Nous retrouvons notre héros Shan menant l’enquête dans les alentours d’un village perdu de l’Himalaya. Il doit retrouver l’assassin qui sévit dans le coin et qui coupe et emporte les mains de ses victimes. Pendant ce temps ses amis les moines Lokesh et Gendrun sont gardés en otages par Chodron, le chef du village, un méchant corrompu. Quand le totalitarisme sert de moyen d’action au capitalisme, les résultats ne sont pas beaux à voir.
Shan va croiser bien du monde en pérégrinant sur la montagne. Des chercheurs d’or clandestins, organisés autour d’un Parrain, retraité de la sécurité politique. Une jeune scientifique navajo et son oncle, à la recherche des origines lointaines de leur peuple. Et même un citoyen de l’ex-RDA (« Ses athlètes étaient tellement doués que le reste du monde a été obligé de la faire disparaître« ). En route sur les traces d’un chemin de pèlerinage Bon (une antique culture tibétaine) Shan se retrouve aussi confronté à des fantômes de son passé, souvenirs de séjours dans les centres de torture du régime chinois.
L’histoire avance lentement, le chemin de pèlerinage me semble trop fantastique pour être crédible mais Eliot Pattison crée une ambiance plaisante dans le cadre grandiose des montagnes du Tibet et j’aime toujours autant la lecture. La fin du roman laisse présager d’importants changements pour le prochain épisode.
Eliot Pattison, Les fantômes de Lhadrung, 10-18
Dans ce quatrième épisode de ses aventures nous retrouvons Shan, ancien inspecteur à Pékin qui, après être passé par le laogaï (le goulag chinois) et en avoir été officieusement libéré, vit maintenant dans un monastère bouddhiste secret, au Tibet. Au début de l’histoire, il s’apprête à partir pour une retraite dans une grotte quand ses projets sont contrecarrés par un incident qui survient lors d’une cérémonie dans un ancien monastère, détruit il y a 50 ans par l’armée chinoise. Un meurtre a été commis. On ne retrouve pas de cadavre mais une grande quantité de sang et le moine Liya, persuadé d’en être responsable, est profondément traumatisé.
Apparaissent alors des Chinois venus de Pékin. Ming, directeur d’un grand musée et l’inspecteur Yao. Ils sont suivis de MCDowell, une Anglaise qui oeuvre pour le bien-être des enfants tibétains, et de l’agent du FBI Corbett. Que cherche tout ce monde à Lhadrung ? Il y aurait un trésor fabuleux, caché dans un ancien monastère et qui suscite bien des convoitises. Il est question de trafic et de vol d’oeuvres d’art et aussi de corruption, d’un cadre du parti qui n’est pas seulement habité par le désintéressement communiste.
J’ai bien aimé ce roman. Les péripéties sont nombreuses, pas toujours évidentes à suivre mais l’ensemble est agréable. La simplicité des Tibétains, leur vie empreinte de religiosité, s’opposent au matérialisme brutal ou avide des autorités chinoise ou d’un collectionneur américain. Cependant la conviction des lamas pousse certains de leurs adversaires à s’interroger sur le sens de leur vie. Le cinquième volume de la série vient de paraître, je pense que je le lirai sous peu.
Eliot Pattison, L’oeil du Tibet, 10-18
Me revoilà, près d’un mois plus tard…
Septembre a été pour moi l’époque de la reprise du travail et mon rythme de lecture s’en est ressenti, d’autant plus que j’avais choisi un ouvrage qui ne se lit pas tout seul. J’ai apprécié cette aventure du Chinois Shan au Tibet mais sans doute pas autant que si j’avais été plus disponible. La lecture décousue a fait que j’avais parfois du mal à reprendre le fil du récit.
Voici maintenant de quoi il s’agit : notre héros est chargé de rapporter dans la vallée de Yapchi l’oeil de pierre d’une divinité qui avait été volé par des troupes chinoises au début du 20° siècle, durant le règne du 13° dalaï-lama (celui que rencontre Sherlock Holmes dans Le mandala de Sherlock Holmes). Dans la-dite vallée un consortium américain prospecte à la recherche de pétrole. Ils sont proches du but et le mode de vie traditionnel des paysans du coin va s’en trouver détruit. Au milieu de tout cela le pauvre Shan est un peu dépassé, porté par les circonstances (ou les dieux ?) plutôt qu’agissant.
