Un matin, Sartaj Singh, policier sikh de Bombay, reçoit un coup de téléphone anonyme : « Vous voulez Ganesh Gaitonde ? » Ganesh Gaitonde c’est le chef de la G-Company, un parrain, un bhai. Les informations conduisent la police à un bunker dans lequel s’est enfermé Gaitonde qui se titre une balle dans la tête juste avant d’être arrêté. Pourquoi Gaitonde, qui depuis des années dirigeait la G-Company depuis la Thaïlande est-il revenu à Bombay pour s’y suicider ? Sartaj est chargé d’enquêter.
A partir de ce point de départ Le seigneur de Bombay nous propose deux itinéraires principaux :
Celui de Sartaj Singh, personnage que j’ai trouvé très attachant, flic désabusé qui balade sa mélancolie dans les rues de Bombay, des quartiers chics aux bidonvilles, enquêtant sur Gaitonde et menant en parallèle les affaires quotidiennes : meurtres, chantages, cambriolages …
Celui de Ganesh Gaitonde depuis ses débuts comme tapori (voyou) jusqu’à sa fin en passant par toutes les étapes de son ascension et de sa puissance. La personnalité du personnage est très bien analysée. C’est un impulsif et un violent qui terrorise ceux qui lui résistent mais qui recherche une affection désintéressée. Il est imbu de lui-même et en même temps traversé parfois de périodes de doute, en quête de reconnaissance.
L’histoire de certains personnages secondaires est aussi développée : la mère de Sartaj Singh est une rescapée des massacres de la partition, encore marquée cinquante ans après par la disparition de sa soeur. Aadil Ansari est le fils d’un paysan pauvre qui veut étudier. Il découvre la dure réalité de la société rurale féodale qui l’assujettit à son sort.
C’est une peinture de l’Inde plutôt noire mais dans laquelle on trouve aussi des raisons d’espérer. Ce que Vikram Chandra a particulièrement bien montré c’est le fonctionnement de la corruption à tous les niveaux. Même les fonctionnaires considérés comme honnêtes palpent, ne serait-ce que parce que les services doivent s’auto-financer. Et ensuite, pourquoi ne pas en mettre un peu de côté pour arrondir ses fins de mois ?
Quant à la pègre elle pallie bien souvent les insuffisances de l’administration. Un bhai tient tribunal (payant) pour éviter aux plaignants des procédures interminables. Il se charge ensuite de faire appliquer sa justice par ses boys.
J’ai beaucoup aimé ce gros bouquin de mille pages. Une petite réserve cependant (mais l’auteur n’y est pour rien) : les coquilles dont mon édition est truffée. A force, c’est un peu énervant.
Boualem Sansal, Le village de l’Allemand ou le journal des frères Schiller, Gallimard
Rachid Helmut (Rachel) et Malek Ulrich (Malrich) sont deux frères de père allemand et de mère algérienne. Ils ont été élevés dans une cité de la banlieue parisienne par un ami de leur père tandis que leurs parents restaient dans leur village d’Aïn Deb. En 1994 26 habitants du village -dont les parents Schiller- sont massacrés par des terroristes. A cette occasion les deux frères découvrent le passé de leur père : un ancien SS réfugié en Algérie après la deuxième guerre mondiale.
Rachel, l’ancien bon élève, se sent responsable des actes de son père et se plonge dans les ouvrages sur la shoah, accumulant des informations techniques dans l’espoir de comprendre le rôle de celui-ci dans l’extermination des Juifs.
Malrich traine avec ses copains et vit de petits boulots épisodiques. Pour lui l’islamisme qui frappe l’Algérie et qui se répand dans sa cité fonctionne sur les mêmes ressorts que le totalitarisme et doit être combattu. Les autorités françaises (ici en la personne d’un commissaire de police) sont accusées d’aveuglement face à ce danger.
La découverte du secret paternel et les bouleversements que cela entraîne pour Rachel et Malrich sont présentés sous forme de journal. En variant les styles Boualem Sansal a habilement rendu les personnalités des deux frères. Le résultat est poignant.
D. H. Lawrence, L’amant de lady Chatterley, Folio
En 1917, à l’occasion d’une permission, Clifford Chatterley a épousé Constance. Ils ont connu une semaine de lune de miel puis il est reparti à la guerre. Moins d’un an plus tard il en revient grièvement blessé, paralysé de la moitié inférieure du corps. Clifford et Constance s’installent à Wragby, demeure familiale des Chatterley, située dans les Midlands, près de Sheffield. C’est une région industrielle, les Chatterley sont propriétaires de mines de charbon, depuis leur domaine on voit le puits de mine et les maisons des mineurs, on sent l’odeur du charbon qui brûle en permanence.
