Caterina est médecin, formée à Montpellier, une des rares universités qui, en ce milieu du 13° siècle, accepte des femmes comme étudiantes. Elle exerce à Paris. Lorsqu’elle est dénoncée pour avoir participé à la dissection d’un cadavre, interdite à cette époque, elle doit fuir. Elle se réfugie à Milan où elle participe à la création d’un dispensaire pour les pauvres.
Qu’est-ce qu’on découvre dans ce roman ? Les conditions d’exercice de la médecine au 13° siècle et les méthodes utilisées mais rien de très nouveau par rapport à ce que je savais déjà. Il y a par contre un personnage intéressant de tailleur entreprenant, toujours à la recherche de nouveaux tissus, de nouvelles coupes, de nouveaux clients.
J’ai trouvé que l’histoire démarrait lentement avec un style pas très bon. Au début j’ai même pensé abandonner avant la fin. Finalement j’ai été accrochée mais il m’a fallu pour cela arriver à la moitié du livre, quand Caterina quitte Paris. Et j’ai plutôt apprécié.
Betty est une jeune femme avide, compagne d’un riche armateur islandais. Elle met au point une machination machiavélique pour se débarrasser de lui et hériter de sa fortune. En partant d’une formule somme toute classique -le mari, la femme, l’amant- d’une narration pas super originale non plus -le narrateur est à la fois complice et victime de Betty, encore sous son emprise alors même qu’il est évident qu’elle l’a trompé- Arnaldur Indridason arrive quand même à me surprendre avec un coup de théâtre à mi course auquel je ne m’attendais pas du tout. Je savais qu’il allait y avoir quelque chose (c’est annoncé en quatrième de couverture), j’avais essayé d’imaginer ce que ça pouvait être mais je n’avais pas pensé à ça. C’est fort.
Xinran a été journaliste dans une radio chinoise dans les années 1980-90. Elle y a animé une émission « Mots sur la brise nocturne », destinée aux femmes. De cette expérience elle avait tiré le livre Chinoises que j’avais lu il y a déjà longtemps et qui m’avait marqué. J’avais été choquée par les très dures conditions de vie des Chinoises des campagnes. C’est justement à l’occasion de déplacements en province et en interviewant des femmes que Xinran a découvert le phénomène des bébés filles assassinées à la naissance ou abandonnées. L’ouvrage présent s’adresse aux petites Chinoises adoptées en occident et essaie de répondre à la question qu’elles se posent : « Pourquoi ma maman chinoise m’a-t-elle abandonnée ? »
Des croyances religieuses (le premier né doit être un garçon pour porter bonheur à la famille) et le système de répartition des terres à la campagne, favorisant les garçons (je suis surprise de constater que le communisme n’a pas changé ce système), ont fait de l’assassinat des nouvelles-nées filles une tradition. A cela s’est ajoutée la politique de l’enfant unique.
Xinran donne à lire des histoires poignantes. Derrière l’abandon des petites filles je découvre aussi les conditions de vie à la campagne, très dures pour tout le monde, encore plus pour les femmes. « La plupart des femmes ne souhaitaient que deux choses -ne pas enfanter de fille dans cette vie-ci et ne pas renaître femme dans la prochaine. » J’apprends aussi que la Chine est un des rares pays du monde où les femmes se suicident plus que les hommes.
Xinran a quitté son pays en 1997 pour émigrer en occident. Les témoignages qu’elle rapporte sont donc déjà un peu anciens. Ce qui me manque c’est de savoir comment a évolué la situation au début du 21° siècle. Je comprends qu’avec l’enrichissement de l’est du pays les abandons y sont devenus moins nombreux. Je sais aussi que la Chine est toujours un pays où la proportion d’hommes est anormalement élevée par rapport à celle des femmes. Un ouvrage très intéressant.