Dans cet épisode comme dans les deux précédents Eliot Pattison montre bien avec quelle brutalité la Chine opère au Tibet. Il y a d’abord les violences officielles : les monastères détruits, les moines dont on a coupé les pouces au sécateur pour les empêcher de dire leur rosaire, les enfants enlevés à leurs parents pour être élevés dans la doctrine communiste… Il y a aussi les violences liées à l’isolement : loin de Pékin le Tibet est considéré par nombre de Chinois qui y officient comme une nouvelle frontière où qui sait jouer des coudes peut s’enrichir ou monter en grade rapidement.
Serge Michel et Michel Beuret, La Chinafrique, Grasset
Pékin à la conquête du continent noir
Serge Michel et Michel Beuret, deux journalistes, ont enquêté en Chine et en Afrique pour écrire ce livre. Le résultat est intéressant et facile à lire. Les rencontres avec les témoins sont racontées de façon vivante, les chiffres sont frappants. L’ouvrage est illustré de photographies de Paolo Woods.
Aujourd’hui la Chine se développe à toute vitesse et pour nourrir ce développement elle a besoin de toujours plus de matières premières et de sources d’énergie (jusqu’en 1986 la Chine était le deuxième exportateur d’Asie de pétrole. Depuis 2005 elle en est le deuxième importateur mondial derrière les Etats-Unis). Dans cette course aux ressources la Chine s’est tournée vers l’Afrique. En échange des matières premières du continent elle investit, notamment dans les infrastructures : routes, chemin de fer, logements, hôpitaux…; elle fournit les gouvernements en armes, comme au Soudan.
L’Afrique est aussi devenue un débouché pour les produits manufacturés bon marché de la Chine. En 2007 la Chine est devenue le deuxième plus gros partenaire commercial de l’Afrique à la place de la France. La Chine exporte aussi une partie de son surplus de population. On rencontre de plus en plus de Chinois en Afrique. Des entrepreneurs qui ont ouvert des commerces, des restaurants, qui ont repris et renfloué des usines dont plus personne ne voulait, qui exploitent le bois. Des cadres des grandes sociétés. Des ouvriers amenés par ces sociétés pour travailler dans le bâtiment. Ils laissent leur famille au pays pour plusieurs années, ils sont logés en dortoirs et travaillent six jours sur sept pour des salaires qui peuvent être dix fois supérieurs à ce qu’ils avaient chez eux.
L’installation de la Chine en Afrique est facilitée par le fait qu’elle vient uniquement pour faire des affaires (c’est du moins sa position officielle car économie et politique sont forcément liées). Aujourd’hui les Etats-Unis et l’Europe conditionnent leur aide au développement à la démocratisation, la Chine est indifférente à la question des droits de l’homme. Cependant, pour pérenniser ses installations en Afrique, elle a besoin d’un minimum de stabilité et est donc amenée de plus en plus à intervenir.
En conclusion les auteurs s’interrogent sur l’avenir de l’implantation chinoise. Sera-t-elle une occasion de développement pour l’Afrique ? Ils veulent le croire. La Chine a « redonné à L’Afrique une vraie valeur, tant aux yeux de ses habitants qu’à l’étranger. Jamais l’Occident ne s’est autant intéressé à l’Afrique que depuis que la Chine est partie à sa conquête. Américains, Européens, Japonais ou Australiens, tous ont bien capté le message. Ils ont compris que si les Chinois se déplacent et investissent à ce point sur le continent, lui prêtent, lui achètent et lui vendent, c’est qu’il doit y avoir un intérêt qu’eux-mêmes ont sous-estimé ».
On souhaite que cette prise de conscience se fasse au bénéfice des populations africaines.
Philippe Paquet, L’ABC-daire de la Chine, Picquier
Philippe Paquet connaît et aime la Chine. Il y a étudié et y a beaucoup voyagé. D’Adoption à Yang (en passant par Inde !) il nous présente l’état du pays aujourd’hui. Mon édition a été remise à jour en 2008. De nombreux sujets sont abordés : les moeurs; l’histoire; la rapide modernisation du pays, les inégalités qu’elle engendre et les risques qu’elle fait courir à l’environnement; le système politique, l’accès aux libertés et les relations avec les minorités… Le propos est amical et critique, toujours très bien documenté, souvent amusant.
