu’il y fait.
Si l’auteur est aussi irrépressiblement attiré par ce trou perdu de Kotelnitch c’est que l’histoire du Hongrois retentit pour lui de façon personnelle. Son grand-père maternel, Georges Zourabichvili, un émigré géorgien, a travaillé comme interprète pour les Allemands, à Bordeaux, les deux dernières années de l’occupation. Le 10 septembre 1944 des inconnus sont venu l’arrêter et on n’a plus jamais entendu parler de lui. Longtemps la mère d’Emmanuel (Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuelle de l’académie française) a attendu le retour de son père, comme la famille du Hongrois avait dû l’attendre. L’enfance d’Emmanuel Carrère s’est bâtie sur cette disparition tue, sur un vide qu’il veut combler car il a fait de lui un adulte perturbé, inapte au bonheur.
A la même époque où se déroulent ces voyages-thérapie Emmanuel Carrère vit avec Sophie dont il est très amoureux. Il écrit pour elle une nouvelle érotique dans le Monde. Mais, alors qu’il croit tout contrôler, les choses lui échappent et dérapent dans une toute autre direction que celle qu’il avait imaginée.
Ces trois histoires s’entrecroisent tout au long du récit qui est aussi voulu par l’auteur comme une thérapie. Une thérapie pour lui et pour sa mère qui lui a demandé de ne pas écrire sur son père avant sa mort. Mais il est persuadé que sa mère a besoin que la souffrance familiale soit dite et il écrit aussi pour elle. Le livre se termine d’ailleurs par une très belle lettre d’amour à sa mère.
Un roman russe est l’occasion pour Emmanuel Carrère de se mettre à nu. Il nous révèle ses pensées et ses fantasmes, nous raconte comment il s’est comporté en telle ou telle circonstance. Ainsi il n’apparait pas toujours à son avantage. J’ai découvert un personnage assez égocentrique, capable d’un comportement destructeur qui le fait souffrir et fait souffrir la femme qu’il aime. Mais son honnêteté et le regard lucide qu’il porte sur lui-même me l’ont rendu sympathique. Tout ceci pour dire que j’ai beaucoup apprécié ce livre que j’ai de plus trouvé bien écrit.
Je termine par la description de Kotelnitch : « Dépités, désoeuvrés, nous traînons en ville. D’un côté de la route, à l’entrée, il y a une sculpture en béton d’environ deux mètres figurant la faucille et le marteau de l’autre une marmite géante qui est depuis des temps beaucoup plus anciens l’emblème de Kotelnitch. C’est cela que veut dire kotel en russe, m’explique Sacha : une marmite ou un chaudron. Un séjour là-dedans, c’est une sorte de trois étoiles du dépaysement dépressif, et il y a tout lieu de penser que cette sensation d’encalminage au fond d’une marmite de soupe froide et figée d’où auraient depuis longtemps, à supposer qu’il y en ait jamais eu, disparu tous les bons morceaux, constitue l’ordinaire des villes de 20 000 habitants de la Russie profonde. On ne va pas dans ce genre de ville. On n’en parle pas. Un beau jour on apprend qu’il existait un bled appelé Tchernobyl, et c’est en moins terrible, en plus modeste, ce qui est arrivé à Kotelnitch depuis qu’on y a retrouvé le dernier prisonnier de la seconde guerre mondiale. »
Dans un futur non daté Antar, employé à domicile du Conseil international de l’eau, retrouve la trace de son collègue Murugan, disparu à Calcutta en 1995. Murugan était parti en Inde pour y enquêter sur Ronald Ross, prix Nobel de médecine en 1902 pour ses découvertes sur la transmission de la malaria. Murugan est convaincu que ses découvertes ont été soufflées à Ross (sans qu’il s’en rende compte) par des individus désireux de garder l’anonymat mais souhaitant aussi que la recherche avance pour pouvoir en profiter dans une toute autre optique que celle de soigner le paludisme.
Dans ce roman nous suivons différents personnages qui enquêtent en des époques et des lieux divers sur des sujets différents. Au 19° siècle, en Inde, Ross recherche le vecteur du paludisme. En 1995, en Inde, Murugan essaie de trouver ceux qui ont aidé Ross. Et, dans le temps présent du roman, à New-York, Antar est à la poursuite de son collègue. Les chapitres emmènent le lecteur alternativement sur les traces de ces différents personnages, plus d’autres encore qu’ils rencontrent dans leurs quêtes.
Il s’agit d’une histoire fantastique avec un complot, des individus mystérieux prêts à tout pour défendre leur secret, un secret incroyable bien sur, après lequel court l’humanité entière. Hélas, malgré tout cela je n’ai pas trouvé la lecture aussi palpitante qu’elle aurait pu. Il y a du suspens vers la fin mais il aboutit à une conclusion qui m’a déçue. Pas de révélation fracassante et je ne suis pas sure d’avoir tout bien compris. Il reste de bons passages sur la recherche scientifique au 19° siècle pour ceux que l’histoire de la médecine intéresse (c’est mon cas).