Le jeune Ram Mohammad Thomas, serveur de restaurant de 18 ans, a gagné au jeu télévisé Qui Va Gagner un Milliard (de roupies) ? Il a répondu juste aux douze questions posées. La production soupçonne aussitôt une tricherie : comment un enfant des rues qui n’est jamais allé à l’école pourrait-il avoir une telle culture générale ? Ram est arrêté par la police et torturé pour lui faire avouer son truc. Heureusement pour lui, il est tiré de ce mauvais pas par l’avocate Smita Shah qui l’emmène chez elle. Là Ram lui raconte sa vie et lui explique comment il a pu gagner.
Au cours de son existence mouvementée entre Delhi et Bombay en passant par Agra, il a exercé de nombreux métiers et rencontré de nombreuses personnes. Il a été domestique chez une actrice vieillissante de Bollywood et chez l’attaché militaire d’Australie en inde. Il a travaillé comme barman et comme guide pour les touristes du Taj Mahal. Il a habité le plus grand bidonville de toute l’Asie. Il a échappé de justesse à un trafiquant d’enfants qui voulait lui crever les yeux. Il est tombé amoureux d’une prostistuée.
Ram Mohammad Thomas raconte à Smita comment toutes ces rencontres et toutes ces expériences lui ont permit de répondre aux questions posées.
A travers la vie aventureuse de son personnage Vikas Swarup nous présente l’Inde pauvre et misérable, celle des enfants abandonnés, celle des petits métiers, celle où survivre est un combat. C’est plutôt plaisant et facile à lire mais je n’ai pas vraiment été accrochée. J’ai trouvé que cela manquait d’épaisseur.
Lavanya Sankaran, Le tapis rouge, Mercure de France
Dans ce recueil de huit nouvelles nous rencontrons la bourgeoisie de Bangalore. Bangalore est connue comme la Silicon valley indienne. Là vivent des jeunes gens issus de familles riches ou plus moyennes mais qui ont pu leur payer des études aux Etats-Unis. Ils sont informaticiens, sortent avec leurs amis, boivent et fument. Ils sont tiraillés entre leur désir de modernité et la tradition à laquelle les rattachent leurs parents.
Dans Alphabet, Priyamvada une jeune fille élevée aux Etats-unis retourne en Inde pour la première fois depuis son enfance alors qu’elle a une vingtaine d’années. C’est l’occasion pour elle de réviser ses idées reçues sur le pays de ses parents et d’enfin comprendre les choix de son père.
Café de Mysore nous raconte un épisode important de la vie de Sita. Profondément perturbée depuis son enfance par le suicide de son père, Sita est une jeune femme introvertie, brillante professionnellement mais n’osant pas se mettre en avant. La trahison d’un collègue la décide enfin à ne plus se laisser marcher sur les pieds.
Tara, l’héroïne de Birdie num-num, est revenue en Inde, chez ses parents pour les besoins de ses études. A 27 ans elle se sent bien éloignée des préoccupations de sa mère qui a hâte de la marier. Les relations sont tendues entre les deux femmes qui se retrouveront pourtant autour d’un sari dans un chassé-croisé des générations :
« Tara enlève son jean, et sa mère drape le sari autour d’elle et entre ses jambes, et pour finir arrange le thaleippu, le bout décoratif, autour de sa taille. Sa longue chevelure est ramenée en arrière et nouée prestement sur sa nuque. Elle s’approche lentement du miroir en pied, la réticence le disputant à la curiosité en elle.
Soixante-dix années se sont volatilisées, et elle contemple fascinée son reflet. Elle a été métamorphosée en sa grand-mère.
Sa paati, dans tout l’éclat de sa jeunesse et pleine de vie, lui sourit gaiement dans le miroir.
Et derrière elle, sa mère, sa fille, sourit aussi. »
C’est finement observé et bien écrit. On est souvent à la croisée entre l’envie d’aller de l’avant et la nostalgie du passé. Il y a aussi de l’humour. Lavanya Sankaran jette un regard tendre sur ses personnages.
Kavita Daswani, Mariage à l’indienne, le livre de poche
Anju, jeune femme native de Bombay, fait le désespoir de sa famille : elle a 32 ans et elle n’est toujours pas mariée. Pourtant sa mère s’est mise en chasse de bonne heure pour trouver le gendre idéal. Depuis que Anju a dix-sept ans elle a exploré toutes les possibilités. Au début la jeune fille a refusé les prétendants qui ne lui convenaient pas puis, petit à petit, ce sont les prétendants eux-mêmes qui se sont faits rares.
