Les moghols sont la dynastie qui régna sur le nord de l’Inde à partir de 1526. Le dernier moghol, l’empereur Bahadur Shah Zafar II, après avoir perdu pratiquement tous ses pouvoirs, fut finalement destitué et emprisonné par les Britanniques suite à sa participation à la révolte des cipayes en 1857. Le dernier moghol est le récit des événements de cette révolte qui concernent la ville de Delhi, où vivait Zafar. Pour ses recherches -qui ont duré quatre ans- William Dalrymple a travaillé à partir de documents encore inexploités, les mutiny papers, conservés aux archives nationales de l’Inde. Le résultat est passionnant.
William Dalrymple rappelle d’abord le contexte de la présence britannique en Inde, colonisation privatisée sous l’égide de l’East India company. Au début du 19° siècle, les relations entre populations locales et employés de la compagnie changent. Alors qu’au siècle précédent de nombreux Britanniques adoptaient les moeurs indiennes et se mettaient en ménage avec des Indiennes (ce que Dalrymple raconte dans Le moghol blanc), au 19° siècle ces habitudes disparaissent, le colonisateur jette sur la culture indienne un regard de plus en plus méprisant et cherche à imposer sa religion.
La révolte des cipayes éclate en 1857 dans le nord de l’Inde. C’est d’abord une révolte religieuse. Les cipayes sont les soldats indiens de l’East India company. On leur a fourni de nouvelles cartouches dans lesquelles ils doivent mordre. Or la rumeur circule qu’elles contiennent de la graisse de porc (animal impur pour les musulmans) et de vache (sacrée pour les hindous). A Meerut les cipayes se révoltent, des chrétiens sont massacrés.
Le 11 mai 1857 des mutins investissent Delhi. Là aussi, les chrétiens sont massacrés. Il s’agit d’abord de Britanniques mais aussi d’Indiens convertis. Les Européens convertis à l’islam sont épargnés. Zafar est sommé de se mettre à la tête de la révolte. C’est un vieil homme de plus de 80 ans. Il désapprouve mais ne peut refuser. Il sert en quelque sorte de caution morale mais ne commande pas grand chose.
Pendant quatre mois Delhi reste aux mains des révoltés. Elle attire de nouvelles troupes mutinées qui pillent les habitants. Ceux-ci écrivent à l’empereur pour se plaindre. Ce sont ces mutiny papers qui ont servi de source à William Dalrymple et qui montrent un fossé croissant entre les habitants de Delhi et les cipayes. En fait il y a trois camps : les cipayes et les Britanniques occupés à se battre et les habitants pris entre deux feux qui subissent au quotidien les conséquences de toutes ces violences.
En septembre 1857 des troupes britanniques renforcées prennent Delhi. L’heure de la vengeance a sonné pour des officiers fanatisés qui ont parfois perdu des proches au début de la révolte. A leur tour ils vont massacrer et sans discernement, anti et pro-anglais. La couleur de la peau est le seul critère. Leurs journaux et les courriers qu’ils adressent à leurs familles montrent leur absence de remords et le sentiment de supériorité raciale qui les habite. On massacre en bon chrétien, convaincu d’avoir Dieu de son côté. Finalement Delhi est en partie rasée, des trésors architecturaux disparaissent. Zafar jugé et chargé de toutes les responsabilités est exilé en Birmanie où il meurt en 1862.
J’ai trouvé cet ouvrage très intéressant et facile à lire avec beaucoup de témoignages qui le rendent vivant. William Dalrymple montre bien les méfaits de la colonisation, la façon dont leur prétendue supériorité a conduit les Britanniques à se comporter en véritables sauvages et le gâchis qu’il en est découlé à tous points de vue.
Joël le 7 février 2011 :
Je n’ai pas encore lu ce livre, mais du même auteur, j’ai beaucoup aimé Neuf vies, à la recherche du sacré dans l’Inde d’aujourd’hui : http://www.biblioblog.fr/post/2010/07/15/Neuf-vies-William-Dalrymple
Réponse :
Je n’ai pas lu Neuf vies mais j’ai aussi apprécié les autres ouvrages de Dalrymple que j’ai lus.
Dominique le 7 février 2011 :
C’est un excellent auteur qui sait mêler l’érudition à son récit et qui rend passionnant les sujets qu’il choisit j’ai fait récemment un billet sur un polar qui se passe à Byzance et Dalrymple a écrit un très bon livre sur le sujet qui va être republié prochainement si cela vous intéresse
Réponse :
C’est exactement cela.
Oui, cela m’intéresse. De quoi s’agit-il ?
Zarline le 7 février 2011 :
Ton billet réveille quelques lointains souvenirs de cours d’histoire (très flous malheureusement). J’ai assez envie de découvrir ce livre pour remettre quelques éléments en place.
Réponse :
Je n’ai pas souvenir (mais j’ai beaucoup oublié) d’avoir jamais entendu parler de l’Inde en cours d’histoire.