Voici le troisième et dernier épisode (le premier, le deuxième) des aventures de Pélagie, moniale dans la Sainte Russie à la fin du 19° siècle.
Alors que Pélagie et l’évêque Mitrophane naviguent sur la Volga pour regagner leur ville de Zavoljsk, un passager est assassiné. C’est le prophète Emmanuel, un chef de secte qui prône l’installation en Terre Sainte. Le sympathique inspecteur Serge Sergueievitch Dolinine monte à bord pour mener l’enquête et Pélagie ne reste pas insensible à son charme. Aussi quand il lui demande de l’accompagner dans le village natal de la victime pour y chercher des indices trouve-t-elle de bonnes raisons d’accepter. A partir de ce moment là Pélagie est elle-même la cible de tentatives de la faire périr. Elle trouve refuge en Terre Sainte où sa route va croiser celle des populations locales, Arabes, Tcherkesses et Bédouins mais aussi de touristes chrétiens, de pionniers sionistes et d’un prophète Emmanuel bien vivant. Autour d’elle, les cadavres s’accumulent.
Un moment de lecture fort plaisant, très drôle comme toujours avec cet auteur. Cependant je trouve qu’à la fin Boris Akounine s’en tire par une pirouette en utilisant l’explication du miracle pour une chute qui m’a laissée un peu sur ma faim.
Anne Perry, Long spoon lane, 10-18
Des anarchistes ont fait sauter une bombe, détruisant une maison d’un quartier modeste de Londres. La police donne l’assaut à leur QG de Long spoon lane où ils se sont réfugiés. Finalement deux sont faits prisonniers tandis que le troisième, leur chef, est retrouvé abattu. Quand Thomas Pitt va les interroger en prison les deux hommes dénoncent une vaste corruption policière qui partirait du commissariat de Bow street. Notre héros se sent particulièrement concerné car c’est là qu’il travaillait avant d’être muté à la Special branch (les services secrets).
En menant l’enquête avec son ancien collègue, l’inspecteur Tellman, Pitt découvre une conspiration politique orchestrée par Wetron, le nouveau chef du Cercle intérieur (une société secrète à visées malhonnêtes). Pour contrer ces menées criminelles Pitt doit s’allier avec son ennemi mortel, Charles Voisey, l’ancien chef du Cercle intérieur. Il va vérifier la vérité du dicron qui dit que quand on dîne avec le diable il faut avoir une longue cuillère (a long spoon !)
C’est toujours un plaisir pour moi de retrouver les aventures de Thomas Pitt et je me rue dessus dès leur parution. Depuis qu’il est passé à la Special branch, sa femme Charlotte est beaucoup moins active dans ses enquêtes. Cependant ici la voila qui reprend du service aux côtés de la tante Vespasia quand il faut aller enquêter dans la haute société.
Claude Izner, Rendez-vous passage d’Enfer, 10-18
Emile Legris était un admirateur de Charles Fourier (théoricien socialiste, il préconisa une organisation sociale fondée sur de petites communautés autonomes, les phalanstères. Fourier souhaitait que les membres de ses phalanstères soient solidaires. Pour cela il avait prévu de les vêtir de chemises boutonnées dans le dos. Ainsi ils étaient obligés de s’entraider pour s’habiller). Célibataire, Emile Legris utilisa une partie de sa fortune à aider des personnes rencontrées par hasard : leur trouver un emploi, financer leur installation dans la vie. Avec ces personnes il avait fondé une société baptisée « A cloche-pied ». Après la mort d’Emile, les membres d’A cloche-pied continuent de se réunir une fois par an en sa mémoire. Le souvenir de leur bienfaiteur est bien tout ce qui les lie.
La librairie d’Emile est revenue en héritage à son neveu Victor Legris, héros de cette série dont voici le septième épisode. A l’automne 1895 des membres d’A cloche-pied sont assassinés les uns après les autres. Découvrant fortuitement la chose, Victor sent son goût pour le mystère se réveiller. Avec son beau-frère et associé Joseph Pignot ils vont mener l’enquête.
