Philippe Grimbert a vécu une enfance difficile. Perturbé par des insomnies et des cauchemars, souffreteux, il s’est inventé un frère, un double plus beau et plus fort qui lui permettait de supporter l’existence. Il a 15 ans quand il apprend le terrible secret que ses parents et sa famille lui ont caché : ce frère a bien existé et il a été emporté par les persécutions antisémites qui ont frappé les Juifs d’Europe lors de la seconde guerre mondiale.
Philippe Grimbert est psychanalyste et à travers l’histoire romancée de sa famille il explore les répercutions d’un secret de famille sur un enfant théoriquement ignorant et qui somatise ce qu’on cherche à lui cacher. En même temps, il reconstitue cette histoire familiale passée sous silence et rappelle la mémoire de ceux qui sont morts sans tombe.
D’origine indienne, Irshad Manji est née en Ouganda et vit au Canada depuis sa petite enfance. Elle est musulmane et elle est lesbienne. Irshad Manji se pose de nombreuses questions sur sa religion et elle y apporte des réponses qui sont tout sauf stéréotypées. Dans ce livre elle s’adresse aux musulmans et aux autres pour les amener à s’interroger sur l’islam d’aujourd’hui.
L’islam est-il compatible avec la démocratie et les droits de l’homme (droits des femmes, droits des minorités religieuses, droits des homosexuels) ? Pour répondre à cette question elle remonte à l’époque de l’islam éclairé et ouvert entre 750 et 1250. Qu’est ce qui a ensuite mal tourné, pourquoi les musulmans ont-ils cessé de penser ? Pour elle c’est le début des défaites militaires qui a entraîné un repli sur soi comme système de défense.
Une partie de l’ouvrage est consacrée à la naissance de l’état d’Israël et au sort du peuple palestinien. Irshad Manji rappelle qu’Israël est la seule démocratie de la région et que les états arabes ont fait beaucoup pour le malheur des Palestiniens. Comme tout le reste, ceci est solidement étayé par des arguments et des exemples.
Irshad Manji questionne aussi la place de l’Arabie Saoudite dans la doctrine musulmane contemporaine. Elle critique cet islam arabe qui a imposé ses vues obscurantistes et appelle les musulmans non-arabes (notamment asiatiques) à s’en détacher.
Pour terminer, l’auteur explore les pistes qui pourraient permettre à l’islam d’évoluer positivement. Son idée est que la réforme doit passer par les femmes et une amélioration de leur statut économique. En leur concédant des micro-crédits on leur permettrait de monter de petites entreprises. La prise de responsabilités et l’autonomie dans la sphère économique entraineraient automatiquement la même chose dans la sphère privée et religieuse.
Un très bon ouvrage dont les thèses m’ont convaincues. L’ensemble est très bien documenté, érudit sans en avoir l’air. Le style est vif et percutant, servant parfaitement le propos. Une femme de caractère et de convictions. Ca décoiffe et c’est plutôt réjouissant. Chapeau, Mme Manji !
« Je rencontrai sur mon chemin tant de difficultés Qu’elles furent toutes surmontées. » Mîrzâ Ghâlib, poète urdu (1796-1869)
Dans ce livre, Pavan K. Varma s’interroge sur ce que c’est qu’être Indien (titre original : Being Indian, why the 21st century will be India’s ?) et répond en pointant les traits de civilisation qui sont des atouts pour le développement de l’Inde et qui doivent lui permettre d’être une grande puissance au 21° siècle. D’après l’auteur ces traits de civilisation sont au nombre de quatre.
1- Les Indiens admirent le pouvoir et les attributs du pouvoir. « Selon la tradition indienne celui qui est puissant n’est pas censé être réticent ou modeste dans la projection de son pouvoir« . Et c’est grâce à cela que la démocratie a pu se maintenir et durer en Inde, contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres pays nouvellement indépendants. « La démocratie a survécu en Inde non pas parce que les Indiens sont des démocrates, mais parce que la démocratie est apparue comme l’instrument le plus efficace pour la conquête complaisante du pouvoir ». Et la démocratie est un atout pour le développement.
