
Sergueï Shikalov est né en 1986 en Russie. Il est homosexuel. Il a fait des études de linguistique et de traductologie à Moscou avant de s’installer en France en 2016. Il écrit Espèces dangereuses en français. Dans ce roman en partie autobiographique l’auteur se souvient de la période de 2003 à 2012, quand un vent de liberté a soufflé sur la Russie et que les personnes homosexuelles ont cru qu’elles pourraient enfin vivre sans se cacher.
L’ouvrage se présente sous la forme de courts paragraphes qui sont comme des tranches de vie de jeunes homosexuels russes. Je sens l’enthousiasme d’une génération, la volonté de penser que les choses vont continuer à progresser même si cela ne va pas assez vite et le refus de croire que les manifestations d’homophobie puissent être autres que résiduelles. Il y a des passages émouvants.
La narration emploie beaucoup le pronom « on » dont l’auteur nous dit qu’il n’a pas d’équivalent en russe. Il explique au début du livre qu’il s’agit pour lui de se mettre à l’abri en évitant le « je » et d’« esquiver le « nous », pour ne pas prétendre parler au nom d’une communauté ».
Ce portrait d’une Russie disparue est une lecture que j’ai appréciée.
En 2013 la Russie a interdit la « propagande LGBT » auprès des mineurs. En 2022 cette interdiction concerne tout le monde. Il est interdit de faire « la promotion de l’homosexualité » ou du « changement de sexe ». Selon Amnesty International, en 2024-2025 les persécutions visant la communauté LGBT se sont multipliées en Russie. Des personnes sont accusées d’avoir mené des activités en lien avec « l’extrémisme » ou arrêtées au titre de la loi sur la « propagande LGBT ».

Je participe au défi Juin, mois des fiertés
Tu as déniché un roman très intéressant et qui semble émouvant
Oui, tout à fait.
C’est terrible de voir (et encore plus de subir bien sûr) toutes ces régressions après avoir connu ce vent de liberté…et ça ne touche pas que la Russie d’ailleurs.
Les Russes subissent ça depuis plus longtemps mais il y a une vraie régression par les temps qui courent. On constate hélas que des droits qu’on pouvait croire acquis ne le sont pas.
C’est toujours angoissant de voir une disparition de droits, dans n’importe quel pays que ce soit… Ce roman doit être vraiment amer.
Je n’ai pas ressenti d’amertume. De la nostalgie, plutôt. Mais oui, c’est l’angoisse.