Avril 1892. La déposition du commissaire Thomas Pitt au procès de John Adinett, membre respecté de la haute société londonienne, convainc le jury que celui-ci est coupable du meurtre de son ami Martin Fetters. Quel en était le mobile ? C’est ce qui n’a pas pu être déterminé car Adinett continue de nier malgré sa condamnation à mort.
L’affaire semble cependant terminée mais voilà que Pitt est saqué pour le rôle qu’il y a joué. Démis de ses fonctions de commissaire de Bow street il est versé dans la Special Branch, sorte de Renseignements Généraux qui sont chargés de collecter des informations sur les agissements des agitateurs irlandais ou républicains et de les contrecarrer. Pitt doit quitter son foyer et sa famille et venir s’installer dans l’east end de Londres, dans le sordide quartier de Whitechapel.
Pendant que Pitt s’adapte à cette nouvelle existence, sa femme Charlotte, sa bonne Gracie et son ancien adjoint Tellman mènent l’enquête pour comprendre pourquoi Adinett a tué Fetters. Il sera question d’un terrible complot pour renverser la monarchie et d’une société secrète prête à tout pour parvenir à ses buts. Et, puisqu’une partie de l’action se déroule à Whitechapel, il sera aussi question de Jack l’Eventreur qui y sévit quelques années plus tôt.
Comme à son habitude Anne Perry mène de main de maître cette 21° aventure du commissaire Pitt. C’est palpitant et une fois commencé le roman je n’ai pas pu le lâcher avant la fin. J’ai quand même résisté -avec difficulté- à l’envie de lire le dénouement avant d’en avoir terminé.
Anne Perry, Le voyageur de Noël, 10-18
Noël 1850. Judah Dreghorn, juge respecté dans la région des lacs en Angleterre est accusé de corruption par Ashton Gower qui sort de prison après onze ans d’incarcération. Gower prétend que Judah Dreghorn a fabriqué de faux documents et l’a envoyé en prison pour pouvoir s’approprier son domaine. Quelques jours après ces premières accusations Judah Dreghorn est retrouvé mort, victime d’un accident troublant. N’aurait-il pas été assassiné ?
La veuve de Judah, Antonia, fait venir auprès d’elle son parrain, Henry Rathbone. Dans la propriété qu’on les accuse d’avoir usurpée sont attendus aussi pour les fêtes Benjamin et Ephraïm, les frères de Judah et Naomi, veuve de Nathaniel, le quatrième frère Dreghorn. Ensemble ils vont mener l’enquête pour comprendre ce qu’il s’est passé et laver la réputation de Judah.
Ce petit roman policier se lit rapidement et est plutôt bien ficelé. Il m’a plus convaincu que le précédent paru l’an dernier à la même époque (La disparue de Noël). Comme d’habitude chez Anne Perry il est le prétexte à une réflexion sur les sentiments et les motivations humaines, ici le sens de l’honneur et l’intégrité.
Claude Izner, Le talisman de la Villette, 10-18
Ce volume est le sixième épisode des enquêtes de Victor Legris, libraire parisien de la fin du 19° siècle.
1894, en Bretagne. Corentin Jourdan, marin retiré après un accident du travail qui l’a laissé boiteux, sauve de la noyade une jeune femme dont le bateau avait fait naufrage. Il est ému par cette belle inconnue qui lui rappelle Clélia, une femme qu’il aimât jadis et qui est morte. Après son départ il découvre qu’elle a oublié son journal intime. Ce qu’il y lit le pousse à suivre à Paris celle qui s’appelle Sophie Clairsange.
A Paris, peu de temps après, on retrouve le corps d’une femme étranglée. C’est Loulou, une amie de Sophie Clairsange et de Mireille Lestocart. Connaissant le goût de Victor Legris pour les enquêtes, Mireille le charge de retrouver l’assassin de son amie. Victor sera aidé de Joseph Pignot, son commis, devenu son beau-frère depuis qu’il a épousé Iris, la demie-soeur de Victor.
Car le roman fourmille de personnages. Il y a aussi Kenji Mori, un Japonais, père d’Iris et associé de Victor. Tasha Kherson, la femme de Victor et la mère de Tasha, Djina, après qui soupire Kenji. Nous suivons tout ce petit monde dans le Paris de la fin du 19° siècle dont nous découvrons les petits métiers.
Derrière le pseudonyme de Claude Izner se cachent deux soeurs qui écrivent fort bien ma foi et nous proposent une bonne série de la collection Grands détectives chez 10-18.
Iain Pears, Le cercle de la croix, Pocket
Oxford, 1663. Le professeur Grove est retrouvé mort dans son appartement. L’enquête laisse penser qu’il a été empoisonné. Rapidement la rumeur publique accuse sa servante du crime. Elle est arrêtée, jugée et exécutée. Que s’est-il réellement passé ? Quatre témoins présentent à tour de rôle leur version des faits.