2- Les Indiens ont à coeur de s’enrichir personnellement. La religion hindouiste valorise cette réussite (« Acquérez de la richesse. Les racines du monde sont sa richesse. Il n’y a aucune différence entre un homme pauvre et un homme mort« . Le Râmâyana) et l’encourage : « même la mort ne peut pas empêcher d’avoir une nouvelle chance. On a donc toujours raison de ne pas perdre espoir« . Ceci explique l’esprit d’entreprise des Indiens et l’auteur donne de nombreux exemples de réussites en affaires par des personnes souvent parties de peu.
3- Les Indiens réussissent bien dans les Nouvelles Technologies de l’Information. Pourquoi ? Après l’indépendance, Nehru a voulu favoriser l’instruction primaire mais les classes supérieures ont réussi à faire porter les efforts plutôt sur l’enseignement supérieur et ce dans leur propre intérêt. Le résultat en est que l’Inde a le plus grand nombre d’enfants non scolarisés dans le monde mais aussi qu’elle a formé un grand nombre d’ingénieurs en informatique qui permettent au pays d’être bien placé sur la scène internationale. Et ils parlent Anglais (grâce à la colonisation britannique). Cependant Pavan K. Varma déplore qu’il n’y ait pas en ce domaine de « créateur » indien, seulement des exécutants. Il l’explique par le fait que les Indiens sont conformistes, conformisme qui est encouragé par un sentiment d’infériorité raciale dû à la colonisation et par la rigidité sociale (castes).
4- A la fin du 20° et au début du 21° siècles un sentiment d’appartenance nationale est en train d’émerger en Inde. Le développement d’une culture de masse fait apparaître une culture populaire nationale indienne. Par le biais de la télévision et des films hindis la langue hindie (ou plutôt l’Hinglish, Hindi mâtiné d’Anglais) se répand. De plus en plus les Indiens se déplacent à l’intérieur de leur pays, soit pour des raisons professionnelles, soit pour le tourisme.
Pour terminer, l’auteur liste ce qu’il reste à accomplir à l’Inde pour transformer ces atouts. Elle doit : – éradiquer la corruption sous toutes ses formes. – encourager l’initiative privée. – capitaliser le talent de son peuple pour les industries de la connaissance. – résoudre son problème de surpeuplement.
Pavan K. Varma est fier d’être Indien et il a raison car effectivement l’Inde est un pays en plein développement. C’est ce qui m’a frappée quand j’y ai voyagé en décembre 2005.
Pavan K. Varma est un vrai libéral qui pense qu’en de nombreux domaines il ne faut pas légiférer (notamment en économie) et que tout ira pour le mieux. Chacun ses idées, les miennes me portent un peu plus à gauche et il me semble qu’un peu d’interventionnisme de temps en temps ne peut pas faire de mal. Par exemple dans le domaine de l’éducation primaire où il reconnait lui-même qu’il reste à faire. Surtout, ce que je lui reproche c’est d’utiliser à plusieurs reprises le même exemple ou le même argument pour lui faire dire une chose et son contraire sans paraître relever les contradictions. Ainsi, l’utilisation de la crème éclaircissante « Fair & Lovely » est soit la preuve d’un sentiment d’infériorité raciale, soit le signe de la libération en marche des femmes indiennes (je glisse sur le fait que se maquiller serait une libération pour les femmes!). On retrouve ce procédé à plusieurs reprises à travers le livre et cette façon de tirer les arguments par les cheveux jette la suspicion sur le reste de l’ouvrage.
L’auteur est le fils d’un paysan communiste du Limousin. Son enfance a été bercée du mythe de l’URSS, paradis des ouvriers et des paysans. En 1991, à l’occasion d’un séjour en Russie il loue une chambre chez Tamara qui lui raconte son enfance difficile au pays des soviets, la famille de cinq personnes logée dans une seule pièce. Claude Duneton découvre alors que les lendemains qui chantent n’étaient qu’une illusion. Cette découverte peut se comparer à ce que serait pour un croyant celle de la preuve que Dieu n’existe pas. Il éprouve un sentiment de trahison. Ceux qui savaient et qui ont menti au peuple sont pointés et en prennent pour leur grade : Maurice Thorez et surtout Jean-Paul Sartre.