Dans ce cadre peu réjouissant Constance se fait la garde-malade de Clifford. Ils font chambre à part et la seule intimité physique qu’ils ont c’est quand elle le lave. Certes il est impuissant mais on pourrait imaginer une tendresse et un contact autre que directement sexuel. Cela n’existe pas entre eux. Ce que j’ai compris c’est que Clifford est naturellement peu chaleureux et que même s’il n’avait pas été blessé il n’aurait pas été très proche de sa femme. Celle-ci tombe petit à petit dans la dépression et dépérit. Quand sa soeur s’en aperçoit elle oblige Clifford à prendre une infirmière à domicile, Mrs Bolton, qui va aussi se charger de requinquer Constance. Elle la pousse à sortir prendre l’air, à se promener dans le bois qui entoure la maison. C’est ainsi que Constance rencontre Olivier Mellors, le garde-chasse de son mari, dont elle devient la maîtresse.
Voilà un livre où il ne se passe pas grand chose. Le but de Lawrence c’est de disserter sur le monde moderne et sur les relations entre hommes et femmes.
Le monde moderne : Lawrence déplore l’industrialisation croissante des campagnes anglaises. Dans le même temps les hommes sont de plus en plus attachés à l’argent. En gagner plus devient le but de la vie. Ce qui fait le malheur des ouvriers, pense Olivier Mellors, c’est qu’ils sont attachés à satisfaire des besoins artificiels. S’ils pouvaient se contenter de vivre selon la nature, ils s’apercevraient qu’ils sont beaucoup plus riches qu’ils ne croient. Et il imagine une société utopique dans laquelle les hommes porteraient des pantalons rouges moulants qui leur rappelleraient les vraies valeurs (!)
J’ai été surprise de découvrir la description d’une société qu’on peut déjà, par certains aspects, qualifier de société de consommation. Dans la préface il est dit qu’en 1930 il n’y avait plus que 5% d’actifs dans l’agriculture en Grande-Bretagne. En France on a du arriver à ce chiffre à la fin des années 1980. C’est cet aspect du roman qui m’a le plus intéressée.
Les relations entre hommes et femmes (le sexe) : Lawrence reproche aux femmes modernes de vouloir se donner du plaisir par elles-mêmes en étant actives pendant l’acte sexuel. C’était le travers de Constance (elle a eu d’autres amants avant Mellors). Mais avec lui (qui est un vrai homme, pas domestiqué) elle découvre qu’en se laissant faire, en abandonnant toute volonté, elle retourne à l’état de nature et atteint à une jouissance supérieure. Je ne suis pas d’accord avec Lawrence et je me demande de quelle autorité il vient nous faire des leçons sur le plaisir féminin. On en apprend beaucoup moins sur le plaisir masculin.
Au total un roman qui adopte un point de vue réactionnaire, glorifiant un mythique passé, forcément supérieur au temps présent; peu d’action; des théories fumeuses assénées sans nuances. Et pourtant ça m’a pris ! J’ai apprécié le témoignage sur une société en pleine mutation. Il montre très bien aussi à quel point la première guerre mondiale a traumatisé toute une génération.
Rohinton Mistry, Une simple affaire de famille, Le livre de poche
L’histoire se déroule de nos jours à Bombay, dans la communauté parsie. Quand le vieux monsieur Nariman Vakeel se casse la cheville en tombant dans la rue et doit garder le lit il est accueilli dans la famille de sa file Roxanna. Commence alors une cohabitation difficile, l’appartement de deux pièces étant déjà trop petit en temps normal et le salaire de Yezad, le mari de Roxanna, tout juste pour faire vivre quatre personnes. Yezad vit difficilement ces difficultés financières. Cela entraîne des disputes avec sa femme et le pousse à essayer de trouver de l’argent par différents moyens qui ne donnent pas les résultats escomptés.
