Ferdinand Goldberger, chef local du parti nazi de son village natal de l’Innviertel, en Autriche, a dénoncé trop de monde, semble-t-il. Parce qu’il recevait des menaces, il a du partir. Il a réussi à échanger sa grande exploitation forestière contre une ferme abandonnée à Rosental en Haute-Autriche. Il est accompagné de sa fille Martha, devenue mutique.
Entre la seconde guerre mondiale et la fin du 20° siècle, Lilas rouge raconte l’histoire d’une famille d’agriculteurs autrichiens sur quatre générations. La deuxième est représentée par Ferdinand, le fils. Revenu de la guerre il s’est mis à mépriser son père qu’il juge responsable de la perte de leur domaine forestier. Pourquoi son père a-t-il du quitter l’Innviertel ? Ferdinand ne le sait pas et ne veut pas le savoir. A son image les autres membres de la famille Goldberger évitent de se poser des questions sur le passé du vieux dont ils croient pourtant qu’il a attiré sur eux une malédiction. Ainsi Paul, fils aîné de Ferdinand, souffre de maladie mentale qu’il tente de soigner en s’alcoolisant. Bravo à l’auteur pour la description des hauts et des bas que traverse l’humeur de Paul.
La malédiction de la famille Goldberger c’est l’histoire de l’Autriche, de son déni de sa participation active aux crimes du nazisme. On peut aussi y voir une critique du patriarcat. Ferdinand a décidé seul que de ses deux fils Paul ferait des études et Thomas reprendrait la ferme. Paul est envoyé dans un internat religieux où il est très malheureux. Nul doute que les séances d’humiliation dont il est victime n’améliorent pas sa santé mentale. Plus tard Thomas, qui n’a pas eu d’enfant, choisit de même parmi ses neveux qui pourra lui succéder. Les désirs des enfants sont de peu de poids, tant mieux s’ils vont dans le sens de ce qu’on a décidé pour eux.
La gestion de l’exploitation agricole et le travail des champs sont un sujet majeur de ce roman. Après la guerre le travail est encore manuel. On pourrait aussi bien être une guerre plus tôt. Au fur et à mesure que le temps passe -mais il y a très peu de repères temporels, ce qui donne une impression d’immobilisme- on voit apparaître des machines agricoles, des objets de la société de consommation, de nouvelles cultures. Cependant toutes ces choses semblent rester à la périphérie tandis qu’au centre la vie de la famille s’écoule lentement, rythmée par les saisons, comme coupée du monde. Et en effet la ferme Goldberger se situe à l’écart du village et eux-mêmes fréquentent peu à l’extérieur.
C’est un long roman de 700 pages, ce qui laisse le temps de faire connaissance avec les personnages. J’ai grandement apprécié cette lecture. J’ai apprécié la belle écriture, l’analyse psychologique fine, la description de la nature et du quotidien de ces paysans attachés à leur terre.
Reinhard Kaiser-Mühlecker est lui-même originaire de Haute-Autriche où il a repris l’exploitation agricole familiale en parallèle de son travail d’écrivain.
L’avis de Patrice, celui de Keisha.
Je participe aux Feuilles allemandes, mois thématique organisé par Et si on bouquinait un peu.
700 pages , damned ! Cela me fait un peu peur. Surtout que le travail agricole est loin d’être mon sujet favori. Mais l’attitude des Autrichiens face au nazisme est un sujet qui m’intéresse. Alors !!
En ce qui me concerne les 700 pages sont passées sans me faire souffrir. J’ai apprécié que l’auteur prenne son temps mais je comprends que cela puisse ne pas être le cas de tout le monde. En ce qui concerne l’attitude des Autrichiens face au nazisme, attention : il s’agit surtout d’allusions puisque personne n’en parle.
Ensuite, mais moins épais, il y a Lilas noir, mais il ne me semble pas que ma bibli ait poursuivi l’aventure;..
J’ai vu ça. La mienne non plus, hélas.
Je me souviens d’avoir lu de très bons avis sur ce pavé. Le sujet est très intéressant. Je pense que je l’avais déjà noté dans ma liste à lire (je la change sans cesse car il y a trop de tentations).
Possible. C’est paru il y a une dizaine d’années déjà.
J’ai beaucoup aimé ce livre, et les raisons sont les mêmes que les tiennes, à savoir l’écriture, l’analyse, la nature… On ne voit pas passer les 700 pages, on est bercé par ce livre et son rythme qui lui est propre. Je suis très heureux de le voir de nouveau chroniqué cette année pour Les Feuilles Allemandes. Je m’étais noté « Lilas noir » mais le temps va manquer pour 2024 ; pourquoi pas une lecture commune pour 2025 dans ce cas ? 🙂
Oui, pourquoi pas ? Bonne idée.