L’occasion fait le larron : j’étais en vacances pour une semaine à Mende, Lozère et justement Jacques Higelin y passait en concert cette même semaine. Nous décidons d’y aller en famille. Le concert a lieu au théâtre municipal de Mende. Ouverture des portes à 20 heures. Il pleut. Une petite queue de spectateurs s’abrite en attendant de pouvoir entrer. Nos enfants font plutôt baisser la moyenne d’âge. Par une fenêtre Jacques Higelin salue les gens mais là où nous sommes nous ne pouvons voir que sa main. cependant ça met déjà un peu de mouvement dans la file.
La salle est petite et guère remplie à notre arrivée. Nous nous installons juste sous la scène. Entrée de l’artiste vers 21 heures 15 et c’est parti pour plus de 2 heures 30 de spectacle. Il tient la forme le Jacques ! C’est dynamique et sans temps mort du début à la fin. Et nous sommes particulièrement bien placés, ce qui nous permet d’en profiter en gros plan.
Ambiance chaleureuse. La salle reprend en coeur les classiques, particulièrement « tombé du ciel ». Jacques Higelin joue du piano et de la guitare, il chante et il raconte des histoires, il plaisante à propos des prochaines élections présidentielles. Il apparaît comme une personne sympathique, proche du public et de son équipe, musiciens et régisseurs. C’est véritablement un artiste qui mérite d’être vu. Le spectacle apporte un plus que les seuls disques ne peuvent pas rendre. (Peut être que c’est vrai pour tous les chanteurs ce que je dis ? En fait je n’ai pas été souvent à des concerts). Je suis rentrée chez moi un peu moulue mais bien contente de ma soirée.
Pierre Assouline, Le dernier des Camondo, Folio
Lors d’un précédent séjour à Paris j’avais visité au musée d’histoire du judaïsme l’exposition « La splendeur des Camondo » qui m’avait permis de découvrir l’existence de cette famille et de l’ouvrage de Pierre Assouline.
Les ancêtres des Camondo sont des juifs sépharades venus d’Espagne après l’expulsion de 1492. Après avoir pas mal voyagé dans toute l’Europe semble-t-il, la famille arrive à Constantinople au 19° siècle. C’est là qu’ils se sont enrichis dans la banque. En 1869 les deux frères Abraham et Nissim décident de transférer la banque familiale à Paris et la famille migre encore.
Le dernier des Camondo c’est Moïse, le fils de Nissim et le dernier à porter le nom. Il a été un grand collectionneur d’art du 18° siècle, pas seulement des tableaux mais surtout des meubles et des objets. Pour servir d’écrin à sa collection il fait construire un hôtel avenue de Monceau. Il comptait le léguer à son fils Nissim mais celui-ci est tué à la guerre en 1917. Moïse qui a été quitté peu avant par sa femme se retrouve comme deux fois veuf. A sa mort, il lègue l’hôtel et les collections qu’il renferme à l’Etat pour en faire un musée. C’est le musée Nissim de Camondo que j’ai l’intention de visiter dès que possible. La fille de Moïse, Béatrice, et sa famille sont déportés pendant la deuxième guerre mondiale et meurent à Auschwitz en 1943 et 1944.
Je n’ai pas bien apprécié la façon d’écrire de Pierre Assouline. D’abord j’ai trouvé le style un peu ampoulé avec abus de vocabulaire trop recherché qui ne fait pas naturel. Ainsi des frères Goncourt : « Religionnaires de l’art, ils avaient le culte du beau. Ces bibeloteurs se présentaient volontiers comme des aliénés de la curiosité. Tout à leur bricabracomanie, les deux écrivains n’en avaient pas moins constitué, eux aussi, une sorte de collection au fil de leurs errances dans l’antiquaillerie. »
Ensuite, trop souvent, la description prend la forme d’énumérations, comme la liste des personnes qui ont assisté à telle réception, ce qui rend la lecture fastidieuse sans parvenir à insuffler la vie que j’attendais dans l’histoire de cette famille. C’est donc globalement un sentiment de déception pour moi. Il reste que j’ai quand même trouvé des sujets d’intérêt, notamment ce qui concerne l’antisémitisme en France à l’époque de l’affaire Dreyfus.
