En 1956, Mr Stevens, un majordome vieillissant qui a passé 35 ans de sa vie au service d’un lord Darlington, part une semaine en voyage à la rencontre d’une ancienne collègue, miss Kenton. Ce temps de vacances est l’occasion pour lui de se remémorer sa carrière et ses relations avec Miss Kenton et de se livrer à une introspection au sujet de sa conception profonde du métier et, partant, du sens qu’il a donné à sa vie. Les vestiges du jour est présenté sous la forme du journal tenu par Stevens pendant ce voyage.
Le sujet du roman est l’étude psychologique du personnage. Stevens est de nature compassé, handicapé des relations humaines et sa fonction est aussi un refuge pour lui. Il se protège en jouant son rôle très codifié. Quelques années avant le début du récit Darlington Hall a été racheté par un riche Américain qui semble attendre de son employé un peu de spontanéité, ce qui déconcerte fort ce dernier. Sa semaine de vacances lui ouvre un espace de liberté inhabituel, l’amène à discuter avec des inconnus et, petit à petit, à reconsidérer certaines de ses positions.
Dans ses relations, et même avec ses proches (son père, Miss Kenton), le narrateur se montre également incapable d’exprimer ses sentiments. Ainsi quand il décrit ce qu’il voit ou fait, il utilise le « je » mais dès lors qu’il pourrait être impliqué de façon plus personnelle, il passe au « on » : « Je discernais à travers la brume un clocher entouré d’un amas de toits d’ardoise sombre; ça et là, des volutes de fumée blanche montaient des cheminées. On est forcé d’avouer qu’à ce moment-là, on s’est senti submergé par un certain sentiment de découragement. »
Cette incapacité l’empêche même souvent de prendre conscience qu’il ressent certaines choses.
Pour toutes ces raisons Stevens s’est totalement investi dans son métier au point d’avoir vécu par procuration à travers son maître. Celui-ci, manipulé par l’extrême-droite, a tenté de jouer un rôle dans les relations entre l’Allemagne nazie et la Grande-Bretagne avant la seconde guerre mondiale et Stevens, incapable de recul critique, est persuadé qu’en servant lord Darlington il a servi son pays. Son voyage qui est aussi un cheminement intérieur l’amène à la révélation finale qu’en vivant pour et par les autres il n’a pas vécu lui-même.
Tout ça n’est pas très gai mais tellement bien mené par Kazuo Ishiguro qui excelle à décrire le fonctionnement de Stevens et qui montre ainsi tout ce que l’on perd quand on se contrôle trop. J’ai beaucoup aimé cette lecture.