Un petit livre écrit dans un Français coloré d’expressions populaires, un style auquel je n’acroche pas vraiment. C’est facile à lire, ça a du faire du bien à Claude Duneton de l’écrire mais je trouve que ça n’apporte rien de nouveau au sujet. Je n’ai pas attendu 1991 pour savoir que l’URSS de Staline était un Etat totalitaire.
Dans cet excellent roman autobiographique Hugo Hamilton raconte son enfance en Irlande, à Dublin, dans les années 50 et 60. Une enfance partagée entre trois langues et trois cultures.
Celles de sa mère, une Allemande issue d’une famille antinazie. Venue en Irlande pour un pèlerinage après la guerre, elle y a rencontré son mari. C’est une femme chaleureuse qui confectionne de nombreux gâteaux, une femme dont sa jeunesse dans l’Allemagne nazie a fait une non-violente qui pense que les conflits doivent se régler par la parole et non par le poing.
Celles de son père, nationaliste irlandais qui interdit à ses enfants de parler Anglais et qui a renié son père, marin dans la marine britannique qui ne parlait pas un mot d’Irlandais. C’est un homme qui parle du pouvoir de la parole pour convaincre les Irlandais de parler leur propre langue et qui n’hésite pas à utiliser le poing quand ses enfants profèrent un mot de la langue des colonisateurs.
Celles de la rue où l’on parle majoritairement Anglais. Où les autres enfants se moquent des petits Hamilton qui ne sont pas comme eux, que l’on traite de nazis parcequ’à moitié Allemands. Mais cette Irlande où l’on tape sur des enfants accusés des crimes du nazisme c’est aussi celle où la mère peut s’entendre dire : « Bien joué les Allemands, pour la sacrée belle raclée que vous avez flanquée aux British ! Bien joué pour ça au moins, Hitler ! »
Hugo a du mal à se situer au milieu de tout cela. Il est conscient de sa différence et aimerait parfois être un enfant comme les autres cependant il s’aperçoit qu’il n’arrive pas à renier les valeurs qui lui ont été inculquées.
Le livre est très bien écrit dans un style d’une apparente simplicité qui restitue les sensations de l’enfance, mêlant réalité et imagination. Le jeune Hamilton apparaît comme un garçon intelligent et attachant.
Des extraits de l’oeuvre : « Comme ça, on a eu un ami pour la vie. On a appris à nager et à plonger et, pendant tout l’été, on est allé à la piscine municipale tous les jours. On a économisé et on s’est acheté des lunettes de plongée pour pouvoir aller sous l’eau et faire des concours pour repêcher des pennies au fond de la piscine. On jetait la pièce au fond du grand bassin et on la regardait tourner pendant qu’elle s’enfonçait dans l’eau et qu’elle disparaissait. Après, on plongeait pour la chercher sous l’eau et là il n’y avait pas de langue, juste des bulles qui bourdonnaient tout autour de nous. On se chronométrait chacun son tour pour voir qui pouvait tenir sous l’eau le plus longtemps et je gagnais presque toujours parce que je pouvais rester là jusqu’à ce que mes poumons éclatent presque,quand je risquais de mourir et que j’étais obligé de remonter pour retrouver des mots. J’étais champion du pas-respirer. Des fois, on descendait tous les trois ensemble et on se serrait la main. On avait l’impression qu’on pourrait vivre là en bas, juste assis au fond de la piscine à se faire des signes. Quand on ressortait de l’eau, on avait les genoux violets, les mains violettes, les lèvres violettes. Et on claquait des dents. Et puis, c’était l’heure de rentrer à la maison et on s’achetait du chewing-gum. Noel trouvait qu’il avait encore de l’eau dans une oreille et il devait se pencher d’un côté pour la laisser se vider, comme une cruche. On était amis pour la vie et on rentrait à la maison avec nos serviettes autour du cou, on tapait nos maillots de bain sur les murs et ils laissaient des traces, comme des signatures sur tout le chemin. On attendait d’arriver au dernier réverbère avant d’arrêter de parler anglais. »