Jehangir, le fils cadet de la famille, un garçon sensible, est heureux de la présence de son grand-père. il aime parler avec lui. Puis, à mesure que la santé du vieil homme décline, il le rassure dans ses périodes de cauchemars. Car Nariman revit des épisodes de son mariage malheureux. Amoureux d’une jeune femme chrétienne avec qui il a eu une liaison de plus de dix ans il a finalement été obligé, sous la pression continuelle de ses parents, d’épouser une parsie. Une simple affaire de famille est aussi une critique de l’extrémisme religieux et des pratiques bornées qui vont avec, à l’intérieur de la communauté parsie et à l’extérieur puisqu’un des personnages secondaires est une victime des émeutes anti-musulmans de 1993.
J’ai beaucoup aimé ce livre que j’ai trouvé très bien écrit. les personnages sont attachants et il y a de belles descriptions de la vile de Bombay. J’ai découvert les Parsis et certains aspects de leur religion et ça m’a donné envie d’en savoir plus sur ce sujet.
Julie Otsuka, Quand l’empereur était un dieu, 10-18
Pendant la deuxième guerre mondiale, après l’attaque américaine sur Pearl Harbour (décembre 1942) les Américains ont interné dans des camps de prisonniers les personnes d’origine japonaise vivant dans le pays. Ils étaient accusés d’être des espions à la solde de l’empereur, une cinquième colonne préparant l’invasion des Etats-Unis.
Dans Quand l’empereur était un dieu, Julie Otsuka raconte l’histoire d’une famille japonaise de Berkeley. Le père a été arrêté au lendemain de Pearl Harbour. La mère et ses deux enfants (11 et 8 ans) sont déportés quelques mois plus tard vers un camp situé dans le désert de l’Utah. Tous ne seront libérés qu’après la fin de la guerre, plus de trois ans plus tard.
Julie Otsuka écrit dans un style apparemment détaché. Les personnages ne sont jamais nommés. Ils sont désignés comme « la femme », « le père », « la fille », « le garçon ». Malgré cela ils apparaissent comme très vivants et il n’y a rien de froid dans la narration grâce notamment aux dialogues particulièrement bien observés entre le frère et la soeur ou entre les enfants et leur mère. Sans s’appesantir l’auteur dit très bien les difficultés de l’internement et de la séparation d’avec le père puis du retour à une vie normale, entourés de voisins qui vous regardent de travers. J’ai beaucoup aimé ce petit livre.
Eliot Pattison, Le tueur du lac de pierre, 10-18
Après sa première enquête (Dans la gorge du dragon) Shan a quitté son camp de travaux forcés (ce n’est pas une libération officielle) pour aller vivre dans un monastère bouddhiste secret. Dans cette deuxième aventure il est chargé par les moines tibétaines avec qui il vit d’une périlleuse mission : un lama a disparu, l’institutrice Lau a été assassinée et les enfants dont elle avait la charge, des orphelins kazakhs, sont victimes d’un tueur l’un après l’autre.
Tout cela se passe au nord du Tibet, dans le Xinjiang, à la limite du désert du Taklamakan. Là vivent des peuples nomades, Kazahs et Ouighours, que le gouvernement de Pékin veut sédentariser par la force en leur confisquant leurs troupeaux. Shan découvre les refuges de ceux qui luttent encore pour défendre leur mode de vie traditionnel : cités englouties par les sables, anciennes étapes sur la route de la soie; monastères troglodytes. Car le sujet c’est d’abord la résistance contre les exactions chinoises. Résistance armée ou résistance spirituelle des moines tibétains.
J’ai trouvé ce livre très dense. La lecture ne coule pas facilement mais Eliot Pattison installe une ambiance prenante. Ici l’enquête policière s’efface derrière la philosophie bouddhiste et la description d’une culture en voie de disparition, au milieu des superbes paysages de l’Himalaya.
En vacances
Je pars demain en vacances. Je serai donc beaucoup moins présente sur le net dans les semaines à venir.
Au programme de cet été : séjours en famille dans l’Aveyron et en Ardèche, camping en République Tchèque. Retour à la maison prévu courant août.
Bonnes vacances à ceux qui partent.
Bon courage à ceux qui restent.
Bombes2Bal
Les Bombes2Bal sont un groupe toulousain composé de quatre filles et de deux garçons et qui remet au goût du jour le bal occitan. Ils jouent de l’accordéon, du tambourin, ils chantent et ils font danser.
Jeudi 3 juillet le temps était maussade. Il faisait froid et dans l’après midi il a plu un peu. Je me demandais si nous pourrions sortir le soir. Heureusement, en fin de journée, le ciel s’est dégagé. Il faisait frais mais quand j’ai commencé à danser, ça n’a plus été un problème.
