L’histoire vraie d’une passion tragique dans l’Inde du 18° siècle
Ce gros livre bien documenté vaut beaucoup mieux que ne peut le laisser penser son sous-titre un peu racoleur.
L’histoire des amours de Khair-un-Nissa et de James Kirkpatrick sert de trame à une histoire des relations anglo-indiennes à la fin du 18° siècle.
Jeune fille de l’aristocratie moghole (Indienne musulmane) Khair-un-Nissa a 14 ans quand elle aperçoit pour la première fois James Kirkpatrick. Il en a 34 et est employé de la Compagnie des Indes Orientales qui exploite le sous-continent indien. Bien que déjà fiancée à un autre, Khair jette son dévolu sur James. Avec la complicité de sa mère et de sa grand-mère elle l’attire dans son lit puis les trois femmes intriguent pour rendre leur mariage possible. Déjà amateur de l’Inde et des Indiennes, Kirkpatrick se laisse séduire. Il se convertit à l’islam pour épouser Khair, adopte dans son ménage le mode de vie local.
William Dalrymple nous apprend qu’à l’époque la situation de Khair-un-Nissa et de James Kirkpatrick est loin d’être isolée. Parmi les premiers Européens installés en Inde aux 17° et 18° siècles plusieurs ont pris femme sur place et ont créé une nouvelle culture mélant leurs traditions d’origine et celles de leur pays d’accueil. La Compagnie des Indes Orientales recrutait ses employés avant l’âge de 16 ans. Ceux-ci arrivaient donc bien jeunes et encore malléables en Inde.
L’enquête de William Dalrymple se ramifie dans toutes les directions. Il a exploré archives familiales et publiques, en Grande-Bretagne, en France et en Inde pour nous présenter chacun de ses personnages ainsi que le contexte historique. Il cite fréquemment des passages de ses sources, particulièrement des lettres, ce qui rend le récit plus vivant. On n’est pas dans de l’histoire romancée comme chez Javier Moro (Une passion indienne) et j’aime bien mieux.
Mais Khair-un-Nissa et James Kirkpatrick font partie des derniers contemporains d’une époque où orient et occident n’ont pas trouvé impossible de s’unir. L’entrée dans le 19° siècle marque le début d’une période où l’homme blanc s’est cru supérieur et investi d’une mission civilisatrice. Sous l’impulsion de ses chefs, la Compagnie des Indes Orientales interdit petit à petit les unions entre ses employés et les autochtones, elle refuse d’embaucher les enfants de sang-mêlé. Chacun se replie de son côté et les différences religieuses sont montées en épingle.
Quant à l’histoire de Khair-un-Nissa et de James, elle se termine de façon bien triste.