Vikram Seth, Quatuor, Le livre de poche
Michael, un violoniste, a aimé Julia, une pianiste. Ils étaient tous deux jeunes étudiants à Vienne. Alors qu’il traversait une période de dépression Michael a cru que Julia avait pris parti contre lui et il l’a quittée. Quand il a compris qu’il s’était trompé, il a tenté par tous les moyens de reprendre contact avec elle mais elle s’y est refusé.
Dix ans ont passé. Michael poursuit sa carrière musicale à Londres. Il n’a plus eu aucune nouvelle de Julia mais il ne l’a pas oubliée et l’aime toujours. Quand soudain il se retrouve en face d’elle.
C’est une histoire d’amour bien sur mais aussi celle d’une vie consacrée à la musique. Fils d’un boucher, Michael n’a pas suivi la voie que ses parents avaient envisagée pour lui. Ayant atteint une certaine reconnaissance dans sa profession il collabore occasionnellement à plusieurs orchestres en plus du quatuor Maggiore dont il est membre, donne des leçons pour boucler les fins de mois. Il vit de sa musique mais pas très largement et la perspective de devoir acheter un nouveau violon, instrument de prix, soulève bien des complications. J’ai découvert ce monde de la musique qui m’est totalement étranger, j’ai trouvé cela intéressant.
Je dois maintenant révéler qu’un des personnages devient sourd. On imagine aisément ce que cela représente pour un musicien mais Vikram Seth a bien montré aussi l’importance de tous les sons quotidiens dont on ne réalise pas vraiment le prix. En ce début de printemps j’aime particulièrement entendre les premiers chants des oiseaux au petit matin. Non loin de chez moi il y a une église qui sonne les heures et ce bruit est aussi pour moi un repère que j’apprécie. Pendant un certain temps elle n’a pas fonctionné et c’est là que je me suis rendue compte que cela me manquait.
Et vous, vous appréciez quoi comme bruits quotidiens ?
Iain Pears, Le secret de la Vierge à l’Enfant, 10-18
Promue à la tête du service de la protection du patrimoine historique, Flavia di Stefano se retrouve avec une affaire délicate sur les bras. Un tableau prêté par la France à l’Italie pour une exposition a été volé et une rançon est réclamée. Le gouvernement italien souhaite que l’échange se fasse dans la plus grande discrétion, que l’affaire ne soit pas éventée et que l’on puisse prétendre qu’il ne s’est rien passé. Mais quand le présumé voleur est retrouvé mort Flavia décide, pour son compte, d’en apprendre plus. Son enquête la ramène dans les années 1970 quand des terroristes d’extrême gauche ensanglantaient l’Italie. Elle découvre que de vieux comptes n’ont toujours pas été réglés avec des coupables aujourd’hui très haut placés et prêts à tout pour que rien ne change.
Dans ce septième épisode des aventures de Flavia di Stefano et Jonathan Argyll nos héros voient leur situation personnelle évoluer rapidement, d’autant plus que des hommes politiques corrompus veulent les faire taire. Iain Pears là-dessus occupe une position plutôt désabusée : on ne peut lutter contre la corruption des puissants, mieux vaut donc penser d’abord à soi et s’assurer une retraite tranquille. En même temps il fustige le monde contemporain opposé à l’âge d’or des années 1960 : « C’a été une courte période durant laquelle la richesse n’avait pas encore apporté la vulgarité, où la liberté ne s’était pas encore dégradée en nombrilisme, et durant laquelle le désir de nouveauté était empreint d’espoir au lieu d’être une quête obsessionnelle du changement ». Un peu contradictoire, non ?