Enfin, pour échapper à la pression familiale qui se faisait de plus en plus lourde, Anju a arraché à ses parents l’autorisation d’aller étudier puis travailler aux Etats-Unis. Elle est devenue attachée de presse dans la mode et a commencé à s’émanciper. Cependant il est difficile de s’affranchir totalement de trente ans de matraquage permanent et elle est elle-même convaincue de la nécessité de se trouver un mari indien.
Au début du roman, Anju retourne en Inde, pour assister à un mariage, après deux ans d’absence. Pour sa mère et sa tante, c’est l’heure de se remettre en chasse.
Comme dans les nouvelles de Lavanya Sankaran (Le tapis rouge) on trouve ici une jeune femme tiraillée entre ses aspirations à une vie moderne et son souhait de complaire à ses parents plus traditionnels. Cependant chez Kavita Daswani la réalisation est moins bien réussie. Il y a de l’humour par instants mais j’ai aussi trouvé souvent la lecture fastidieuse. On s’englue dans la recherche du mari et on se demande comment on va s’en sortir (peut-être que cela vise à nous mettre à la place de l’héroïne qui doit aussi trouver le temps long). On a aussi droit à des descriptions presque techniques du métier d’attaché de presse et du monde superficiel de la mode qui m’ont parues superflues. Peut-être qu’ici une nouvelle aurait suffit.
William Dalrymple, Le moghol blanc, Noir sur blanc
L’histoire vraie d’une passion tragique dans l’Inde du 18° siècle
Ce gros livre bien documenté vaut beaucoup mieux que ne peut le laisser penser son sous-titre un peu racoleur.
L’histoire des amours de Khair-un-Nissa et de James Kirkpatrick sert de trame à une histoire des relations anglo-indiennes à la fin du 18° siècle.
Jeune fille de l’aristocratie moghole (Indienne musulmane) Khair-un-Nissa a 14 ans quand elle aperçoit pour la première fois James Kirkpatrick. Il en a 34 et est employé de la Compagnie des Indes Orientales qui exploite le sous-continent indien. Bien que déjà fiancée à un autre, Khair jette son dévolu sur James. Avec la complicité de sa mère et de sa grand-mère elle l’attire dans son lit puis les trois femmes intriguent pour rendre leur mariage possible. Déjà amateur de l’Inde et des Indiennes, Kirkpatrick se laisse séduire. Il se convertit à l’islam pour épouser Khair, adopte dans son ménage le mode de vie local.
William Dalrymple nous apprend qu’à l’époque la situation de Khair-un-Nissa et de James Kirkpatrick est loin d’être isolée. Parmi les premiers Européens installés en Inde aux 17° et 18° siècles plusieurs ont pris femme sur place et ont créé une nouvelle culture mélant leurs traditions d’origine et celles de leur pays d’accueil. La Compagnie des Indes Orientales recrutait ses employés avant l’âge de 16 ans. Ceux-ci arrivaient donc bien jeunes et encore malléables en Inde.
L’enquête de William Dalrymple se ramifie dans toutes les directions. Il a exploré archives familiales et publiques, en Grande-Bretagne, en France et en Inde pour nous présenter chacun de ses personnages ainsi que le contexte historique. Il cite fréquemment des passages de ses sources, particulièrement des lettres, ce qui rend le récit plus vivant. On n’est pas dans de l’histoire romancée comme chez Javier Moro (Une passion indienne) et j’aime bien mieux.
Mais Khair-un-Nissa et James Kirkpatrick font partie des derniers contemporains d’une époque où orient et occident n’ont pas trouvé impossible de s’unir. L’entrée dans le 19° siècle marque le début d’une période où l’homme blanc s’est cru supérieur et investi d’une mission civilisatrice. Sous l’impulsion de ses chefs, la Compagnie des Indes Orientales interdit petit à petit les unions entre ses employés et les autochtones, elle refuse d’embaucher les enfants de sang-mêlé. Chacun se replie de son côté et les différences religieuses sont montées en épingle.
Quant à l’histoire de Khair-un-Nissa et de James, elle se termine de façon bien triste.