J’ai trouvé cet ouvrage très intéressant. Facile à lire par son format de dictionnaire il constitue un manuel pratique à garder sous le coude et à consulter à l’occasion.
Eliot Pattison, Le tueur du lac de pierre, 10-18
Après sa première enquête (Dans la gorge du dragon) Shan a quitté son camp de travaux forcés (ce n’est pas une libération officielle) pour aller vivre dans un monastère bouddhiste secret. Dans cette deuxième aventure il est chargé par les moines tibétaines avec qui il vit d’une périlleuse mission : un lama a disparu, l’institutrice Lau a été assassinée et les enfants dont elle avait la charge, des orphelins kazakhs, sont victimes d’un tueur l’un après l’autre.
Tout cela se passe au nord du Tibet, dans le Xinjiang, à la limite du désert du Taklamakan. Là vivent des peuples nomades, Kazahs et Ouighours, que le gouvernement de Pékin veut sédentariser par la force en leur confisquant leurs troupeaux. Shan découvre les refuges de ceux qui luttent encore pour défendre leur mode de vie traditionnel : cités englouties par les sables, anciennes étapes sur la route de la soie; monastères troglodytes. Car le sujet c’est d’abord la résistance contre les exactions chinoises. Résistance armée ou résistance spirituelle des moines tibétains.
J’ai trouvé ce livre très dense. La lecture ne coule pas facilement mais Eliot Pattison installe une ambiance prenante. Ici l’enquête policière s’efface derrière la philosophie bouddhiste et la description d’une culture en voie de disparition, au milieu des superbes paysages de l’Himalaya.
Eliot Pattison, Dans la gorge du dragon, 10-18
« Le suicide était un grand péché, et sa conséquence certaine, une réincarnation sous une forme de vie inférieure. Mais choisir de revivre à quatre pattes pouvait être une solution tentante face à la seule autre possibilité : une vie sur ses deux jambes dans une brigade de travaux forcés chinoise. »
L’action de ce roman policier se déroule dans le Tibet contemporain. C’est donc une lecture d’actualité.
Enquêteur au ministère de l’économie à Pékin, Shan était chargé de lutter contre la corruption. Il a mis en cause quelqu’un de trop haut placé et s’est retrouvé prisonnier du laogai -le goulag chinois- au Tibet. Shan est un des rares Han du camp, la plupart de ses codétenus sont des moines tibétains. Shan s’est lié d’amitié avec eux et ils l’ont initié à la philosophie et aux rites bouddhistes.
A la 404° brigade de construction du peuple, les prisonniers construisent une route dans la montagne. Un jour, ils découvrent près de leur chantier un corps sans tête vêtu de vêtements occidentaux. En l’absence du procureur de la région, parti en vacances la veille, Shan est chargé par le colonel Tan, responsable du gouvernement dans le comté, de mener l’enquête et vite. La vie des autres prisonniers est aussi en danger car ils refusent de reprendre le travail tant que l’âme du mort n’a pas été apaisée par les prières adéquates.
Ce passionnant roman présente plusieurs intérêts :
– Une présentation du laogai, fort justement surnommé goulag chinois, qu’on pourrait comparer aussi avec un camp de concentration nazi. Les prisonniers sont tatoués sur le bras d’un numéro matricule. La torture et la mauvais traitements sont monnaie courante : « Les séquelles sur le visage de l’homme étaient celles que laissaient les matraques après un passage à tabac tellement féroce qu’il déchirait la peau en longues rigoles. Il arrivait parfois que les membres de la Sécurité publique collent du papier de verre sur leur matraque. »
– La découverte de l’occupation chinoise au Tibet et la résistance des populations locales. Les prisonniers sont presque tous des moines qui continuent de pratiquer le bouddhisme de façon plus ou moins clandestine. Ils se sont fabriqué des objets de culte, ils se remémorent la vie dans les monastères détruits, ils instruisent les novices.
– Une enquête policière bien ficelée. Eliot Pattison m’a baladée pendant la plus grande partie du livre et je me demandais si j’arriverais à saisir les tenants et les aboutissants. Mais à la fin, tout s’éclaire. Et pas de jugements simplistes : les Chinois ne sont pas tous des méchants et les personnages sont capables d’évoluer.
Bref, c’est une très bonne lecture pour ce premier épisode d’une série de la collection Grands détectives.