Amoureuse de Léo Zjukovskij, Dina attends avec impatience ses retours à Reinsnes. Mais Léo veut garder son indépendance et ses secrets. Il va et vient à sa guise ce qui convient de moins en moins à Dina qui n’a guère l’habitude qu’on lui résiste. Ce dernier tome nous achemine petit à petit vers une fin qui m’a d’abord choquée mais qui, à la réflexion, me paraît tout à fait cohérente avec ce que je sais de Dina.
Il se passe plein de choses passionnantes dans ce volume. L’évolution des personnages mais aussi un aperçu sur l’histoire de la Norvège dont j’apprends qu’elle eut à souffrir de la guerre de Crimée car le commerce du Nordland avec la Russie par la mer Blanche fut interrompu ce qui rendit difficile l’approvisionnement en blé de la région.
Enfin, avant de terminer, il faut que je parle de l’écriture que je n’ai pas encore évoquée. J’ai été un peu surprise par le style au départ. Il est composé de phrases courtes, voire très courtes, parfois sans verbe. Ca donne parfois l’impression que ça saute du coq à l’âne. Mais tout cela est parfaitement maîtrisé et fait bien ressentir les sentiments tout en apportant un aspect poétique au texte. J’apprécie beaucoup :
« L’équipage était de bonne humeur. Il faisait un beau temps de retrouvailles. Chacun était perdu dans ses pensées. La mer frisottait et le ciel était parsemé de tâches de crème épaisse. La crème enrobait les montagnes sans pour cela empêcher un seul rayon de soleil de passer. Le long des criques et des pointes il y avait la forêt. D’un vert brillant après la pluie. Strandstedet, autour du lac Larsnesset, s’étirait paresseusement, et l’église était un géant blanc et familier dans tout ce vert et ce bleu. »
Chaque chapitre est précédé d’un passage de l’ancien testament qui l’annonce. Dans ce volume, souvent le Cantique des Cantiques (« Mon bien-aimé est à moi ») ou le livre de Job.
Après la mort de Jacob, son mari, Dina traverse une période mutique qui se termine à la naissance de son fils. Elle se décide alors à prendre en main la gestion du comptoir de Reinsnes et impose ses choix à son entourage : elle embauche une Lapone, Stine pour être la nourrice de son fils; elle s’affronte à Niels, le fils de Jacob, pour la maîtrise de la comptabilité. Elle est régulièrement visitée par les fantômes de ceux qui ont compté dans sa vie : Hjertrud, sa mère, Lorch, son professeur de violoncelle, Jacob. Elle fait la connaissance de Léo Zjukovskij, un voyageur russe qui séjourne au comptoir.
Je retrouve avec plaisir le personnage de Dina, menant sa vie comme elle l’entend, sans se soucier de ce qu’en pensent les autres, se comportant plus souvent en homme que comme on l’attend d’une femme. (Après le dîner, elle s’installe au fumoir avec ces messieurs, boit un coup et fume le cigare). J’aime aussi ce que je découvre de cette bourgeoisie qui dans son coin reculé du grand Nord joue du violoncelle, organise de somptueux festins pour Noël et reçoit à bras ouverts les visiteurs cultivés capables de parler littérature.
Les limons ce sont les bras d’une charrette qui permettent de l’attacher au cheval.
L’histoire se déroule dans la première moitié du 19° siècle, dans le nord de la Norvège, le Nordland. A l’âge de cinq ans, Dina a été responsable d’un accident qui a coûté la vie à sa mère. Traumatisée, délaissée par son entourage, elle grandit en enfant sauvage qui n’a que faire des conventions sociales. Son mariage à l’âge de 16 ans est organisé et vécu comme une libération par son père et sa belle-mère.
« Son corps était celui d’un animal bien développé. Mais la veille de son mariage elle grimpa dans le grand bouleau et y resta longtemps. Et elle avait des écorchures sur les deux genoux parce qu’elle était tombée en courant sur les rochers pour dénicher des oeufs de mouette. »
Je retrouve avec plaisir le même cadre que dans Cent ans sauf qu’ici le roman se déroule un peu plus tôt. Après son mariage avec Jacob, Dina s’installe à Reinsnes, un comptoir sur la côte. C’est un endroit où les bateaux peuvent faire escale, qui sert d’auberge et où on vend diverses denrées. C’est peu de dire que cette sauvageonne va perturber la vie bien réglée des habitants du comptoir, à commencer par celle de Jacob qui a plutôt l’âge d’être son père et qui n’avait pas envisagé que son mariage serait aussi fatiguant.