Bharati
Fin octobre j’ai assisté à une représentation de Bharati, une comédie musicale indienne actuellement en tournée en France. L’histoire des amours de la belle Bharati (Bharat = Inde en hindi) n’est qu’un prétexte au spectacle de danses, chants et musique.
Elevée selon les traditions indiennes Bharati tombe amoureuse (et vice-versa) d’un jeune ingénieur occidentalisé. Le père de la jeune fille refuse le mariage jusqu’au moment où le jeune homme comprend qu’il ne peut pas rejeter ses origines (Bharat tumhara desh hai aur Bharati tumhara prem : l’Inde est ton pays et Bharati ton amour). Le père donne alors son assentiment. Un canevas tout à fait digne d’un film de Bollywood. Je trouve que ça ressemble un peu à l’histoire du film Swades.
Sur la scène, près de 70 artistes nous présentent l’histoire. Une cinquantaine de danseurs et danseuses dans de grands ballets avec toujours de nouveaux costumes. Encore une fois, la comparaison qui s’impose c’est celle avec les films de Bollywood : couleurs, mouvement, tout y est pour plaire aux amateurs (dont je suis).
Ils sont accompagnés par un petit orchestre indien. Une dizaine de musiciens assis de part et d’autre en avant de la scène. D’un côté les percussions (tablas), de l’autre les vents et les cordes.
Comme dans les films précédemment cités ce ne sont pas les danseurs qui chantent. Ils sont doublés par trois chanteuses et deux chanteurs. Les femmes en saris, les hommes en kurtas se tiennent immobiles et droits et accompagnent leurs chants d’amples mouvements du bras droit. Ils reprennent des standards de Bollywood plus des chansons originales. J’ai particulièrement apprécié Silsila ye chahaat ka tiré du film Devdas. C’était parfait. La chanteuse était tout simplement excellente.
Et puis il y a les personnages principaux : Bharati, son père, son amoureux, son ami d’enfance (bien sur, il y a un ami d’enfance!) qui dansent des solos et enfin, le narrateur. Dans ce rôle Rahul Vohra (au cinéma vu dans Swades, dans le rôle de l’ami du héros, expatrié comme lui) est très bon. En fait c’est lui le personnage principal. il raconte l’histoire, explique l’Inde aux spectateurs, fait patienter entre deux grands ballets (quand les danseurs doivent aller se changer) en racontant de petites histoires humoristiques. Et tout cela dans un Français presque parfait.
Quand j’aurai dit qu’en plus de tout ce monde en action il y a un écran au fond de la scène qui montre des images de l’Inde, qui sert d’arrière-plan aux ballets, vous aurez compris que dans ce spectacle on ne sait pas où donner de l’oeil. A droite, à gauche, devant, derrière, il y a à voir de tous les côtés. Je n’ai pas regretté ma soirée.
Amit Chaudhuri, Une étrange et sublime adresse, Picquier
Un jeune garçon de Bombay, Sandeep, passe ses vacances à Calcutta chez son oncle et sa tante et ses cousins Abhi et Babla. L’étrange et sublime adresse du titre c’est celle de la maison de Calcutta que Sandeep découvre ainsi écrite dans un livre de classe de son cousin Abhi :
« Abhijit Das
17 Vivekananda Road
Calcutta (Sud)
Bengale Ouest
Inde
Asie
Terre
Système Solaire
Univers »
Dans cette maison où se retrouvent les membres de la famille élargie le temps coule doucement. Les adultes discutent et font la sieste, les enfants jouent entre eux. Le soir on monte sur la terrasse prendre le frais et observer les voisins :
« Un bambin apprenait à marcher : il avançait un pied hésitant et prudent puis effectuait un pas avec une conviction mélodramatique; l’autre jambe oubliait qu’elle était jambe et l’enfant, dérouté par son propre corps, s’affaissait comme un petit tas. Alors il se mettait à pleurer et ses larmes faisaient sourire sa grande soeur. Elle se penchait vers lui et le soulevait dans ses longs bras adorables. »
Il ne se passe rien de particulier mais tout le livre est empreint de poésie et de la nostalgie d’une enfance paisible et insouciante. C’est particulièrement bien écrit, les descriptions sont travaillées, utilisant des comparaisons imagées :
« Au démarrage, le moteur et la carrosserie déglinguée unissaient leurs voix en un grincement caverneux, comme un vieux qui balance une plaisanterie obscène en dialecte guttural tout en continuant de s’esclaffer. »