Zhu Xiao-Mei, La rivière et son secret, Robert Laffont
Zhu Xiao-Mei est née en 1950. Elle joue du piano depuis son plus jeune âge et à 11 ans elle entre au conservatoire de Pékin où elle peut se consacrer à sa passion. Mais petit à petit les séances d’autocritique et de dénonciation prennent le pas sur l’enseignement de la musique, les élèves sont emmenés en vacances à la campagne pour aider les paysans dans leur travail et Xiao-Mei s’éloigne de sa famille. Bien qu’elle soit devenue une révolutionnaire convaincue elle n’en reste pas moins suspecte aux yeux du régime car chushen buhao : de mauvaise origine (bourgeoise).
En 1969, avec la plupart de ses camarades du conservatoire, elle est envoyée en camp de rééducation. Elle va y rester cinq ans. Enfin libre il lui faut énormément travailler pour rattraper le temps perdu et reprendre une carrière brutalement interrompue. A 30 ans elle quitte la Chine pour les Etats-Unis puis émigre ensuite vers la France. Le succès vient finalement, non sans difficultés et périodes de vaches maigres. Aujourd’hui elle est professeur au conservatoire national de musique et donne des récitals en France et à l’étranger.
Ce que j’ai trouvé le plus intéressant dans La rivière et son secret (par contre, pourquoi ce titre ?) c’est le récit de l’adolescence et de la jeunesse de l’auteur sous la dictature de Mao, pendant la Révolution culturelle. Zhu Xiao-Mei montre bien comment toute une génération d’artistes et d’intellectuels a été sacrifiée. Même parmi ceux qui ont survécu la plupart de ses camarades n’ont pas connu la carrière qu’ils auraient pu. Ils ont finalement laissé de côté la musique pour assurer le matériel : « La Révolution culturelle a cassé en eux tout désir d’absolu. Par une cruelle ironie de l’Histoire, elle les a changés non en communistes mais en capitalistes ! »
Zhu Xiao-Mei elle-même reste marquée à jamais : « Les séances de dénonciation collectives que j’ai subies pendant des années font que j’ai désormais peur d’être critiquée, et que je ne peux plus avoir confiance, ni en moi, ni dans les autres. Quand l’on a connu ce régime, quand à douze ans, à un âge auquel on ne peut pas être coupable, on a été forcé de faire son autocritique, qu’est-ce qu’un ami, une relation, si ce n’est quelqu’un qui demain vous dénoncera et que vous-même, vous critiquerez ? »
La suite, concernant son retour à la musique m’a moins intéressée. Il y a de longs passages sur la façon de bien jouer tel ou tel morceau. Je ne me sens pas trop concernée. Quelqu’un qui s’intéresse à la musique classique devrait sans doute mieux apprécier.
Ma Yan et Pierre Haski, Journal de Ma Yan, Livre de poche jeunesse
Ma yan est une écolière chinoise de 13 ans. Elle est la fille aînée d’une famille de trois enfants. Ses parents sont de pauvres paysans du Ningxia, région du nord ouest de la Chine.
Pierre Haski est le correspondant de Libération en Chine. Alors qu’il traverse le village où habite la famille Ma, la mère de Ma Yan lui remet le journal de sa fille.
Dans son journal, Ma Yan raconte sa vie quotidienne à l’école. Elle est interne à 20 km de chez elle et fait les trajets à pied. Elle ne mange pas à sa faim mais veut réussir ses études pour avoir une vie meilleure que ses parents et pouvoir les honorer. La mère de Ma Yan met aussi beaucoup d’espoirs dans la réussite scolaire de sa fille.
Grâce à ce livre très intéressant on découvre les conditions de vie très dures des pauvres paysans de l’intérieur de la Chine. J’ai été frappée par l’extrême dénuement : une partie du journal de Ma Yan a disparu en fumée, utilisé comme papier à cigarettes par son père. On découvre aussi le mode de pensée d’une jeune fille chinoise : l’importance du respect du aux aînés et aux maîtres. Dans cette édition, le journal est complété de commentaires et d’explications de Pierre Haski sur la vie en Chine.
Pierre Haski et les lecteurs du Journal ont été touchés par le courage de Ma Yan. La parution du livre a permis à d’autres écoliers du village de Ma Yan d’avoir leurs études financées.