Le premier est Marco da Cola, gentilhomme vénitien qui a étudié la médecine par curiosité aux Pays-Bas et qui se trouve en Angleterre pour y régler des affaires familiales. A Oxford, Cola fréquente les scientifiques les plus en avance de leur temps: Robert Boyle, père de la chimie et Richard Lower, médecin et physiologiste. Son récit nous fait pénétrer dans une société où les idées bouillonnent. On pratique les dissections pour tâcher de comprendre le fonctionnement du corps humain, on s’interroge sur la circulation et le rôle du sang. Les hypothèses fusent, mélange d’intuitions géniales et de croyances naïves.
Le deuxième témoin est Jack Prestcott. Le père de ce jeune homme, intransigeant soutien du parti royaliste pendant la guerre civile (1642-1648) et la république de Cromwell (1649-1659) est mort en exil, accusé d’avoir trahit les siens. Jack, persuadé que son père a été calomnié, mène l’enquête pour prouver son innocence et trouver le véritable traître. Avec lui on découvre qu’une légère épuration a suivi la restauration monarchique de 1660 mais que certains qui avaient servi fidèlement Cromwell sont restés aux affaires sous Charles 2 tandis que des nobles qui s’étaient battus pour le roi ont été bien mal récompensés de leurs sacrifices. Les événements sont frais et les rancoeurs encore vivaces.
Le troisième témoin est le docteur John Wallis. Mathématicien psycho-rigide, fasciné par les chiffres, il joue aussi le rôle d’espion du gouvernement, décryptant les messages codés. Voyant des complots partout, il est persuadé que Cola est venu en Angleterre pour y accomplir de funestes desseins et cherche à percer son secret.
Arrivé aux trois-quarts du livre le lecteur ne sait plus trop que penser : on lui a présenté trois coupables potentiels et aucun n’est vraiment très convaincant. Surtout, chaque témoin analyse les événements auxquels il a assisté à l’aune de ses marottes et du coup les mêmes situations sont décrites différemment par chacun.
Enfin arrive le quatrième témoin, l’historien John Wood qui vient éclaircir tout cela et en même temps amener de nouveaux sujets de questions.
En plus de tout ce que nous apprenons sur l’Angleterre de cette époque, le talent de Iain Pears réside dans sa capacité à se mettre dans la peau de ses personnages. Chacun des quatre récits est rédigé à la première personne et sur un ton propre qui fait passer le mode de pensée et de fonctionnement de chaque personnage. Ce qui frappe c’est, malgré leurs différends et leurs différences, l’emprise de la religion sur ces esprits. Même les plus rationnels ne peuvent pas trouver d’argument plus irréfutable que : « C’est écrit dans la Bible ».
Un passionnant éclairage sur une époque et une société en train d’évoluer mais encore bien plongées dans les ténèbres.
Anne Pery, Half moon street, 10-18
Le cadavre d’un homme vêtu d’une robe verte et menotté est retrouvé dans une barque sur la Tamise. La mise en scène a été réalisée après la mort. Qui en voulait à Delbert Cathcart, un photographe talentueux au point de l’installer dans cette posture scandaleuse qui choque tous les témoins ?
En l’absence de sa femme en vacances en France, Thomas Pitt enquête avec le sergent Tellman dans le milieu du théâtre ou il croise des acteurs désireux de s’opposer à la censure qui menace leurs pièces.
La liberté d’expression doit-elle être totale s’interroge Anne Perry à travers ce roman ? Pour faire avancer les idées, peut-on tout dire et tout montrer, même la pornographie ou faut-il protéger les personnes les plus vulnérables par la censure ? Le dénouement apporte un élément de réponse brutal à ces questions.
Iain Pears, Le jugement dernier, 10-18
Quatrième épisode des aventures de Flavia di Stephano et Jonathan Argyll à la poursuite des trafiquants d’oeuvres d’art.
Jonathan a accepté de convoyer de Paris à Rome un tableau qu’il doit apporter à son acheteur. Mais celui-ci, Arthur Muller, semble déçu par l’oeuvre et propose à Jonathan de le revendre pour lui. Le lendemain Muller est retrouvé assassiné après avoir été torturé. A la poursuite des meurtriers Flavia et Jonathan vont découvrir que cette affaire prend ses racines à l’époque de l’occupation allemande de la France, des persécutions antisémites et de la résistance. 50 ans après certains ont encore des choses à cacher et le bras long ce que montre l’insistance de la police française à mettre des bâtons dans les roues de nos héros.
Iain Pears, L’affaire Bernini, 10-18
Ce troisième épisode des enquêtes de Jonathan Argyll et Flavia di Stephano se déroule aux Etats-Unis où Jonathan qui travaille pour le marchand d’art Edward Byrnes a accompagné un tableau vendu à un millionnaire californien. Hélas le client est assassiné et un buste en marbre attribué au Bernin disparaît. Comme il y a tout lieu de croire que le buste était sorti en fraude d’Italie, Flavia est dépêchée sur place pour participer à l’enquête.