La musique est entraînante et joyeuse. Sur la place un couple montre les pas et incite les spectateurs à danser en couple ou en ronde. En invité surprise il y avait Claude Sicre des Fabulous Trobadors. J’ai trouvé ça très sympathique. Ca m’a rappelé les bals oc que j’avais fréquentés un peu quand j’étais étudiante à Toulouse. Ensuite je suis rentrée chez moi, juste à l’heure pour regarder K3G.
Soirée Bollywood sur M6
Jeudi 3 juillet c’est soirée Bollywood sur M6. Quelle aubaine ! C’est pas tous les jours qu’on nous passe ce genre de choses sur nos chaînes françaises !
Alors, il y a quoi ?
1) A 20 h. 50 : Coup de foudre à Bollywood de Gurinder Chadha avec Aishwarya Rai. Eh bien, malgré son titre, ce film N’EST PAS un Bollywood. C’est un film britannique, une adaptation à l’époque actuelle et en Inde d’Orgueil et préjugés de Jane Austen. Cela reprend, en version light, les codes de Bollywood. Pour une initiation à ce cinéma, pourquoi pas ?
2) A 22 h. 50 : La famille indienne. Titre original : kabhi khushi kabhie gham (K3G. En Français : Dans le bonheur ou dans les larmes). Voilà du Bollywood et du meilleur. Ce film de Karan Johar réunit une brochette de grands acteurs (Shahruuuuuuuuuuukh !!!). J’aime beaucoup la musique et les danses en costumes (superbes).
Rohan (Hritik Roshan), fils cadet d’une riche famille, rentre chez lui, ses études universitaires terminées. Il passe d’abord embrasser ses deux grands-mères et les trouve en larmes. Elles ne savent pas comment lui annoncer que son frère Rahul (Shahrukh Khan), le favori de toute la famille, a été chassé par son père (Amitabh Bachchan) il y a plusieurs années car il avait osé épouser une jeune fille d’origine modeste (Kajol). Enfin informé Rohan décide de partir à la recherche de Rahul, de réunir sa famille et de redonner le sourire à sa mère (Jaya Bachchan).
Comme voilà un bon choix pour découvrir Bollywood. Le seul bémol est que ce soir K3G nous est présenté -horreur !- en version française ! Il faut que je dise aussi que généralement, la première fois qu’on regarde un Bollywood, on rit. Et en effet, il y a parfois de quoi. Ah, la scène sublime au pied des pyramides ! Elle fait mon régal à chaque visionnage ! Et quelle belle garde-robe ! Mais dans K3G il y a aussi de l’humour volontaire.
Si vous en avez l’occasion je ne saurais donc trop vous conseiller d’essayer. Attention, cela peut entraîner un phénomène d’addiction. Quant à moi je me trouve confrontée à un dilemme. En effet, le même soir, il y a un concert gratuit de Bombes2Bal dans les alentours. Vu les horaires je crois que je vais pouvoir cumuler : aller danser d’abord puis m’affaler devant K3G ensuite. Quelle soirée !
Fethiye Cetin, Le livre de ma grand-mère, L’aube
Alors qu’elle était déjà adulte, Fethiye Cetin a découvert que sa grand-mère était une rescapée du génocide des Arméniens. Quand elle était petite elle a été enlevée, lors d’une marche de la mort, par un gendarme turc à qui elle avait plu. Il n’avait pas d’enfant et l’éleva comme sa fille. Sa femme par contre la considérait comme une servante. Elle changea de nom, de religion et épousa plus tard un neveu de ses parents adoptifs.
Ce livre est un hommage de Fethiye Cetin à une grand-mère dont elle était très proche, qui l’a en partie élevée après la mort de son père. Il est fait des souvenirs que cette femme avait tus et qu’elle a commencé à raconter à sa petite-fille peu avant sa mort. Ce sont souvent des impressions, des images de la vie quotidienne qui essaient de redonner corps à ce qui a disparu. Cela m’a fait penser à des choses que j’ai lu sur la vie des Juifs en Europe centrale avant la seconde guerre mondiale.
Aujourd’hui en Turquie, un certain nombre de personnes découvrent, comme Fethiye Cetin, leurs origines arméniennes au moment où les derniers survivants disparaissent. De ce fait Le livre de ma grand-mère a eu un succès inattendu dans ce pays.