Bianca est une jeune femme de 18 ans qui va épouser Giovanni dans une semaine, comme leurs pères viennent d’en décider. Bianca est prête à obéir à ses parents mais elle regrette de ne pas connaître son fiancé. Elle s’en ouvre à sa marraine qui lui révèle un secret : les femmes de la famille se transmettent une peau d’homme. « Une fois la peau revêtue, nul ne pourra se douter que tu n’es pas un garçon. Ainsi tu pourras voyager incognito dans le monde des hommes ». Grâce à ce stratagème Bianca va faire la connaissance de Giovanni sous l’apparence de Lorenzo et se lier avec lui. Ce qu’elle découvre va bouleverser sa vie.
Dans un décor qui est celui de la Renaissance italienne, cette plaisante bande dessinée dénonce la domination patriarcale qui opprime les femmes et les personnes homosexuelles. La situation se dégrade encore plus quand un moine fanatique est porté au gouvernement de la ville mais nos héros se moquent de la religion et font apparaître l’hypocrisie des dévots. Dans la peau de Lorenzo, Bianca ose beaucoup ce qui lui permet aussi de s’émanciper en tant que femme. Je trouve son personnage sympathique et courageux.
Le dessin est relativement simple. Les visages des personnages ne me plaisent pas trop, par contre j’aime bien les décors et les pages de présentation des chapitres qui prennent un aspect d’enluminures. C’est une lecture que j’ai beaucoup appréciée.
Les SSF (Services Secrets Francophones) ont confié à Lisa (Mandel) et sa compagne Francisse les costumes de Super rainbow qui leur donnent des super pouvoirs à condition qu’elles aient fait l’amour avant de les enfiler. Grâce à ces costumes les super héroïnes vont sauver la planète de divers dangers : un terrible cumulonimbus, un caniche géant, un gang de chauves… Il leur faut aussi affronter des envieux qui aimeraient bien être Super rainbow à la place des Super rainbow. La bande dessinée est divisée en dix chapitres qui correspondent chacun à une aventure des Super rainbow. Le dessin n’est pas colorié, seulement ombré, sauf quand les Super rainbow activent leurs pouvoirs. Alors c’est un arc-en-ciel de couleurs !
J’ai trouvé cette bande dessinée sympathique et amusante. Sympathique parce que, comme dans Princesse aime princesse, l’homosexualité des personnages est un non sujet. Ce n’est pas seulement qu’elle est acceptée sans problème, c’est qu’elle n’est jamais évoquée. Amusante parce que Lisa Mandel fait preuve d’invention pour proposer des situations absurdes à ses personnages. Les aventures débridées viennent se greffer sur des scènes de la vie de couple bien observées : petits mots doux ou scène de ménage entre amoureuses. Par contre les ressors sont un peu toujours les mêmes et assez vite cela devient répétitif. A lire par petits morceaux.
Lors d’une soirée Codette relève le défi de « rouler une pelle » à Végétaline de Brillance, surnomme « Princesse de la frite ». La mère de Végétaline est en effet la propriétaire de la célèbre chaîne de restaurants « Maxifrite ». Mme de Brillance est une mère abusive qui vampirise sa fille et la tient recluse chez elle. Codette et Végétaline tombent amoureuses l’une de l’autre et Mme de Brillance va tout mettre en oeuvre pour les séparer.
Que d’imagination dans cette sympathique bande dessinée car l’histoire d’amour entre les deux jeunes filles baigne dans un petit monde à la limite du fantastique et plein d’humour. On croise des inventions futuristes comme un téléphone vidéo 3D et des costumes de Bioman qui offrent à leurs porteurs l’option de devenir invisibles ou de traverser murs et planchers.
La présentation du passé des deux héroïnes leur confère de l’épaisseur : les violences liées à l’indépendance du pays ont forcé la famille de Codette à quitter en urgence le Watakou où elle a grandi; Végétaline souffre de crises d’hallucinations.
J’apprécie que la relation homosexuelle soit ici un non sujet. Si Mme de Brillance s’y oppose c’est qu’elle est une mère abusive qui s’oppose à toute relation de sa fille.
Le dessin est simple avec peu de détails, la couleur violet-rose domine souvent, notamment lors des crises délirantes de Végétaline. J’ai beaucoup aimé cette bande dessinée.
Je participe au défi Voix d’autrices, catégorie Une histoire avec un personnage LGBT
Louise et Paul se marient juste avant la première guerre mondiale mais sont vite séparés quand le conflit éclate et que Paul est mobilisé. Paul est traumatisé par la violence des combats et la mort de ses camarades. Il déserte et rejoint Louise à Paris. Là, pour pouvoir sortir sans se faire arrêter, il se travesti en femme et vit maintenant sous l’identité de Suzanne. Petit à petit Paul prend goût à sa nouvelle situation intergenre tandis que Louise apprécie beaucoup moins la transformation de son mari.