En bref c’est un régal à lire et c’est pourquoi je ne résiste pas au plaisir de citer un dernier passage :
« Calcutta est une ville de poussière. Quand on se promène dans ses rues, on voit sur les trottoirs des monticules de poussière hauts comme des dunes, où chiens et enfants restent assis à ne rien faire, tandis que des ouvriers en sueur défoncent le macadam à coup de pioches et de marteaux-piqueurs. Sans cesse on démolit les routes, soit pour la construction du nouveau métro soit pour tout autre raison obscure, comme le remplacement d’une canalisation qui ne marche pas par une autre qui ne marche pas mieux. Calcutta se met alors à ressembler à une oeuvre d’art contemporain dénuée de sens et de fonction, mais qui continue d’exister pour quelque raison esthético-ésotérique. Partout des tranchées et des tas de poussière donnent à la ville l’air d’avoir été pilonnée. Les vieilles maisons aux murs apaisés s’effritent en lente poussière, leurs portails jadis rutilants sont désormais rouillés. Du plafond des bureaux s’écaille la poussière; les bâtiments tombent en poussière, les routes se font poussière. Sans cesse, sous l’action arbitraire du vent, la poussière s’érige en formes nouvelles surprenantes, des formes sur lesquelles les chiens et les enfants restent assis à ne rien faire. Jour après jour, sans un murmure, Calcutta part en poussière, et jour après jour, Calcutta renait de sa poussière. »
Radhika Jha, L’odeur, Picquier
D’origine indienne Lîla est née et a grandi au Kenya. Quand le père de famille est tué, victime d’une émeute, la famille doit se disperser. Sa mère et ses deux jeunes frères sont accueillis chez un parent en Grande-Bretagne. Quant à Lîla, âgée de 18 ans, elle est envoyée chez le frère de son père, en banlieue parisienne.
Une période difficile commence alors pour Lîla. Sur le chemin de l’émancipation elle doit couper les liens avec sa famille, son oncle et sa tante qui l’utilisent comme domestique, sa mère qui l’oublie pour se remarier. Elle découvre l’attrait qu’elle exerce sur les hommes, des hommes pas toujours désintéressés.
Sa particularité est d’avoir un odorat particulièrement développé. Cette faculté est une bénédiction ou une malédiction. Bénédiction quand elle se met à la cuisine car les épices et les ingrédients lui parlent par l’odeur et elle sait sans goûter ce qu’il faut pour obtenir le plat parfait.
Malédiction dans ses périodes difficiles car alors elle ne peut littéralement plus se sentir. Elle a l’impression qu’elle pue et que tout le monde s’éloigne d’elle, dégoûté par cette odeur infecte :
« Mon odeur de pourri m’enrobe comme un linceul et fermente avec suavité. Je décide que mon corps pue plus fort qu’une benne à ordures. A l’inverse du camion à ciel ouvert où s’accrochent chaque jour les éboueurs, mon odeur reste bouclée à l’intérieur, en un lieu privé d’air et de lumière et filtre par tous mes pores comme un redoutable déchet chimique auquel personne ne veut toucher. Je sens ses relents d’épices tout autour de moi, agglutinés à l’air humide, et la puanteur d’aliments pourris s’accentue chaque fois que je prends une inspiration. »
Il faudra à Lîla rencontrer enfin des personnes qui l’apprécient pour elle-même pour comprendre que cette puanteur n’était qu’une barrière qu’elle érigeait entre elle et le monde et accepter de prendre en main sa vie.
Je pense que L’odeur retranscrit bien les sentiments et l’état d’esprit dans lequel peut se trouver une jeune fille de 18 ans, livrée à elle-même dans un pays étranger. Radhika Jha montre bien la difficulté d’accéder à l’indépendance quand on n’est pas entouré par des personnes bienveillantes.
Javier Moro, Une passion indienne, Robert Laffont
La véritable histoire de la princesse de Kapurthala
1906 : le maharajah de Kapurthala, un état du nord de l’Inde, vient à Madrid pour y assister au mariage du roi Alphonse XIII. Dans un cabaret il remarque Anita Delgado Briones, une jeune danseuse de seize ans. Ebloui par sa beauté il commence une offensive de charme auprès de la famille à coup de cadeaux couteux. Les parents sont pauvres et se laissent impressionner, Anita est « vendue ». Elle même, intimidée par les attention d’un homme habitué à obtenir ce qu’il veut, de 18 ans son aîné, se convainc qu’elle est amoureuse.