« Mrs Robinson a écarté ses voilages et regardé vers moi, de l’autre côté de la rue, je lui ai fait signe mais elle ne m’a pas vu à travers le brouillard. Des fois, elle nous laisse regarder la télévision chez elle et je connais l’odeur de sa maison. Ca sent différemment dans chaque maison : avec certaines odeurs, on se sent tout seul ; avec d’autres, on se sent chez soi. La maison de Miss Tarleton, elle a une odeur de serre et de chou bouilli ; chez Miss Hosford, ça sent comme chez le pharmacien. La maison de Miss McSweeney sent le caramel et le cirage. L’appartement de Miss Doyle, à l’étage, sent toujours les beans on toast. Chez Miss Ryan, ça sent la lessive et le repassage, avec aussi une petite odeur de réglisse ; et chez Miss Brown, on dirait un mélange de savon, de fumée de cigarette et de l’odeur qu’il y a derrière un poste de radio qui marche depuis un moment. Je ne sais pas ce qui rend l’odeur de chaque maison si différente mais chez nous, ça sent comme être heureux et avoir peur. Chez notre ami Noel, ça sent comme quand personne ne se met jamais en colère, parce que son père est médecin, que sa mère ne crie jamais et qu’ils ont un chien. La maison de Tante Roseleen sent la limonade rouge, et chez Onkel Ted ça sent comme dans un autre pays, comme dans la maison à la porte jaune et à la crème anglaise, là où on se languit toujours d’être chez soi. »
Edition actualisée et définitive d’un essai paru d’abord en 1981.
En s’appuyant sur des sources nombreuses, l’auteur montre que la guerre a toujours existé et existera toujours. Trop de personnes y trouvent leur intérêt pour qu’il puisse en être autrement. D’abord les dirigeants politiques dont elle musèle l’opposition en même temps qu’elle résoud les problèmes de chômage ou de délinquance. Bien sur les marchands d’armes et les divers profiteurs de guerre.
C’est pourquoi, malgré les apparences (traités de paix, de désarmement, de non prolifération…) personne ne souhaite réellement la paix durable et « les hauts personnages qui éclairent notre route, nos respectables chefs, chefs de tout poil, chefs de gouvernement, chefs d’état-major, chefs de parti, chefs syndicalistes, chefs de rubrique, chefs de bureau, (…) sur les ondes, dans la presse, dans les conversations, dans les réunions diplomatiques défendent avec un ensemble impressionnant le principe qui sape à la base tout projet de coopération efficace entre les peuples : celui de la souveraineté nationale. »
L’auteur rappelle aussi le caractère injuste et brutal de la guerre. Des extraits de lettres de soldats de différentes époques et de différents pays montrent la même horreur face à la violence aveugle. Mais ce n’est que au coeur de la tuerie monstrueuse que ces vérités apparaissent car quelques mois plus tôt, les mêmes hommes (ou leurs frères) sont partis la fleur au fusil et quelques mois plus tard, s’ils en réchappent, ils feront d’excellents anciens combattants, prêts à éduquer les générations suivantes.
Enfin, l’épilogue est effrayant. Jean Bacon y explore les formes que pourrait prendre (fatalement) la 3° guerre mondiale. Guerre atomique, guerre bactériologique ou guerre des étoiles ?
« Désormais, il est en notre pouvoir de construire une machine qui constituerait le point culminant de la course aux armements, l’aboutissement de la logique dissuasive. Son action ne comporte aucune parade, il ne peut exister aucun missile, aucun satellite d’interception, aucun rayon de la mort qui ait la moindre emprise sur elle, pour la bonne raison qu’elle est au-delà de tout marchandage, de toute menace de représailles, qu’elle représente l’engagement suprême, irrévocable : le pays qui en dispose se suicide sur place, détruisant avec lui le reste du monde. Les Américains l’ont plaisamment baptisée « la machine du jugement dernier ». Elle coûterait au bas mot une centaine de millions de dollars – une bagatelle ! Ce serait le dernier mot de la science. »
Au total une thèse plutôt convaincante (hélas !) et une vision très pessimiste des hommes et de leur avenir. Moi qui suis d’une nature plus optimiste j’objecterai que les raisons d’espérer ont été moins creusées que celles de désespérer. Et je terminerai en citant le rapport « guerre et paix au 21° siècle » (Le Monde du 19 octobre 2005) qui montre que depuis la fin de la guerre froide les guerres dans le monde sont moins nombreuses (« le nombre de conflits armés a été réduit de 40% depuis 1992« ) et moins meurtrières (« en 1950 une guerre faisait en moyenne 38 000 morts, en 2002 cette moyenne chute à 600 morts« ).
