Des espions russes et américains à Paris ? L’action se situerait-elle pendant la guerre froide ? Non car nous sommes en 1782 quand les espions s’appelaient des mouches. Le tsarévitch Paul, héritier de la Grande Catherine, est en visite incognito à Paris. Incognito cela signifie qu’il est là sous l’identité de comte du Nord mais que pratiquement tout le monde sait qui il est.
Nicolas le Floch, commissaire de police au Châtelet, est chargé de gagner sa confiance pour pouvoir l’approcher. Au même moment un autre Russe, le comte de Rovski, est assassiné d’une façon particulièrement violente. Y a-t-il un lien avec la visite du tsarévitch ?
Quant aux Américains, il s’agit de l’ambassade de Benjamin Franklin, à la recherche de soutiens dans leur guerre d’indépendance contre l’Angleterre.
Je retrouve toujours avec plaisir les aventures de Nicolas le Floch. En vieillissant notre héros devient un peu désabusé sur son époque. Il voit avec regret les faiblesses de la monarchie et la morgue des grands qui se croient supérieurs au peuple. L’envie le prend régulièrement de s’en retourner dans ses terres de Bretagne. Le lecteur, lui, voit se profiler la Révolution qui vient. L’époque est fort bien décrite et c’est si bien écrit.
Pour compléter mon plaisir, Nicolas le Floch revient aussi à la télévision sur France 2 avec Le sang des farines, vendredi 1° mars.
Le pasteur Dominic Corde et sa femme Clarice arrivent peu avant Noël à Cottisham dans le Hertfordshire où Dominic doit remplacer le pasteur en charge, parti en vacances. Bientôt l’un et l’autre découvrent que chacun semble dissimuler un secret, le moindre n’étant pas celui qui se cache au fond de leur cave.
Une gentille histoire, sans plus. Dominic et Clarice forment un charmant petit couple d’amoureux
Le livre de poche réédite en un seul volume la trilogie berlinoise de Philip Kerr, trois romans policiers dont l’action se situe dans l’Allemagne nazie et après sa chute, en 1936, 38 et 47.
1) L’été de cristal : Dans L’été de cristal, nous faisons connaissance avec Bernhard Gunther, ex-flic devenu détective privé. Il est chargé par un riche homme d’affaire de découvrir qui a assassiné sa fille et son gendre et, par la même occasion, dérobé un précieux collier de diamants. En parallèle il est aussi prié par Goering de retrouver une personne disparue. Le lecteur découvrira, sans beaucoup de surprise, que les deux affaires sont liées. Son enquête va amener Bernie à croiser la route de la pègre berlinoise. Je retrouve là un milieu découvert dans Le poisson mouillé.
J’ai moyennement apprécié cet ouvrage. Nous avons un héros désabusé, qui fait de l’humour grinçant mais je trouve que, à force, cela fait un peu procédé. Une ou deux scènes de sexe cru qui n’apportent pas grand chose de plus. Le cadre historique est celui d’un régime nazi déjà bien installé (on est en 1936, au moment des jeux olympiques). Bernie n’est absolument pas un partisan de ce régime mais, comme tout le monde, il fait le salut hitlérien si on le lui demande. Je n’apprends pas grand chose de nouveau. Je lis cette aventure facilement néanmoins. J’attends un peu avant d’entreprendre le deuxième épisode.
2) La pâle figure : Je retrouve Bernhard Gunther deux ans plus tard (deux ans pour lui, pour moi ça fait à peine dix jours). Nous sommes en 1938 et l’Allemagne nazie se prépare à annexer les Sudètes, région de la Tchécoslovaquie. Et juste après ce sera le pogrome de la nuit de cristal.
Les ingrédients sont presque les mêmes que dans le premier épisode : deux enquêtes menées en parallèle, l’une pour une cliente privée (il s’agit de découvrir qui la fait chanter) et l’autre pour les autorités. Cette fois c’est Heydrich qui le recrute et il s’agit d’arrêter le tueur en série qui a violé et assassiné quatre jeunes filles aryennes. Au milieu de tout cela Bernie trimballe ses vannes d’homme revenu de tout et l’auteur nous en aligne jusqu’à quatre par page. Il y en a parfois d’amusantes sur le tas mais parfois aussi ça tape à côté.
Bernie n’aime toujours pas les nazis mais il s’est habitué à leur présence et c’est automatiquement qu’il fait le salut hitlérien maintenant. Quant à moi, tout en en voyant les points faibles, je suis accrochée dès le départ par cette histoire et j’y passe mon dimanche.