Une lecture agréable, des aventures dans le Paris de la fin du 19° siècle, chez les boutiquiers, les cocottes et les artistes.
Jacques Neirynck, La mort de Pierre Curie, 10-18
Raoul Thibaut de Mézières est conseiller du Président de la République Armand Fallières. Ce n’est pas que Raoul soit vraiment républicain mais dans la noblesse on sert la France. En cette année 1910 on parle de nommer Marie Curie membre de l’académie des sciences. Il est question aussi qu’elle reçoive un second prix Nobel. Ces éventualités contrarient beaucoup l’extrême-droite nationaliste. Car Marie Curie est femme, elle est étrangère. Et ne serait-elle pas juive aussi, un peu?
Alors certains commencent à murmurer que la mort accidentelle de Pierre Curie, quatre ans auparavant, pourrait bien ne pas être un accident. Et s’il avait été assassiné ? Et s’il avait été poussé au suicide ? En toute discrétion Raoul doit mener l’enquête. La République veut savoir si elle peut faire de Marie la sainte laïque dont elle a besoin ou si ce choix risque de se retourner contre elle.
Je n’ai pas beaucoup apprécié ce premier épisode d’une nouvelle série de la collection Grands détectives. Je n’ai pas trouvé le héros très attachant. D’un côté c’est un progressiste convaincu que les femmes sont aussi capables que les hommes et intéressé aux découvertes techniques sans s’aveugler sur leurs dangers potentiels. Ca devrait être plutôt sympathique. Mais c’est aussi quelqu’un d’un peu trop imbu de sa classe et qui regarde le peuple de haut. Chacun à sa place et c’est bien comme ça. Par ailleurs l’auteur s’amuse à mettre dans la bouche de ses personnages des prémonitions de ce que sera l’avenir. « Je fais et je défais les gouvernements, mais je n’en ferai jamais partie. » dit la cousine de Raoul. « Peut-être, un jour, sera-ce une fille de Marie Curie ! » J’ai trouvé ça plutôt agaçant. Ce qui m’a le plus intéressé c’est l’ambiance politique de cette époque, les intrigues de la presse d’extrême-droite.
Jean-François Parot, Le cadavre anglais, Lattès
Paris 1777. Nicolas le Floch, commissaire au Châtelet est appelé pour constater le décès d’un prisonnier du Fort-l’Evêque, apparemment mort en tombant lors d’une tentative d’évasion. Qui est-il ? Même le directeur de la prison ne le sait pas.
Dans le même temps notre héros est chargé par la reine Marie-Antoinette de contrer les menées d’une femme malhonnête qui se prétend introduite à la cour pour escroquer les naïfs. Elle a ainsi engagé des dépenses au nom de la reine.
Entre ces deux enquêtes Nicolas se pose beaucoup de questions. Il est très attaché à la monarchie. Il a la confiance du roi Louis 16 comme il avait celle de son grand-père, Louis 15, et cela compte pour lui. Mais il souffre aussi de voir les membres de la cour traiter avec mépris le petit peuple. Lui-même, fils illégitime du marquis de Ranreuil, reconnu sur le tard par son père, a été élevé assez modestement par un chanoine. Pour moi c’est le principal intérêt de ce livre, plus que l’enquête policière, de montrer la France à la veille de la Révolution.
Jean-François Parot écrit bien, comme « à l’époque » :
« Il y a une dame qui estime que la chasse est ouverte et que la cour est le dernier lieu où l’on braconne. Cette dame, toute friande et appétée de profits, se voit demander aide par la reine. Peignez-vous le tableau ! Sa majesté n’en récoltera pas la moindre miette et l’autre rapinera sans vergogne. C’est de cela qu’elle tire sa subsistance dans les manigances troubles des entresols et des antichambres. La reine, sachez-le, n’est qu’un prétexte, une signature, une clé naïve qui ouvre les portes… et les coffres. Tournez votre regard vers ceux qui disposent des fonds nécessaires et qui constituent de prévisibles victimes. »
Le cadavre anglais est le septième épisode des enquêtes de Nicolas le Floch.