Après un mariage civil rapide elle embarque pour l’Inde où elle va découvrir les quatre autres épouses de son mari et leurs enfants dont certains ont le même âge qu’elle. En plus de la jalousie des coépouses il lui faudra affronter le rejet du colonisateur britannique qui refuse de cautionner le mariage du rajah avec une Européenne. Anita est donc considérée comme une concubine et à peine tolérée aux réceptions officielles.
Petit à petit elle s’adapte cependant à cette vie globalement facile où elle joue le rôle de la favorite, évoluant dans un luxe inouï. En 1925 Anita quitte l’Inde de façon définitive, renvoyée par son mari à la suite d’un scandale.
A travers cette biographie Javier Moro retrace aussi l’histoire des derniers maharajah. Officiellement ils dirigent leurs états mais ceux-ci sont en fait des protectorats britanniques. Dépossédés de tout réel pouvoir ces princes immensément riches se consolent en menant un train de vie fastueux. Le mari d’Anita fait construire un château à la française sur ses terres. Eduqués dans des pensionnats anglais dès leur plus jeune âge ils se voient en despotes éclairés, capables de faire le lien entre l’orient et l’occident, d’apporter à leur peuple les bienfaits du 20° siècle mais ils continuent d’entretenir nombre d’épouses et de concubines dans la zenana.
Javier Moro évoque aussi les débuts de la colonisation britannique quand des Anglais, conquis par la civilisation indienne adoptaient les modes de vie locaux. A partir du début du 19° siècle les autorités britanniques mirent fin à ces pratiques, craignant qu’elles ne soient nuisibles à la consolidation de l’empire. Alors Indiens et Anglais ne se fréquentèrent plus que de loin.
C’est intéressant et cela donne envie d’en savoir plus sur cette période.
L’ensemble se lit facilement.
Sharon Maas, Noces indiennes, J’ai lu
Trois personnages, trois lieux, trois époques.
Nat est né en 1943 et a été abandonné dans un orphelinat du Tamil-Nadu, région de Madras. A l’âge de quatre ans il est adopté par un médecin anglais qui vit dans un petit village des environs où il soigne les plus pauvres. Devenu un jeune homme, Nat part en Grande-Bretagne faire ses études et découvre les plaisirs d’une vie facile.
Saroj est née en 1952 en Guyane britannique (Amérique du sud) où elle grandit entourée d’une soeur docile, d’un frère qui se plait à faire le clown, d’une mère dévouée et aimante et d’un père très sévère. Lorsqu’elle atteint ses 13 ans son père annonce qu’il lui a trouvé son futur mari. Saroj entre alors en résistance et en révolte.
Savitri est née en 1915 à Madras. Son père est le cuisinier d’une riche famille anglaise et Savitri, depuis son enfance, aime David, le fils des maîtres. Ensemble ils grandissent libres et insouciants jusqu’au jout où le père de Savitri commence à penser mariage pour sa fille.
L’auteur nous présente chacun des personnages dans sa petite enfance puis les suit au fur et à mesure qu’ils grandissent. La narration est alternée, chaque paragraphe portant à tour de rôle sur chacun des personnages. On les voit grandir en parallèle alors qu’ils ne sont pas des parfaits contemporains. Petit à petit on découvre les liens qui unissent les trois héros.
L’histoire est agréable et facile à lire. On est tenu en haleine par les nombreux rebondissements et surprises. Cette qualité est aussi un reproche qu’on peut faire au roman car certains coups de théâtre sont vraiment énormes. Mais après tout c’est cela aussi qui accroche alors ne boudons pas notre plaisir.
Pavan K. Varma, Le défi indien, Actes sud.
Pourquoi le XXI° siècle sera le siècle de l’Inde
« Je rencontrai sur mon chemin tant de difficultés
Qu’elles furent toutes surmontées. »
Mîrzâ Ghâlib, poète urdu (1796-1869)
Dans ce livre, Pavan K. Varma s’interroge sur ce que c’est qu’être Indien (titre original : Being Indian, why the 21st century will be India’s ?) et répond en pointant les traits de civilisation qui sont des atouts pour le développement de l’Inde et qui doivent lui permettre d’être une grande puissance au 21° siècle. D’après l’auteur ces traits de civilisation sont au nombre de quatre.