3) Un requiem allemand : L’action se déroule cette fois en 1947, juste avant le blocus de Berlin-ouest par les Soviétiques. Bernie est maintenant marié. Nous découvrons petit à petit qu’il a terminé la guerre dans un camp de prisonniers de guerre des Russes et que depuis qu’il est rentré les relations sont difficiles avec sa femme, d’autant plus qu’il la soupçonne de monnayer ses faveurs à l’occupant américain pour arrondir les fins de mois. Leurs coupons alimentaires ne représentent en effet que 3500 calories par jour pour deux personnes. La proposition d’aller enquêter à Vienne est donc accueillie favorablement par Bernie qui y voit l’occasion de mettre un peu de distance entre lui et Kirsten. Il s’agit de prouver l’innocence d’Emil Becker, ancien collègue de Bernie, accusé d’avoir abattu le capitaine Lindon, officier américain, chasseur de nazis.
Comme l’Allemagne, l’Autriche est alors occupée militairement par les vainqueurs de la guerre, Américains, Britanniques, Français et Soviétiques. Vienne est le théâtre d’intenses luttes de pouvoir. Partout des espions : Soviétiques, Américains, agents doubles, souvent les mêmes qui trafiquent aussi dans le marché noir généré par les pénuries. Au milieu de tout cela il faut rajouter les anciens nazis qui travaillent à réécrire leur passé et des chasseurs de nazis aux objectifs pas toujours clairs : « Je n’avais aucune envie d’aider un gouvernement qui pendait des nazis les lundis, mardis et mercredis, et qui en recrutait dans ses services de renseignements les jeudis, vendredis et samedis. » dit le héros au sujet des Etats-Unis.
Une époque bien trouble donc et j’en ai apprécié la description, l’enquête n’étant qu’un prétexte pour nous balader au milieu de ce panier de crabes.
Bilan général : ça valait le coup de continuer jusqu’au bout puisque, semble-t-il, cette Trilogie berlinoise se bonifie en avançant. Ca n’est pas une révélation littéraire non plus.
Minuit, impasse du Cadran, au pied de la butte Montmartre. Un homme est assassiné, égorgé au moyen d’une canne épée. Bientôt un deuxième meurtre similaire a lieu, puis un troisième… Autour des cadavres sont chaque fois disposés des objets évoquant la fuite du temps. Il faut dire qu’en ce mois d’octobre 1899 certains pensent que la fin du monde est proche. Les crimes ont-ils un lien avec les élucubrations du père Barnave, un ancien cocher, alcoolique, qui annonce la collision imminente de la terre avec une météorite ?
Sollicités par leur habituel ennemi, le commissaire Augustin Valmy, Victor Legris et Joseph Pignot mènent l’enquête en tentant de se cacher de leurs compagnes respectives qui ne sont pas dupes. La lecture de ce nouvel épisode de leurs aventures m’a plue et m’a donné envie de flâner dans Paris. Ca tombe bien, je vais très bientôt aller y passer quelques jours.
Par un petit matin de décembre, William Monk et son adjoint Orme découvrent au bord de la Tamise, dans le quartier mal famé de Limehouse, le corps d’une femme atrocement mutilé : elle a été éventrée. L’enquête permet de déterminer qu’il s’agissait de Zelia Gadney, une femme entretenue par le dr Joel Lambourn, lequel s’est suicidé deux mois plus tôt. Y aurait-il un lien entre ces deux morts violentes ?
A la recherche de la vérité, Monk va découvrir le grave problème que pose le commerce de l’opium en cette deuxième moitié du 19° siècle. A cette époque c’est le seul analgésique connu, qui entre dans la composition de nombreux médicaments en vente libre dans les épiceries de quartier. Tout le monde l’utilise : « Pour les maux de tête, maux d’estomac, insomnies, le bébé qui braille, qui fait ses dents, et les vieux pour les rhumatismes. » Le problème c’est que ces poudres que l’on dissout dans un liquide sont dosées de façon irrégulière, coupées d’autres produits non mentionnés et que cela occasionne parfois des accidents. Plus grave, certains viennent de découvrir que l’opium directement injecté dans les veines provoquait une rapide dépendance. Un terrible trafic de drogue est en train de s’installer, profitant du vide juridique.
Dans cette enquête, en plus de William et Hester Monk, je retrouve avec grand plaisir l’avocat Oliver Rathbone dans le rôle du défenseur de la veuve injustement accusée. J’ai dévoré cet ouvrage en moins d’une semaine.