Anne Perry, La détective de Noël, 10-18
L’héroïne de cette enquête de Noël est la grand-mère de Charlotte Pitt, Mariah Ellison, personnage cantonné aux seconds rôles dans les aventures de Charlotte et Thomas Pitt. Le lecteur de cette série connaît Mariah Ellison comme une vieille femme aigrie et acariâtre qui se complait dans tout ce qui peut déplaire à son entourage. La voilà obligée d’aller passer les fêtes de Noël chez sa belle-fille Caroline dont elle ne supporte pas le remariage avec un acteur de vingt ans son cadet et juif de surcroît. C’est dire si elle a l’intention d’être insupportable.
Puis arrive dans la même maison Maude Barrington, aventurière qui a passé sa vie à parcourir le monde. Le lendemain matin, Maude est retrouvée morte dans son lit. Mariah découvre alors qu’elle s’était attachée à cette femme peu conventionnelle et se convainc qu’elle a été assassinée. Elle décide d’aller mener l’enquête dans la famille de Maude.
Comme toujours chez Anne Perry, le principal intérêt c’est l’analyse psychologique. Ici nous voyons une vieille dame méchante découvrir qu’il peut aussi y avoir du plaisir à être polie et attentive, tolérante avec les faiblesses des autres. Dans un environnement étranger, au milieu de gens qui ne la connaissent pas, Mariah se glisse plus facilement dans un autre personnage, comprenant qu’il est temps pour elle de changer son mode de fonctionnement.
J’ai trouvé sympathique cette transformation.
C.L. Grace, Le temps des poisons, 10-18
1472. Kathryn Swinbrooke, médecin et apothicaire à Cantorbery vient d’épouser Colum Murtagh, mercenaire irlandais au service du roi d’Angleterre. Tous les deux sont missionnés à Walmer, sur la côte du Kent où doit avoir lieu une entrevue entre des émissaires de Louis 11, roi de France et Henry, seigneur du lieu représentant la couronne d’Angleterre.
Mais voilà que des habitants du village de Walmer meurent empoisonnés. Y-a-t-il un lien entre ces meurtres et la situation politique ? C’est ce que Kathryn va essayer de découvrir tandis que les cadavres s’additionnent.
J’ai plutôt apprécié ce septième épisode des enquêtes de Kathryn Swinbrooke. Il y a des séries que je préfère dans cette collection Grands détectives chez 10-18 mais Paul Doherty (C.L. Grace est un pseudonyme) rend bien ce que j’imagine être l’atmosphère de la vie au Moyen-âge. Une époque certes violente physiquement (et surtout ici où il y a sept assassinats) mais où le rythme des vies, calqué sur celui de la nature, était beaucoup plus tranquille qu’aujourd’hui. Au milieu des turpitudes de Walmer notre héroïne, calme et posée est aussi un point d’ancrage qui rend la lecture paisible.
Boris Akounine, Pélagie et le moine noir, Presses de la cité
Au Nouvel Ararat, un monastère de l’évêché de Zavoljsk, plusieurs témoins dignes de foi ont vu Saint Basile revenu sur terre, marchant sur l’eau et criant des avertissements inquiétants. Mais l’apparition est-elle envoyée par Dieu ou par le Diable ? Ou s’agit-il d’une mystification ? Pour enquêter l’évêque Mitrophane envoie tour à tour des émissaires de choix. Mais voila qu’ils sont victimes du revenant. Les nonnes étant interdites sur le territoire du Nouvel Ararat, soeur Pélagie doit se faire passer pour une laïque pour intervenir.
