« Le suicide était un grand péché, et sa conséquence certaine, une réincarnation sous une forme de vie inférieure. Mais choisir de revivre à quatre pattes pouvait être une solution tentante face à la seule autre possibilité : une vie sur ses deux jambes dans une brigade de travaux forcés chinoise. »
L’action de ce roman policier se déroule dans le Tibet contemporain. C’est donc une lecture d’actualité.
Enquêteur au ministère de l’économie à Pékin, Shan était chargé de lutter contre la corruption. Il a mis en cause quelqu’un de trop haut placé et s’est retrouvé prisonnier du laogai -le goulag chinois- au Tibet. Shan est un des rares Han du camp, la plupart de ses codétenus sont des moines tibétains. Shan s’est lié d’amitié avec eux et ils l’ont initié à la philosophie et aux rites bouddhistes.
A la 404° brigade de construction du peuple, les prisonniers construisent une route dans la montagne. Un jour, ils découvrent près de leur chantier un corps sans tête vêtu de vêtements occidentaux. En l’absence du procureur de la région, parti en vacances la veille, Shan est chargé par le colonel Tan, responsable du gouvernement dans le comté, de mener l’enquête et vite. La vie des autres prisonniers est aussi en danger car ils refusent de reprendre le travail tant que l’âme du mort n’a pas été apaisée par les prières adéquates.
Ce passionnant roman présente plusieurs intérêts :
– Une présentation du laogai, fort justement surnommé goulag chinois, qu’on pourrait comparer aussi avec un camp de concentration nazi. Les prisonniers sont tatoués sur le bras d’un numéro matricule. La torture et la mauvais traitements sont monnaie courante : « Les séquelles sur le visage de l’homme étaient celles que laissaient les matraques après un passage à tabac tellement féroce qu’il déchirait la peau en longues rigoles. Il arrivait parfois que les membres de la Sécurité publique collent du papier de verre sur leur matraque. »
– La découverte de l’occupation chinoise au Tibet et la résistance des populations locales. Les prisonniers sont presque tous des moines qui continuent de pratiquer le bouddhisme de façon plus ou moins clandestine. Ils se sont fabriqué des objets de culte, ils se remémorent la vie dans les monastères détruits, ils instruisent les novices.
– Une enquête policière bien ficelée. Eliot Pattison m’a baladée pendant la plus grande partie du livre et je me demandais si j’arriverais à saisir les tenants et les aboutissants. Mais à la fin, tout s’éclaire. Et pas de jugements simplistes : les Chinois ne sont pas tous des méchants et les personnages sont capables d’évoluer.
Bref, c’est une très bonne lecture pour ce premier épisode d’une série de la collection Grands détectives.