Cette BD en dix tomes présente, en suivant une famille de pieds-noirs sur plusieurs générations, l’histoire de la présence française en Algérie de 1830 à 1962.
1. Djemilah : 1836, le peintre Joseph Constant débarque à Alger chez son ami et collègue Mario Puzzo déjà installé en Algérie depuis quelques temps. Par amour pour Djemilah, une femme aperçue dans un harem, il apprend l’arabe. Il est d’abord engagé comme interprète dans l’armée française où il découvre les conditions de vie très dures des soldats, les violences de la conquête. Puis il occupe la même fonction auprès de l’émir Abd-el-Kader. De ce séjour qui bouleverse sa vie il ramène des carnets de croquis.
2. L’année de feu : 1871, Victor Barthélémy est un engagé volontaire passé à la Commune. Il a rencontré Amélie. Elle a servi de modèle à Joseph Constant pour représenter Djemilah dans une grande vue de harem. Depuis elle rêve de partir en Algérie. Ils vont s’y installer tous les deux comme colons. Les grands idéaux de Victor ne durent pas longtemps face aux dures réalités de la conquête et de la vie en Algérie.
3. Les fils du sud : 1904, Paul et Casimir sont deux frères dont le père, ami des Algériens, est chef de gare à Beni Ounif, à la frontière marocaine. Leur mère est la fille de Victor et Amélie. Ils vivent une enfance insouciante aux portes du désert. Paul est un gentil garçon, ami de tous sans distinction d’origine, un peu naïf. Casimir est un brutal qui aime se battre et brimer les plus faibles que lui.
4. Le centenaire : 1930, Paul, journaliste à Paris, revient à Alger à l’occasion du centenaire de l’Algérie. Il y retrouve son frère Casimir qui exploite dans la Mitidja une grosse ferme héritée des parents de sa femme, Noémie. D’une brève liaison de Noémie avec Paul pendant la guerre est né Octave. Pendant son séjour Paul découvre le revers de la médaille, les comportements mesquins et racistes au quotidien, les Arabes et les Juifs humiliés. Il fait la connaissance d’Estelle dont il tombe amoureux.
5. Le cimetière des princesses : 1954, Marianne, la fille de Paul et d’Estelle, est étudiante aux beaux-arts. Chez un brocanteur d’Alger elle achète les carnets de Joseph Constant. Elle part alors sur ses traces, dans le sud de l’Algérie.
6. La guerre fantôme : 1954, Octave, militaire de carrière, se retrouve affecté en Algérie après la défaite d’Indochine. Dans les campagnes les populations locales sont prises entre deux feux, menacées par le FLN si elles semblent fidèles à la France; par l’armée française si elles ont l’air de soutenir les rebelles. Les deux camps commettent de grandes violences. Octave tombe amoureux de Samia, une Algérienne, étudiante en médecine.
7. Rue de la bombe : 1956, à Alger c’est l’escalade de la violence, les attentats sont nombreux. Samia se fait mal voir des siens car elle refuse de porter des bombes. Elle ne veut pas gagner la liberté sur des cadavres. Octave, pour avoir dénoncé la torture, ne s’est pas fait que des amis dans l’armée française.
8. La fille du Djebel Amour : 1957, Octave et Samia se sont installés dans la région du Djebel Amour. Octave est membre des SAS : Sections Administratives Spécialisées qui alphabétisent, soignent, construisent des routes… bref, tout ce que la France aurait du faire depuis longtemps en Algérie. Samia exerce comme médecin.
9. Dernière demeure : 1958, par la propagande, par l’intoxication, l’armée française essaie de détruire le FLN de l’intérieur. Un jeune appelé, qu’il a fallu emmener de force en Algérie, est affecté à la garde de la ferme de Noémie et Casimir. Samia est déchirée entre son amour pour Octave et son peuple.
10. Terre fatale : 1960, à Alger l’OAS organise des attentats contre tous ceux qui sont soupçonnés d’avoir des sympathies pour le mouvement indépendantiste. Dans ses rangs on trouve des officiers qui n’ont pas digéré la défaite d’Indochine, des pieds-noirs. Octave se range sans conviction du côté du coup d’état militaire de 1961.
Voici une BD de grande qualité, très bien dessinée et très bien documentée. J’ai apprécié la peinture des beaux paysages de l’Algérie. Des pages des carnets de Joseph Constant sont montrées comme des extraits d’un « vrai » carnet d’artiste. Il y a aussi des reproductions de documents d’époque : cartes postales, unes de journaux. L’histoire de l’Algérie française oppose bien souvent les idéalistes qui croient que la colonisation peut être synonyme de justice, de progrès et d’amitié entre les peuples à tous les intérêts individuels, aux mesquineries de la prétendue supériorité européenne. En pointant toutes les occasions ratées, tout ce qui aurait dû être, Jacques Ferrandez dresse, tout en nuances, un réquisitoire contre la colonisation.