En 2003 la mère d’Anne Berest, Lélia, a reçu une carte postale anonyme sur laquelle étaient inscrits quatre prénoms : « Ephraïm, Emma, Noémie, Jacques ». Il s’agit des grands-parents maternels de Lélia et de sa tante et son oncle, tous quatre assassinés à Auschwitz. Dix ans plus tard, enceinte de sa fille, Anne Berest interroge sa mère sur l’histoire de sa famille.Nous découvrons ainsi le destin des Rabinovitch, Juifs de Russie qui quittent Moscou pour Riga à cause de la révolution, puis Riga pour la Palestine à cause de l’antisémitisme, avant de s’installer en France. Cette première partie annonce ce que sera le reste du livre : un mélange de documentation historique et de roman puisque sont reconstituées les paroles, les sensations et les pensées intimes des personnages que l’autrice suit quasiment jusque dans la chambre à gaz. J’ai lu sur Babélio que ce procédé avait incommodé certains lecteurs. Ce n’est pas mon cas mais je trouve parfois qu’elle en fait trop.
La seule survivante de la famille est Myriam, mère de Lélia, soeur aînée de Noémie et Jacques, sauvée de la déportation par son mariage avec Vicente Picabia, le fils du peintre.
En 2019 Anne Berest décide d’enquêter sur la carte postale anonyme et d’en retrouver l’auteur. C’est un moment où elle se pose des questions sur sa judéité. Qu’est-ce que cela veut dire être Juif aujourd’hui en France quand on a grandi dans une famille non croyante et non pratiquante ? Qu’est-ce qui se transmet de cet héritage malgré les silences et les non-dit ? Qu’est-ce que cela signifie être une descendante de survivante ? Je trouve cette réflexion intéressante même si il m’arrive de ne pas la suivre dans ses analyses, notamment quand elle explore l’influence qu’ont eu sur elle et sa soeur les prénoms cachés qu’on leur a donnés. Il me semble que je connais des gens qui ont les mêmes traits de caractère que décrits ici sans avoir les mêmes antécédents. L’enquête sur la carte postale est aussi l’occasion de présenter l’engagement des Picabia dans la résistance. Jeanine Picabia, soeur de Vicente, a dirigé le réseau Gloria et y a fait participer mère, frère, belle-soeur.
J’ai écouté ce texte lu par Ariane Brousse de façon vivante. Elle a une voix claire mais est capable d’en changer pour jouer les différents personnages qui interviennent. Elle prend ainsi une voix rauque pour incarner Lélia, grande fumeuse. Au total c’est un livre que j’ai trouvé intéressant et émouvant et qui m’a donné envie de lire autre chose de l’autrice.Peut-être le livre qu’elle a écrit avec sa soeur, Claire Berest, sur Gabrielle Picabia, leur arrière-grand-mère qui intervient dans La carte postale.
A l’habitude chez Audiolib le texte est suivi d’un entretien avec l’autrice où elle donne quelques explications sur son travail et notamment sur l’articulation entre faits réels et romancés.
L’avis de Luocine, celui de Dominique.
Je participe aux Lectures communes autour de l’Holocauste organisées par Et si on bouquinait un peu et Passage à l’Est.