On retrouve tous les éléments qui font la qualité de cette série : humour, rebondissements, découverte du milieu de l’art et de ses magouilles. Conservateurs de musées, marchands d’arts et collectionneurs semblent souvent prêts à fermer les yeux sur des irrégularités pour acquérir l’oeuvre convoitée.
Iain Pears, L’affaire Raphaël, 10-18
Voici le premier épisode des enquêtes de Flavia di Stephano et de Jonathan Argyll dans le monde des amateurs d’art.
Jonathan Argyll, un étudiant en histoire de l’art a découvert à partir de documents l’existence d’un repeint de Raphaël. Au 18° siècle Carlo Mantini, peintre médiocre, a peint sur un Raphaël dans le but d’exporter l’oeuvre illégalement au profit d’un acheteur anglais. Le tableau a ensuite disparu et nul ne sait s’il est arrivé en Angleterre ou resté en Italie. Avec Flavia di Stephano, enquêtrice pour une brigade chargée de retrouver des oeuvres volées, Jonathan se lance à la recherche du Raphaël. Le tableau intéresse aussi un marchand d’art et un directeur de musée. L’affaire se corse quand un employé du-dit musée est assassiné. Elle mène nos héros de rebondissement en rebondissement jusqu’au coup de théâtre final qui révèle ce qu’il est advenu de l’objet du délit.
Les péripéties sont nombreuses, les héros sympathiques et le style plein d’humour. A l’évidence Iain Pears connaît et aime l’Italie. Une bonne série.
Iain Pears, Le comité Tiziano, 10-18
Ce livre est le deuxième épisode d’une série policière qui se déroule en Italie dans un cercle d’historiens et d’experts en art.
Le comité Tiziano, composé d’historiens de l’art de plusieurs pays se réunit une fois par an à Venise. Sa mission est d’expertiser toutes les oeuvres du Titien depuis le simple croquis jusqu’aux tableaux et aux fresques. Mais voici que l’on retrouve l’un de ses membres, le professeur Louise Masterson, assassinée dans un parterre de lys des Giardinetti Reali. L’enquêtrice Flavia di Stephano est missionnée sur cette affaire qui ne correspond pas précisément à ses attributions puisqu’elle fait partie d’une brigade spécialisée dans la recherche des oeuvres volées. Cependant son service est menacé par des restrictions budgétaires et il s’agit de montrer combien il est nécessaire.
A Venise, Flavia mène l’enquête aidée de son ami Jonathan Argyll, négociant en art. Les choses se compliquent quand d’autres membres du comité sont assassinés et que des tableaux que Jonathan essayait d’acheter sont volés.
Voilà un bon livre de la collection « Grands détectives » chez 10-18. Il me donne envie de lire les autres de la série (il y en a cinq déjà parus). On découvre le petit monde des spécialistes de l’art, les querelles de chapelles. C’est plein d’humour, un régal à lire.
Anne Perry, Meurtres souterrains, 10-18
La 15° aventure de William Monk.
William Monk a repris du service dans la police, il dirige une brigade fluviale. Un soir, alors qu’il patrouille sur la Tamise avec ses hommes, ils assistent à un drame qui se trame sur un pont sous lequel ils s’apprètent à passer. Un jeune couple bascule par dessus la rambarde, elle (Mary Havilland) d’abord, lui (Toby Argyll) à sa suite et tombe à l’eau, se noyant immédiatement. Que s’est-il passé ? A-t-elle voulu se suicider et lui la retenir ? Ou a-t-il cherché à la pousser et l’a-t-elle entraîné dans sa chute ? La famille des victimes opte pour la première explication : le père de la jeune fille s’était suicidé quelques temps auparavant et elle n’aurait pas supporté cette perte cruelle.
Cependant Monk va découvrir que les choses sont plus compliquées qu’il n’y paraît. Et si on avait voulu faire taire le père puis la fille ? C’est l’époque où des entreprises se livrent une concurrence acharnée pour creuser un réseau moderne d’égouts à Londres et M. Havilland, ingénieur de la compagnie dirigée par le frère de Toby Argyll craignait une catastrophe qui coûterait la vie à de nombreux ouvriers.
Pour mener l’enquête Monk s’associe avec son second, Orme et avec le commissaire Runcorn, son ancien chef et ennemi. Ils descendent dans le Londres souterrain, formé d’antiques canalisations, rivières, catacombes et peuplé de toute une faune de boueux, chiffe-tire, voleurs et miséreux.
On fait connaissance avec ce monde pittoresque mais j’ai trouvé l’intrigue policière peu convaincante. Je n’ai guère adhéré à la machination dont on découvre en fin d’histoire une partie des motivations tandis que les autres restent un mystère pour les personnages et le lecteur.
C’est toujours très lisible mais à mon avis Anne Perry fait ici un peu du sur place. Ses ouvrages précédents ont montré qu’elle est très capable de relancer un intérêt faiblissant donc j’attends encore la suite avec impatience.