Voilà une intéressante bande dessinée qui traite des traumatismes de la guerre et de l’identité de genre. C’est inspiré d’une histoire vraie. Les dessins sont en noir et gris avec à l’occasion une touche de rouge. Les dix planches traitant de la vie de Paul dans les tranchées sont sur fond noir. J’ai apprécié.
A Itô, modeste station balnéaire japonaise, Lucius se demande comment faire comprendre à Satsuki qu’il n’est pas insensible à son charme. De son côté la jeune femme est complètement conquise par les qualités viriles du Romain.
Mari Yamazaki renouvelle l’intrigue en faisant expérimenter à son personnage une nouvelle façon de voyager à travers le temps. Surtout notre héros semble destiné à s’installer dans la durée à Itô où il découvre qu’un patron de la pègre veut mettre la main sur les établissements de bains. Et ça, il n’en est pas question pour Lucius.
J’ai passé un petit moment de lecture agréable et l’épisode se termine sur un suspense qui me donne envie de lire le tome 6 mais je crois qu’il me faudra attendre un peu plus longtemps cette fois.
L’avis de Jérôme, beaucoup plus sévère que le mien. Je reconnais que je suis facilement bon public.
C’est avec plaisir que j’ai retrouvé Lucius, l’architecte romain dont j’avais fait la connaissance en lisant les trois premiers tomes de ses aventures. L’histoire débute en 137 ap. JC., au moment de la mort d’Aelius, héritier de l’empereur Hadrien. Ce dernier charge Lucius de veiller sur Marcus, son nouvel héritier. C’est à ce moment-là que notre héros est transporté une fois de plus dans le Japon contemporain où il fait la connaissance de Satsuki, jeune érudite passionnée par l’histoire de l’empire romain et qui parle le latin. C’ est la première fois que Lucius peut converser avec un « visage plat ». C’est aussi la première fois que son séjour semble vouloir durer.
Il y a toujours les pages « Rome et les bains, mes deux amours » où Mari Yamazaki apporte des précisions sur les sujets traités dans son manga et sur sa façon de travailler. Je comprends ainsi qu’elle se met elle-même en scène à travers le personnage de Satsuki. J’attends maintenant le tome 5.
Arrivée de Lucius au Japon et rencontre avec Satsuki
Medz yeghern, le grand mal, c’est en arménien, le nom du génocide de 1915. La bande dessinée présente l’histoire de plusieurs personnages. Aram Olivyan, engagé volontaire, est laissé pour mort lors du massacre des soldats arméniens de son bataillon. Il est ensuite caché et sauvé par un Turc, Murat. Les circonstances amènent les deux jeunes gens à s’engager dans un groupe résistant qui combat les troupes turques sur le Moussa Dagh.
Après avoir vu sa famille se faire massacrer, Sona Kechiyan a été entraînée dans une marche de la mort jusqu’à Alep. Les routes de ces trois personnages finiront par se croiser. L’auteur nous présente aussi les coulisses du génocide. Nous croisons ceux qui l’ont organisé et ceux qui ont essayé de lutter contre, notamment Armin T. Wegner (personnage réel) un soldat allemand qui a porté témoignage des massacres par la photographie. L’auteur évoque enfin le procès de Sogomon Tehlirian, Arménien rescapé du génocide et qui assassina, à Berlin en 1921, Talaat Pacha, le ministre de l’intérieur du gouvernement jeune turc en 1915.
Medz Yeghern est donc un ouvrage très complet et intéressant sur le sujet. Les dessins en noir et blanc rendent bien compte de l’horreur des violences et des massacres.
Voici un des très rares mangas que j’ai lus. Comprendre le sens de lecture des vignettes me demande un court moment d’adaptation, ensuite c’est bon. Trois tomes sont parus en français.
Tome 1 : Rome, en l’an 128 de notre ère. Lucius Modestus est un architecte en panne d’inspiration. A une époque où on demande de la nouveauté, ses projets qui copient la Rome d’il y a cent ans sont rejetés. Parti aux thermes pour se changer les idées, il est aspiré par la bouche d’évacuation des eaux et se retrouve dans un bain japonais, de nos jours. Lucius croit d’abord qu’il a seulement changé de pièce puis il réalise qu’il se trouve en contact avec une civilisation bien plus avancée que la sienne, aussi incroyable que cela puisse lui paraître. Le voyage est de courte durée et Lucius retourne rapidement à Rome à son époque. Cependant ce qu’il a observé lors de cette aventure va lui permettre de créer enfin des projets novateurs et de relancer sa carrière.