Jackson, Mississippi, au début des années 1960. Les dames blanches de la bonne société ne travaillent pas et emploient des bonnes noires à leur service pour tenir le ménage et s’occuper des enfants. Elles passent leurs journées à jouer au bridge avec leurs amies ou à leurs bonnes oeuvres (collectes pour les enfants africains qui souffrent de la famine). A 23 ans Skeeter Phelan est un peu différente des autres. D’abord elle n’est pas encore mariée mais surtout elle va s’intéresser aux conditions d’existence et de travail des bonnes noires. Comment ressentent-elles le racisme dont font souvent preuve leurs patrons ? Quels sont leurs sentiments pour ces enfants qu’elles élèvent, ces familles qu’elles servent pendant des années sans être toujours remerciées comme elle le méritent ? Où est passée Constantine, la bonne qui a élevé Skeeter avec amour et qui avait disparu de la maison à son retour de l’université ?
Que voilà un livre intéressant et plaisant. Intéressant parce qu’il décrit les relations entre Noirs et Blancs dans le Sud conservateur des Etats-Unis, en plein mouvement des droits civiques. On sent bien que les choses sont en train de changer -et, nom de dieu, il est temps qu’elles changent !- même si c’est plus lentement dans le Mississippi. Le propos de Kathryn Stockett est aussi de montrer l’ambivalence des sentiments dans une situation à la fois de ségrégation et de sujétion. Dans une postface où elle explique ses motivations elle reprend des propos de Howell Raines : « Il n’est pas de sujet plus risqué pour un écrivain du Sud que l’affection qui unit une personne noire et une blanche dans le monde inégalitaire de la ségrégation. Car la malhonnêteté sur laquelle est fondée une société rend toute émotion suspecte, rend impossible de savoir si ce qui s’est échangé entre deux personnes était un sentiment loyal, de la pitié ou du pragmatisme ».
Le roman fait alterner les voix de trois narratrices : Skeeter Phelan mais aussi Minny Jackson et Aibileen, deux bonnes, ce qui permet d’aborder le sujet du point de vue d’une Blanche et de Noires. C’est très plaisant à lire car souvent raconté de façon amusante.
Sara Susanne Krog, arrière-grand-mère de Herbjørg Wassmo est née en 1842. Herbjørg Wassmo elle-même est née en 1942. Une ressemblance physique transmise de mère en fille est le prétexte à nous raconter l’histoire romancée des femmes de cette famille sur quatre générations. L’arrière-grand-mère, Sara Susanne, la grand-mère, Elida, la mère, Hjørdis et Herbjørg elle-même. Une famille de commerçants qui vit au nord de la Norvège, dans les îles Lofoten. Un pays rude où il neige parfois jusqu’en juillet, où l’on se déplace à ski ou en barque que les enfants, filles et garçons, apprennent à manier dès leur plus jeune âge.
Ce sont surtout les histoires de Sara Susanne et d’Elida qui sont développées. La mère et la fille ont en commun de ne pas vouloir se contenter de ce qui fait leur quotidien : les discussions sur la récolte des pommes de terre et la pêche au hareng, les naissances qui se succèdent sans répit (familles de 9 à 12 enfants). Leurs aspirations ne sont pas toujours bien comprises par leur entourage mais elles vont de l’avant malgré tout. Sara Susanne découvre et fait découvrir à sa famille le pouvoir de la lecture, Elida accompagne son mari malade à Kristiana, la capitale. Dans le sud c’est presque un autre monde, les gens du nord sont mal accueillis. Ainsi on peut lire dans l’annonce d’une maison à louer (en 1924) : « On n’accepte cependant ni Juifs ni ressortissants du Nord ». Mais je remarque que dans le nord ce sont les Lapons qui sont souvent considérés comme des sous-hommes.