Le premier épisode de la série (Pélagie et le bouledogue blanc) m’avait moyennement plu. J’ai bien fait de persévérer avec le deuxième qui m’a réjouie. Sous son déguisement, Pélagie rencontre en effet des personnages hauts en couleur. Il faut dire que l’île sur laquelle se trouve le monastère abrite aussi une maison de fous et notre soeur est à un moment en grand danger de tomber amoureuse d’un histrion séduisant. Il y a aussi une femme fatale prête à tout pour se débarrasser d’une éventuelle rivale.
Boris Akounine fait preuve de beaucoup d’imagination ce qui lui permet de fouiller ses personnages et d’avoir une histoire à raconter sur chacun d’entre eux. Le supérieur du monastère, le père Vitali, est ainsi un efficace homme d’affaire qui a fait du Nouvel Ararat un centre de pèlerinage couru par toute la bonne société russe. Menant ses moines d’une main de maître, il rentabilise au mieux leur activité.
Tout ceci est écrit dans un style léger et fort amusant. Il m’est venu à l’esprit en le lisant que les traducteurs avaient bien fait leur travail.
Anne Perry, Seven dials, 10-18
Un ministre du gouvernement de sa majesté et sa maîtresse égyptienne ont été pris en pleine nuit, transportant un cadavre dans une brouette. Thomas Pitt, toujours à la special branch, est mis sur l’affaire. Sa mission : innocenter le ministre. Pour cela notre héros devra aller jusqu’en Egypte, fouiller dans le passé de certains protagonistes. Pendant ce temps Charlotte mène aussi l’enquête de son côté : le frère d’une jeune domestique du quartier n’a plus donné signe de vie depuis plusieurs jours. Dans la maison où il était employé on ne veut donner aucune explication. Quel secret cherche-t-on à cacher ? Notre héroïne devra s’enfoncer jusque dans le quartier sordide de Seven dial pour trouver les réponses.
J’ai retrouvé dans cette palpitante aventure de Thomas Pitt tous les ingrédients qui font pour moi le talent de Anne Perry. Des personnages secondaires fouillés : la tante Vespasia, toujours en forme malgré son grand âge; Gracie la jeune bonne des Pitt dont la romance avec l’inspecteur Tellman progresse à grands pas; Victor Narraway le nouveau supérieur de Pitt qui laisse échapper un peu de son passé. Tout cela allant de pair avec une analyse psychologique fine.
Boris Akounine, Pélagie et le bouledogue blanc, Presses de la cité
Au 19° siècle, dans une province un peu reculée de Russie, Pélagie, une jeune religieuse orthodoxe, est dépêchée par son évêque, le bon Mitrophane, pour mener l’enquête sur des événements qui agitent les alentours. La tante de l’évêque, qui a consacré une bonne partie de sa vie à créer une nouvelle race de chiens (le bouledogue blanc) est au plus mal : on a assassiné l’un de ses spécimens et le choc est terrible pour la vieille femme.
Sur sa route Pélagie croise deux cadavres décapités. A Zavoljsk, chef-lieu du comté, Mitrophane est aux prises avec le perfide Tintinov, inspecteur du synode. Bien sur toutes ces affaires se rejoindront pour la plus grande gloire de Mitrophane et pour la sauvegarde des âmes de Zavoljsk.
Pélagie et le bouledogue blanc est le premier épisode d’une trilogie par l’auteur des aventures de Fandorine. J’étais toute contente de mettre la main sur cette nouvelle série et j’ai été un peu déçue. La mise en place de l’action est un peu lente et la lecture ne devient palpitante que dans la deuxième partie.
La quatrième de couverture informe le lecteur qu’il trouvera dans le style « de subtils pastiches des grands prosateurs russes du 19° siècle. » Je dois avouer que c’est un aspect de l’oeuvre qui m’échappe, ne connaissant pas cette littérature. Il reste quand même l’humour de Boris Akounine.