Zhu Xiao-Mei, La rivière et son secret, Robert Laffont
Zhu Xiao-Mei est née en 1950. Elle joue du piano depuis son plus jeune âge et à 11 ans elle entre au conservatoire de Pékin où elle peut se consacrer à sa passion. Mais petit à petit les séances d’autocritique et de dénonciation prennent le pas sur l’enseignement de la musique, les élèves sont emmenés en vacances à la campagne pour aider les paysans dans leur travail et Xiao-Mei s’éloigne de sa famille. Bien qu’elle soit devenue une révolutionnaire convaincue elle n’en reste pas moins suspecte aux yeux du régime car chushen buhao : de mauvaise origine (bourgeoise).
En 1969, avec la plupart de ses camarades du conservatoire, elle est envoyée en camp de rééducation. Elle va y rester cinq ans. Enfin libre il lui faut énormément travailler pour rattraper le temps perdu et reprendre une carrière brutalement interrompue. A 30 ans elle quitte la Chine pour les Etats-Unis puis émigre ensuite vers la France. Le succès vient finalement, non sans difficultés et périodes de vaches maigres. Aujourd’hui elle est professeur au conservatoire national de musique et donne des récitals en France et à l’étranger.
Ce que j’ai trouvé le plus intéressant dans La rivière et son secret (par contre, pourquoi ce titre ?) c’est le récit de l’adolescence et de la jeunesse de l’auteur sous la dictature de Mao, pendant la Révolution culturelle. Zhu Xiao-Mei montre bien comment toute une génération d’artistes et d’intellectuels a été sacrifiée. Même parmi ceux qui ont survécu la plupart de ses camarades n’ont pas connu la carrière qu’ils auraient pu. Ils ont finalement laissé de côté la musique pour assurer le matériel : « La Révolution culturelle a cassé en eux tout désir d’absolu. Par une cruelle ironie de l’Histoire, elle les a changés non en communistes mais en capitalistes ! »
Zhu Xiao-Mei elle-même reste marquée à jamais : « Les séances de dénonciation collectives que j’ai subies pendant des années font que j’ai désormais peur d’être critiquée, et que je ne peux plus avoir confiance, ni en moi, ni dans les autres. Quand l’on a connu ce régime, quand à douze ans, à un âge auquel on ne peut pas être coupable, on a été forcé de faire son autocritique, qu’est-ce qu’un ami, une relation, si ce n’est quelqu’un qui demain vous dénoncera et que vous-même, vous critiquerez ? »
La suite, concernant son retour à la musique m’a moins intéressée. Il y a de longs passages sur la façon de bien jouer tel ou tel morceau. Je ne me sens pas trop concernée. Quelqu’un qui s’intéresse à la musique classique devrait sans doute mieux apprécier.
Iain Pears, l’énigme de San Giovanni, 10-18
Revoici Flavia di Stefano et Jonathan Argyll à la poursuite des voleurs d’œuvres d’art. Mais Bottando ayant été appelé à de plus hautes responsabilités c’est Flavia qui doit maintenant assumer la direction du service de police spécialisé dans ce domaine.
Une petite icône, apparemment sans valeur, a été dérobée au monastère San Giovanni de Rome. Autour du tableau évoluent un certain nombre de personnages plus ou moins impliqués dans le vol. Un restaurateur d’œuvres d’art aux méthodes controversées, un richissime collectionneur grec et son fils chef de gang, une habile voleuse à la retraite et même le supérieur du couvent désireux de renflouer ses caisses.
L’intrigue et l’enquête sont plutôt bien ficelées mais je n’ai pas trop apprécié la morale de l’auteur. Ainsi la voleuse qui a passé sa carrière à écumer les collections publiques et privées d’Italie présente son action comme une simple redistribution. Ceux qu’elle a volés pouvaient se passer de leur bien. Certes mais voler aux riches pour revendre aux riches ça n’est pas pour moi de la redistribution. J’ai été aussi choquée par la façon dont l’homme d’affaires grec règle à la fin les problèmes posés par son fils. Il me semble, contrairement à l’auteur, que c’est une étrange façon d’assumer ses responsabilités.