S’agit-il d’un épiphénomène ou d’une tendance de fond ? Là est la question.
Narendra Jadhav est économiste de formation. Il a travaillé comme cadre dirigeant du FMI puis comme haut fonctionnaire au ministère des finances du gouvernement indien. Il est issu d’une famille très modeste (parents illettrés), des dalits, des intouchables.
Dans le système indien des castes, les dalits sont placés si bas que leur seul contact provoque la souillure. Ce sont littéralement des intouchables. Quand on leur fait l’aumône, on leur jette la nourriture ou on leur verse l’eau dans les mains pour éviter de les toucher. Autrefois, leurs ancêtres portaient un pot attaché autour du cou pour que leurs crachats ne souillent pas le sol sur lequel marchent les hautes castes.
Le système des castes repose sur la croyance en la réincarnation : les Hindous croient que si on est né intouchable c’est en raison de ses mauvaises actions dans une vie antérieure. C’est donc un sort mérité et se révolter contre ce système serait contester une organisation décrétée par Dieu lui-même.
Ce livre raconte l’histoire de Damu, le père de l’auteur, premier de sa famille à avoir, à partir des années 1920, lutté contre l’exclusion dont il était victime. Le chemin de Damu croise celui du Dr Babasaheb Ambedkar, intouchable lui-même, défenseur de l’égalité entre les hommes et qui a lutté pour l’abolition des castes. Le Dr Ambedkar est aussi le principal rédacteur de la constitution indienne. Constitution qui ne reconnaît pas la division en castes.
Fervent partisan du Dr Ambedkar, Damu conduit sa famille sur la voie de l’émancipation en poussant ses enfants à faire des études.
Bien que les castes aient été officiellement abolies en 1950, le livre montre qu’aujourd’hui encore elles jouent un rôle entre les personnes, particulièrement à la campagne.
Un livre intéressant, un personnage volontaire et intègre qui ne dévie pas de la voie qu’il s’est fixée, malgré les difficultés.
Ma yan est une écolière chinoise de 13 ans. Elle est la fille aînée d’une famille de trois enfants. Ses parents sont de pauvres paysans du Ningxia, région du nord ouest de la Chine.
Pierre Haski est le correspondant de Libération en Chine. Alors qu’il traverse le village où habite la famille Ma, la mère de Ma Yan lui remet le journal de sa fille.
Dans son journal, Ma Yan raconte sa vie quotidienne à l’école. Elle est interne à 20 km de chez elle et fait les trajets à pied. Elle ne mange pas à sa faim mais veut réussir ses études pour avoir une vie meilleure que ses parents et pouvoir les honorer. La mère de Ma Yan met aussi beaucoup d’espoirs dans la réussite scolaire de sa fille.
Grâce à ce livre très intéressant on découvre les conditions de vie très dures des pauvres paysans de l’intérieur de la Chine. J’ai été frappée par l’extrême dénuement : une partie du journal de Ma Yan a disparu en fumée, utilisé comme papier à cigarettes par son père. On découvre aussi le mode de pensée d’une jeune fille chinoise : l’importance du respect du aux aînés et aux maîtres. Dans cette édition, le journal est complété de commentaires et d’explications de Pierre Haski sur la vie en Chine.
Pierre Haski et les lecteurs du Journal ont été touchés par le courage de Ma Yan. La parution du livre a permis à d’autres écoliers du village de Ma Yan d’avoir leurs études financées.
Dans cet ouvrage très complet, on trouve une chronologie du goulag, des premiers camps des îles Solovetski à la chûte de l’URSS : rationalisation du fonctionnement des camps, gigantomanie des années 30 avec le creusement du canal de la mer Blanche, expansion vers l’est, années difficiles de la seconde guerre mondiale, mort de Staline, époque des dissidents.