Chacun des cinq chapitres de cet ouvrage est un nouveau voyage de Lucius vers les bains japonais. A chaque fois il se retrouve au Japon à notre époque mais dans un endroit différent. Il fait ainsi connaissance avec les sources thermales en plein air, avec les baignoires privées plus ou moins sophistiquées… et il en ramène de nouvelles idées qu’il adapte à Rome.
J’ai beaucoup apprécié ce manga. Les réactions et les réflexions de Lucius face au monde contemporain et aux coutumes japonaises sont souvent très drôles. L’auteure se moque (gentiment) à la fois de son personnage et de ses compatriotes. L’autre intérêt est l’aspect documentaire. Il y a des informations sur les thermes romains et sur les bains japonais (ça m’a donné l’envie d’un voyage au Japon pour les tester). En plus chaque chapitre est suivi de deux pages de texte « Rome et les bains, mes deux amours » qui donnent quelques précisions supplémentaires sur le sujet.
Tome 2 : Lucius Modestus continue ses aller-retour entre la Rome antique de l’empereur Hadrien et le Japon contemporain. Après avoir enseigné à des barbares germains les règles de bonne conduite dans les thermes il est mandaté par Hadrien pour créer un établissement innovant qui plaise au peuple et s’inspire pour cela d’une sorte d’aqualand japonais. Hélas le succès de ces nouveaux thermes ne plait guère aux propriétaires de bains traditionnels qui voient leur clientèle diminuer.
Tome 3 : Précipité de nouveau au Japon Lucius Modestus ne se contente plus d’observer mais il échange avec les « visages plats« , comme lorsqu’il conseille un jeune architecte qui doit réaliser des bains « à la romaine » avec baignoire en or et statues de déesse à gros nichons. Lucius comprend ce qu’endure son collègue car lui-même a reçu commande d’un affranchi de thermes clinquants. Ce n’est plus uniquement le Japon qui influence Rome. Je trouve que l’auteure fait bien évoluer son personnage et arrive à renouveler ses aventures. Les pages « Rome et les bains, mes deux amours » s’étoffent avec des anecdotes de la vie de l’auteure.
Le quatrième tome est à paraître. Nul doute que je me le procurerai.
En août 2008, Guy Delisle et sa compagne Nadège arrivent à Jérusalem où Nadège va travailler pour Médecins Sans Frontières. Ils sont accompagnés de leurs deux jeunes enfants. La famille va résider un an sur place dans le village arabe de Beit Hanina à Jérusalem-est. Pendant que Nadège travaille, Guy s’occupe des enfants et retrouve les joies et les difficultés de la mère au foyer, travaille occasionnellement à dessiner ou à animer des stages pour des étudiants en arts plastiques et visite les alentours.
Guy Delisle c’est Candide à Jérusalem. L’auteur porte un regard à la fois naïf et plein d’humour sur les absurdités de la vie à Jérusalem. Ainsi le système des transports : « Il y a les autobus israéliens qui desservent toute la ville sauf les quartiers arabes et les minibus arabes qui desservent les quartiers arabes ». Pas simple quand on habite un quartier arabe et qu’on veut se rendre dans la vieille ville de Jérusalem.
J’avais déjà apprécié les chroniques de Guy Delisle auparavant et je retrouve ici tout ce qui avait fait mon plaisir : information claire sur la situation locale et autodérision.
En 2003 Guy Delisle a passé deux mois à Pyongyang pour raisons professionnelles. Il travaillait comme correcteur pour un studio qui réalise des dessins animés pour la France. Toujours accompagné de son guide ou de son interprète il expérimente la vie très surveillée des étrangers en Corée du nord. Les contacts avec des autochtones sont impossibles. Quant à ses guides ils sont bien embrigadés et les moments de spontanéité sont rarissimes.
Il a droit à des visites organisées et là j’ai l’impression de relire, en version illustrée, Au pays du grand mensonge de Philippe Grangereau. Ce sont les mêmes passages obligés, de la statue géante de Kim Il-Sung au musée de Kim Il-Sung. Je retrouve aussi la pénurie d’électricité. La ville est plongée dans le noir dès la tombée de la nuit.
Le résultat de tout cela c’est, en dehors du travail, beaucoup d’ennui. Les expatriés se retrouvent en soirée pour boire ou jouer au billard. Guy Delisle se distrait aux dépends de ses accompagnateurs : il exige d’aller à pied de son lieu de travail à son hôtel alors qu’il faudrait y aller en voiture, il prête 1984 de George Orwell à son traducteur. Ce sont aussi de petites résistances contre le régime.
J’ai apprécié cette BD où j’ai retrouvé le style documentaire et la dérision qui m’avaient déjà plus dans Chroniques birmanes (Pyongyang date d’avant).