1- Les Indiens admirent le pouvoir et les attributs du pouvoir. « Selon la tradition indienne celui qui est puissant n’est pas censé être réticent ou modeste dans la projection de son pouvoir« . Et c’est grâce à cela que la démocratie a pu se maintenir et durer en Inde, contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres pays nouvellement indépendants. « La démocratie a survécu en Inde non pas parce que les Indiens sont des démocrates, mais parce que la démocratie est apparue comme l’instrument le plus efficace pour la conquête complaisante du pouvoir ». Et la démocratie est un atout pour le développement.
2- Les Indiens ont à coeur de s’enrichir personnellement. La religion hindouiste valorise cette réussite (« Acquérez de la richesse. Les racines du monde sont sa richesse. Il n’y a aucune différence entre un homme pauvre et un homme mort« . Le Râmâyana) et l’encourage : « même la mort ne peut pas empêcher d’avoir une nouvelle chance. On a donc toujours raison de ne pas perdre espoir« . Ceci explique l’esprit d’entreprise des Indiens et l’auteur donne de nombreux exemples de réussites en affaires par des personnes souvent parties de peu.
3- Les Indiens réussissent bien dans les Nouvelles Technologies de l’Information. Pourquoi ? Après l’indépendance, Nehru a voulu favoriser l’instruction primaire mais les classes supérieures ont réussi à faire porter les efforts plutôt sur l’enseignement supérieur et ce dans leur propre intérêt. Le résultat en est que l’Inde a le plus grand nombre d’enfants non scolarisés dans le monde mais aussi qu’elle a formé un grand nombre d’ingénieurs en informatique qui permettent au pays d’être bien placé sur la scène internationale. Et ils parlent Anglais (grâce à la colonisation britannique). Cependant Pavan K. Varma déplore qu’il n’y ait pas en ce domaine de « créateur » indien, seulement des exécutants. Il l’explique par le fait que les Indiens sont conformistes, conformisme qui est encouragé par un sentiment d’infériorité raciale dû à la colonisation et par la rigidité sociale (castes).
4- A la fin du 20° et au début du 21° siècles un sentiment d’appartenance nationale est en train d’émerger en Inde. Le développement d’une culture de masse fait apparaître une culture populaire nationale indienne. Par le biais de la télévision et des films hindis la langue hindie (ou plutôt l’Hinglish, Hindi mâtiné d’Anglais) se répand. De plus en plus les Indiens se déplacent à l’intérieur de leur pays, soit pour des raisons professionnelles, soit pour le tourisme.
Pour terminer, l’auteur liste ce qu’il reste à accomplir à l’Inde pour transformer ces atouts. Elle doit :
– éradiquer la corruption sous toutes ses formes.
– encourager l’initiative privée.
– capitaliser le talent de son peuple pour les industries de la connaissance.
– résoudre son problème de surpeuplement.
Pavan K. Varma est fier d’être Indien et il a raison car effectivement l’Inde est un pays en plein développement. C’est ce qui m’a frappée quand j’y ai voyagé en décembre 2005.
Pavan K. Varma est un vrai libéral qui pense qu’en de nombreux domaines il ne faut pas légiférer (notamment en économie) et que tout ira pour le mieux. Chacun ses idées, les miennes me portent un peu plus à gauche et il me semble qu’un peu d’interventionnisme de temps en temps ne peut pas faire de mal. Par exemple dans le domaine de l’éducation primaire où il reconnait lui-même qu’il reste à faire. Surtout, ce que je lui reproche c’est d’utiliser à plusieurs reprises le même exemple ou le même argument pour lui faire dire une chose et son contraire sans paraître relever les contradictions. Ainsi, l’utilisation de la crème éclaircissante « Fair & Lovely » est soit la preuve d’un sentiment d’infériorité raciale, soit le signe de la libération en marche des femmes indiennes (je glisse sur le fait que se maquiller serait une libération pour les femmes!). On retrouve ce procédé à plusieurs reprises à travers le livre et cette façon de tirer les arguments par les cheveux jette la suspicion sur le reste de l’ouvrage.