Ce qui est dit des vies de Hjørdis et Herbjørg est beaucoup moins développé. Le personnage central en est le père de l’auteur, celui que la petite Herbjørg refuse de nommer, qui est « il » ou « lui ». Rien n’est dit précisément, ce sont plutôt des allusions mais je comprends bien que quelque chose de terrible essaie de sortir là.
Cette lecture est pour moi une belle découverte. J’ai été dès le début happée par le récit et à la fin je quitte à regret ses personnages attachants. Je ne connaissais pas du tout Herbjørg Wassmo mais je pense que je n’en ai pas fini avec cette auteure.
Dans ce roman Julie Otsuka, Américaine d’origine japonaise, fait entendre la voix de femmes japonaises qui migrent aux Etats-Unis au début du 20° siècle. Filles de familles pauvres pour la plupart, qui représentent une bouche de trop à nourrir, vieilles filles que l’on désespérait de marier, filles qui ont fauté, elles sont envoyées vers un homme qu’elles ne connaissent pas et qui va devenir leur mari. Eux ce sont des compatriotes, travailleurs agricoles ou blanchisseurs en Californie. C’est l’histoire de ces femmes qui est racontée ici, depuis le moment où elles quittent leur pays jusqu’à la seconde guerre mondiale quand la population américaine d’origine japonaise a été internée car suspectée de trahison. Un sujet que Julie Otsuka avait déjà abordé dans Quand l’empereur était un dieu.
L’auteure utilise ici une narration originale puisque les femmes sont rarement distinguées les unes des autres mais parlent d’une voix commune : « Sur le bateau nous étions presque toutes vierges. Nous avions de longs cheveux noirs, de larges pieds plats et nous n’étions pas très grandes. Certaines d’entre nous n’avaient mangé toute leur vie durant que du gruau de riz et leurs jambes étaient arquées, certaines n’avaient que quatorze ans et c’étaient encore des petites filles. Certaines venaient de la ville et portaient d’élégants vêtements, mais la plupart d’entre nous venaient de la campagne, et nous portions pour le voyage le même vieux kimono que nous avions toujours porté -hérité de nos soeurs, passé, rapiécé, et bien des fois reteint. Certaines descendaient des montagnes et n’avaient jamais vu la mer… »
Au début j’ai bien aimé cette façon d’écrire, vers la fin j’ai trouvé parfois ça un peu lassant et répétitif mais c’est un livre qui ne fait que 140 pages donc c’est facile à lire et globalement plutôt plaisant et intéressant.
Sera est Parsie, elle est veuve et elle appartient à la bourgeoisie de Bombay. Depuis plus de vingt ans Sera emploie à son service Bhima. Bhima habite dans un bidonville et elle élève sa petite-fille, Maya, depuis la mort des parents de celle-ci. Sera est une bonne patronne. Elle fait des cadeaux à Bhima et Maya, une barre de chocolat, un sari, paie les soins si elles sont malades et, maintenant que Maya a grandit, finance ses études à l’université. Ces études sont la fierté et le rêve de Bhima. Elle imagine que Maya échappera ainsi au sort qui est le sien mais tout est bouleversé quand Maya se retrouve enceinte. En cherchant le responsable, Bhima va constater une fois de plus à quel point le sort des pauvres et illettrés est précaire.
Les événements qu’elles vivent amènent les deux femmes à se souvenir de leur passé et des souffrances qu’elles ont traversées. Sera non plus n’a pas été épargnée avec une belle-mère tyrannique et un mari violent. Après vingt ans de fréquentation quotidienne, qu’est-ce qui les uni ? Que pèse leur relation face à la classe, la caste, à la famille ?
Voilà un roman que j’ai lu facilement et que j’ai plutôt apprécié. Je trouve intéressant le personnage de Bhima, une femme forte malgré l’adversité. Cependant il m’a semblé que l’auteure avait tiré un peu trop sur la corde pathétique, même si l’histoire se termine sur une note positive avec l’idée que tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.