Londres, 1304. Une bande de malandrins échappée de la prison de Newgate a investi le quartier de Cripplegate, tué et violé puis s’est réfugiée dans l’église de St Botulph. Sir Hugh Corbett, garde du sceau privé du roi Edouard 1°, donne l’assaut. En marge de cette véritable guerre urbaine, une série de meurtres frappe la capitale. Les victimes sont marquées d’un M gravé au couteau sur le front. Cette signature est celle du Mysterium, un tueur à gages pourtant disparu 20 ans plus tôt dans la même église de St Botulph.
Encore une fois Corbett, héros taciturne, se retrouve confronté aux manifestations du mal. Autour de lui on trépasse de malemort et il semble que le roi lui-même ait quelque chose à cacher. C’est une société extrêmement violente que décrit Paul Doherty : le risque de se faire rançonner -et assassiner- en pleine rue, les petits délinquants attachés au pilori et battus en public, pour les criminels la peine de mort et l’exposition du cadavre. La peau de l’auteur du vol des joyaux de la couronne en 1303 est même clouée sur une porte de l’abbaye de Westminster. La violence c’est aussi la misère la plus crasse qui côtoie richesse et confort. J’apprécie aussi les relations entre Corbett et son homme, l’ambitieux clerc de la Cire verte, Ranulf-atte-Newgate.
Muté de Cologne à Berlin suite à une bavure, le jeune commissaire Gereon Rath est versé à l’inspection E : les Moeurs. On est en 1929 et le préfet de police a interdit la manifestation du 1° mai. Elle a lieu cependant et tourne à l’émeute, la police poursuit les communistes à travers la capitale. Au milieu de tout cela on repêche un mystérieux cadavre dans le Landwehrkanal. Seul Gereon Rath sait -par hasard- de qui il s’agit. Au lieu de communiquer ses informations, il mène l’enquête de son côté, espérant pouvoir profiter de ses découvertes pour obtenir sa mutation à l’inspection A, la Criminelle. Sur sa route il va croiser des SA, le Stahlhelm -une association d’anciens combattants, la Forteresse rouge -une faction communiste qui veut renverser Staline, des flics ripoux, un parrain de la pègre et une charmante secrétaire.
Deux intérêts pour moi dans ce roman. D’abord le contexte historique de la montée du nazisme. Ce qui me frappe justement c’est que les nazis sont très discrets. Ce qui est perçu comme un vrai danger c’est plutôt le communisme avec le souvenir de la tentative de révolution de 1919.
Ensuite j’ai apprécié l’enquête policière bien ficelée avec plusieurs rebondissements surprenants. Gereon Rath n’est pas un héros totalement sympathique, très ambivalent en tout cas. Il a bénéficié du soutien de papa pour se sortir d’une situation professionnelle difficile et aimerait bien faire ses preuves par lui même mais en même temps, si les relations paternelles pouvaient lui permettre d’atteindre son but plus rapidement, il ne serait pas contre à condition que ses collègues ne soient pas au courant.
Au total c’est une lecture que j’ai trouvé plaisante néanmoins il n’est pas sur du tout que je lise la suite des aventures de Gereon Rath.
Ca alors, mais revoilà le boyard Artem ! Depuis le temps que je ne l’avais pas vu, je le croyais mort, ma parole ! Et oui car Le sang d’Aphrodite est le 8° épisode d’une série de la collection Grands détectives dont le tome 7 était paru en 2003. J’ai lu les précédentes aventures d’Artem quand elles sont parues, cela fait donc quelque temps et j’ai retrouvé ce héros avec plaisir.
Nous sommes à Tchernigov en 1074, sur les terres du prince Vladimir. Successivement plusieurs jeunes femmes de bonne naissance sont assassinées et leur corps est mutilé de façon horrible. La seule trace de l’assassin : un parfum capiteux que l’on sent encore sur les victimes, le sang d’Aphrodite. Le boyard (noble) Artem, membre de la droujina (armée) et conseiller du prince, mène l’enquête. Pour cela il est aidé de Philippos, son fils adoptif, d’origine grecque et qui à 16 ans connaît ses premiers émois amoureux et des varlets (jeunes guerriers) Mitko et Vassili, ses collaborateurs.