Iain Pears, Le mystère Giotto, 10-18
En Italie, le général Bottando, chef du service de la protection du patrimoine historique soupçonne un habile et mystérieux personnage qu’il a surnommé Giotto d’avoir réussi à voler de nombreux tableaux en toute impunité depuis trente ans. Ces soupçons sont ravivés par une lettre dont l’auteur s’accuse d’avoir eu connaissance d’un de ces vols. Bottando lance alors l’enquêtrice Flavia di Stefano sur les traces de Giotto. Il est d’autant plus important qu’elle réussisse que Bottando est menacé dans son propre service par les menées d’un arriviste qui vise sa place.
Avec son fiancé Jonathan Argyll, marchand d’art, Flavia mène l’enquête jusqu’en Angleterre pour dénicher Giotto.
Entre l’Italie et l’Angleterre Iain Pears (qui écrit en Anglais) a choisi l’Italie. La Grande-Bretagne nous est décrite comme un pays où des trains bondés et délabrés partent en retard (quand ils partent) dans l’indifférence générale et où il faut disposer d’un bon chauffage central pour supporter les rigueurs de l’été. L’autre cible des piques de Iain Pears c’est l’administration, systématiquement inefficace et paperassière. Les attaques sont faites avec humour et si on ne se formalise pas du parti-pris le tout est facile et agréable à lire. Il ne laissera pas de souvenir impérissable non plus.
Iain Pears, Le jugement dernier, 10-18
Quatrième épisode des aventures de Flavia di Stephano et Jonathan Argyll à la poursuite des trafiquants d’oeuvres d’art.
Jonathan a accepté de convoyer de Paris à Rome un tableau qu’il doit apporter à son acheteur. Mais celui-ci, Arthur Muller, semble déçu par l’oeuvre et propose à Jonathan de le revendre pour lui. Le lendemain Muller est retrouvé assassiné après avoir été torturé. A la poursuite des meurtriers Flavia et Jonathan vont découvrir que cette affaire prend ses racines à l’époque de l’occupation allemande de la France, des persécutions antisémites et de la résistance. 50 ans après certains ont encore des choses à cacher et le bras long ce que montre l’insistance de la police française à mettre des bâtons dans les roues de nos héros.
Iain Pears, L’affaire Bernini, 10-18
Ce troisième épisode des enquêtes de Jonathan Argyll et Flavia di Stephano se déroule aux Etats-Unis où Jonathan qui travaille pour le marchand d’art Edward Byrnes a accompagné un tableau vendu à un millionnaire californien. Hélas le client est assassiné et un buste en marbre attribué au Bernin disparaît. Comme il y a tout lieu de croire que le buste était sorti en fraude d’Italie, Flavia est dépêchée sur place pour participer à l’enquête.
On retrouve tous les éléments qui font la qualité de cette série : humour, rebondissements, découverte du milieu de l’art et de ses magouilles. Conservateurs de musées, marchands d’arts et collectionneurs semblent souvent prêts à fermer les yeux sur des irrégularités pour acquérir l’oeuvre convoitée.
Iain Pears, L’affaire Raphaël, 10-18
Voici le premier épisode des enquêtes de Flavia di Stephano et de Jonathan Argyll dans le monde des amateurs d’art.
Jonathan Argyll, un étudiant en histoire de l’art a découvert à partir de documents l’existence d’un repeint de Raphaël. Au 18° siècle Carlo Mantini, peintre médiocre, a peint sur un Raphaël dans le but d’exporter l’oeuvre illégalement au profit d’un acheteur anglais. Le tableau a ensuite disparu et nul ne sait s’il est arrivé en Angleterre ou resté en Italie. Avec Flavia di Stephano, enquêtrice pour une brigade chargée de retrouver des oeuvres volées, Jonathan se lance à la recherche du Raphaël. Le tableau intéresse aussi un marchand d’art et un directeur de musée. L’affaire se corse quand un employé du-dit musée est assassiné. Elle mène nos héros de rebondissement en rebondissement jusqu’au coup de théâtre final qui révèle ce qu’il est advenu de l’objet du délit.
Les péripéties sont nombreuses, les héros sympathiques et le style plein d’humour. A l’évidence Iain Pears connaît et aime l’Italie. Une bonne série.