Une partie est consacrée aux conditions de vie dans les camps – depuis l’arrivée, en passant par le travail, les châtiments et les récompenses, les stratégies de survie, les tentatives d’évasion et la rébellion.
L’ensemble se veut un ouvrage de vulgarisation et la lecture est facilitée par la présence de nombreux témoignages. Après avoir déjà lu plusieurs autres ouvrages sur le goulag, j’ai encore appris des choses sur le sujet.
Encore plus de lectures sur le sujet :
Sous la direction de Stéphane Courtois, Le livre noir du communisme, R. Laffont, 1997.
Tous les crimes du communisme sont abordés ici, pas seulement le goulag auquel une cinquantaine de pages sont consacrées. On fera aussi connaissance avec les camps d’Europe de l’est, le laogaï (goulag chinois) et autres camps asiatiques, les camps d’Amérique du sud.
Selon les auteurs, la lecture est plus ou moins abordable mais toujours intéressante et instructive.
Joël Kotek et Pierre Rigoulot, Le siècle des camps, Lattès, 2000.
Ici, c’est tous les camps du 20° siècle qui sont étudiés, qu’ils soient de droite, de gauche ou coloniaux. Un chapitre est consacré au goulag. Encore un ouvrage fort instructif.
Ces deux études plus générales permettent aussi la comparaison. On trouve de nombreux points communs entre ces camps de toutes origines. Une lecture à éviter si vous êtes dans une période de découragement par rapport à la nature humaine.
L’expérience du goulag a aussi produit de nombreux récits autobiographiques et témoignages. Une façon d’aborder le sujet de manière plus vivante et plus personnelle.
Margarete Buber-Neumann, Déportée en Sibérie, Points. Suivi de : Déportée à Ravensbrück.
Margarete Buber-Neumann (1901-1989) était la femme de Hans Neumann, cadre du parti communiste allemand dans les années 30. Après l’arrivée au pouvoir d’Hitler, les Neumann se réfugient en URSS. Au moment des grandes purges de 1937 ils sont arrêtés. Hans Neumann disparaît. On suppose qu’il est mort peu après son arrestation. Margarete est envoyée au goulag, ce qu’elle raconte dans Déportée en Sibérie. Après le pacte germano-soviétique (1939) Staline livre à Hitler les communistes allemands qu’il détenait. Margarete est alors Déportée à Ravensbrück.
A travers ces deux ouvrages qui permettent une comparaison des deux systèmes concentrationnaires, on découvre une femme d’une grande valeur morale, qui est toujours restée fidèle à ses convictions et qui ne s’est pas compromise, même dans les pires moments.
Jacques Rossi, Qu’elle était belle cette utopie ! chroniques du goulag, Le Cherche midi. Jacques Rossi et Michèle Sarde, Jacques le Français, Pocket.
Jacques Rossi (1909-2004) a adhéré très jeune au parti communiste et est devenu agent de renseignements du komintern. En 1937 il est arrêté et condamné au goulag. Il comprend bientôt que « le goulag n’est pas une perversion du système mais le système lui-même ».
Dans cette histoire de sa vie (Jacques le Français) la période de la détention tient la plus grande place. mais Jacques plaide coupable : il a été un rouage du système, il accepte que le système se débarrasse de lui. Ici aussi on découvre une personnalité de valeur qui a su reconnaître ses erreurs et évoluer positivement à travers des situations extrêmement difficiles.
Varlam Chalamov, Récits de la Kolima.
Ecrivain et poéte soviétique, Chalamov (1907-1982) a passé de nombreuses années au goulag. De cette expérience il tire les récits relativement courts de Kolima.
Son propos est de montrer qu’au goulag c’est chacun pour soi, qu’aucune solidarité ne joue dans des conditions de survie aussi rudes. Cependant les récits démentent régulièrement une telle thèse. En effet, on fait connaissance encore une fois avec une grande conscience morale. Au travers des épreuves, Chalamov a gardé toute son humanité.
Donc, si vous voulez trouver matière à espérer dans l’espèce humaine, c’est plutôt ces souvenirs qu’il vous faudra lire que des études historiques. En effet, chacun de ces trois témoins m’a impressionnée par les qualités morales dont il a fait montre à travers l’épreuve.