Une vie pour les Pyrénées
2009 qui marque le centenaire de la mort d’Henry Russell est l’occasion de sortir cette biographie de celui qui fut un des premiers pyrénéistes. Monique Dollin du Fresnel est l’arrière-petite-nièce de Henry Russell ce qui lui a donné accès à des documents et surtout à la mémoire familiale. Elle présente de façon détaillée ce personnage que je ne connaissais pas.
Henry Russell est né à Toulouse d’une mère française et d’un père irlandais. Thomas-John Russell-Killough avait quitté son Irlande natale où la noblesse catholique était discriminée. La famille déménage fréquemment : Pau, Bagnères-de Bigorre (d’où madame emmène ses enfants en excursion dans les Pyrénées), Dublin. Henry poursuit ses études dans des pensionnats de garçons, d’abord en France puis en Irlande. Il mène une vie de jeune mondain, il n’est jamais question d’apprendre un métier. Les parents Russell ne voient qu’un avenir pour leurs fils : épouser une femme bien dotée qui leur permettra de vivre sans travailler, à l’image de ce qu’a fait le père. Cependant, Henry ne se mariera jamais. Vers l’âge de 30 ans il tombe amoureux d’une jeune Anglaise, fille d’un pasteur anglican mais renonce à l’épouser sous la pression de ses parents car elle n’est pas assez riche et elle n’est pas catholique. La peinture de cette société de rentiers dont font partie les Russell, de cette noblesse sur laquelle la Révolution française a passé sans laisser de traces apparentes est une des choses qui m’ont le plus intéressée.
Dès ses 20 ans, Henry est pris de l’envie de voyager. Il part pour l’Amérique puis pour l’Asie en traversant la Russie et pour l’Australie, mais il revient toujours vers les Pyrénées. Il va finalement organiser sa vie entre Pau où il passe l’hiver et les sommets des Pyrénées (principalement dans les Hautes-Pyrénées) en été. Chaque année il repart à l’assaut des cimes et il est l’auteur de très nombreuses premières. Tout était encore à faire à cette époque. Il s’était fait confectionner un sac de couchage en peau d’agneau et il aimait à l’occasion passer la nuit au sommet de ses chères montagnes, ce qui le faisait considérer comme un original.
En 1880 il couche ainsi au sommet du Vignemale. Cet événement fondateur le lie définitivement au lieu. Il veut pouvoir y rester de façon plus confortable et se fait pour cela percer des grottes artificielles au col du Cerbillonas (3205 m) puis plus bas, à 2400m. Dans ses grottes Russell reçoit ses amis montagnards. Il leur offre bonne chère et bon vin. On boit sec à ces altitudes, ça réchauffe. Voilà une chose qui m’a stupéfaite : qu’on puisse faire monter à 3000 mètres, ouvriers du bâtiment, barres à mine et dynamite; qu’on creuse la montagne et que personne n’y trouve rien à redire. Autres temps, autres moeurs. Russell a même obtenu du préfet la concession des sommets du Vignemale pour 99 ans. Il voulait s’en sentir propriétaire…
A partir de 1906 la santé d’Henry Russell commence à se dégrader. Il se remet d’abord difficilement d’une grippe puis un cancer du foie est diagnostiqué en 1908. Il meurt en février 1909. Il était monté à ses grottes pour la dernière fois en août 1906. (Je me demande ce qu’elles sont devenues aujourd’hui).
J’ai trouvé très intéressante cette histoire d’un amoureux des Pyrénées, personnage d’un autre temps aussi. Au 19° siècle la découverte des montagnes est encore réservée à une minorité de privilégiés qui peuvent s’y payer des séjours. Les premiers arrivés laissent au sommet leurs noms dans une bouteille pour signaler leur performance aux suivants. A côté d’Henry Russell j’ai également découvert les guides de montagne, personnages de première importance, parfois négligés (mais pas par Russell). En voilà qui ont fait nombre de premières.
L’ouvrage se lit facilement. Il est illustré de nombreuses photos dont beaucoup proviennent du musée des Pyrénées à Lourdes. Ca m’a donné bien envie de le visiter, ce que je ferai dès que possible, sans doute prochainement.