Comme souvent dans cette collection, ce que j’apprécie ce n’est pas tant l’enquête policière qui n’offre pas de surprise particulière mais plutôt les personnages sympathiques et la reconstitution de l’ambiance de l’époque qui passe par l’utilisation d’expression typiques (« N’ordonne pas de me châtier mais ordonne de me pardonner » quand on s’adresse à plus haut que soi). Ce qui m’intéresse dans cette série c’est de découvrir le mode de vie raffiné des nobles russes. La région de Kiev est en relations avec l’empire byzantin; marchands, produits, modes circulent entre Tsargorod (Byzance) et l’Ukraine. Une lecture plaisante donc.
Londres, 1896. Devenu directeur de la special branch (les renseignements généraux britanniques), Thomas Pitt est informé qu’un attentat se prépare contre un prince peu en vue de la famille Habsbourg. Confronté à sa première affaire sérieuse notre héros doit faire la preuve de ses capacités. Il sait qu’il est attendu au tournant par tous ceux qui n’ont pas accepté la nomination à ce poste du fils d’un garde chasse et qui lui font sentir à l’occasion qu’il n’est pas bien né.
Pour moi Dorchester terrace est un épisode faible des aventures de Thomas Pitt. Il passe beaucoup de temps à se poser les mêmes questions et quand il se les est posé trois fois, c’est bon, j’ai compris. Je trouve qu’Anne Perry tire un peu à la ligne. Pour finir je ne suis pas vraiment convaincue par le dénouement de l’affaire. Qu’un membre important du gouvernement britannique se rende coupable de trahison pour éviter qu’on ne sache que son père avait eu une aventure extra-conjugale 30 ans plus tôt ne me parait pas très crédible. Ceci dit j’ai quand même lu ce roman sans déplaisir.
En 1273, Anna Lascaris, jeune veuve originaire de Nicée, médecin, arrive à Constantinople. Son frère jumeau, Justinien, qui y vivait, a été accusé de meurtre et condamné à l’exil dans un monastère du Sinaï. Anna ne peut croire à la culpabilité de Justinien et veut prouver son innocence. Pour mener l’enquête en toute discrétion, elle s’installe à Constantinople sous l’identité d’Anastasius Zaridès, médecin eunuque, ce qui lui permet de côtoyer et de soigner aussi bien des femmes que des hommes.
Avec ce gros roman (près de 1000 pages) c’est une fresque qui s’étale sur 10 ans (1273-1282) qu’Anne Perry nous présente. Au 13° siècle l’empire byzantin entame son déclin après le sac de Constantinople par les croisés en 1204. La ville a alors été pillée de toutes ses richesses et des reliques qui y attiraient les pèlerins. Elle a perdu une source de revenus importante.
En 1273, quand l’histoire commence, le prince de Sicile, Charles d’Anjou, envisage de mener une nouvelle croisade. Il s’agit de délivrer Jérusalem des musulmans et au passage de prendre une nouvelle fois Constantinople pour rentrer dans ses frais. Car la croisade apparait ici comme étant aussi une opération commerciale. Son organisation coute cher. Il faut disposer d’une flotte importante. Seuls les chantiers navals de Venise peuvent construire suffisamment de navires. Les Vénitiens interviennent donc en faveur de la croisade.
A Constantinople l’empereur Michel Paléologue est conscient du danger qui le menace. Pour le contrer il envisage de s’allier avec Rome en mettant fin au schisme religieux. Si les orthodoxes devenaient catholiques ils seraient alors protégés par le pape. Mais il existe aussi un parti qui ne veut pas de cette union. Pour eux les Latins sont des barbares avec leur foi simpliste. Les factions s’opposent donc, complotent, cherchent des alliances pour convaincre le peuple et l’empereur.
Rome est aussi le lieu d’intenses luttes de pouvoir. Tout dépend qui est le pape (en 1276, quatre se succèdent sur le trône de Saint Pierre). Les Italiens sont pour la réunification des deux Eglises mais les Français sont du côté de Charles d’Anjou et Martin IV excommunie l’empereur Michel Paléologue en 1281. Il semble alors que le prince de Sicile ait la voie libre.
C’est sur ce fond historique fourni que l’auteur place les personnages de son roman. Ils sont nombreux mais comme l’histoire s’étale sur la durée on a le temps de faire leur connaissance. L’aspect psychologique est fouillé. Comme toujours chez Anne Perry on se pose beaucoup de questions sur la morale. Il y a aussi une charmante histoire d’amour. J’ai trouvé le résultat passionnant et j’ai dévoré ce livre qui m’a donné envie d’en apprendre plus sur cette période.