En 1917, à l’occasion d’une permission, Clifford Chatterley a épousé Constance. Ils ont connu une semaine de lune de miel puis il est reparti à la guerre. Moins d’un an plus tard il en revient grièvement blessé, paralysé de la moitié inférieure du corps. Clifford et Constance s’installent à Wragby, demeure familiale des Chatterley, située dans les Midlands, près de Sheffield. C’est une région industrielle, les Chatterley sont propriétaires de mines de charbon, depuis leur domaine on voit le puits de mine et les maisons des mineurs, on sent l’odeur du charbon qui brûle en permanence.
Dans ce cadre peu réjouissant Constance se fait la garde-malade de Clifford. Ils font chambre à part et la seule intimité physique qu’ils ont c’est quand elle le lave. Certes il est impuissant mais on pourrait imaginer une tendresse et un contact autre que directement sexuel. Cela n’existe pas entre eux. Ce que j’ai compris c’est que Clifford est naturellement peu chaleureux et que même s’il n’avait pas été blessé il n’aurait pas été très proche de sa femme. Celle-ci tombe petit à petit dans la dépression et dépérit. Quand sa soeur s’en aperçoit elle oblige Clifford à prendre une infirmière à domicile, Mrs Bolton, qui va aussi se charger de requinquer Constance. Elle la pousse à sortir prendre l’air, à se promener dans le bois qui entoure la maison. C’est ainsi que Constance rencontre Olivier Mellors, le garde-chasse de son mari, dont elle devient la maîtresse.
Voilà un livre où il ne se passe pas grand chose. Le but de Lawrence c’est de disserter sur le monde moderne et sur les relations entre hommes et femmes.
Le monde moderne : Lawrence déplore l’industrialisation croissante des campagnes anglaises. Dans le même temps les hommes sont de plus en plus attachés à l’argent. En gagner plus devient le but de la vie. Ce qui fait le malheur des ouvriers, pense Olivier Mellors, c’est qu’ils sont attachés à satisfaire des besoins artificiels. S’ils pouvaient se contenter de vivre selon la nature, ils s’apercevraient qu’ils sont beaucoup plus riches qu’ils ne croient. Et il imagine une société utopique dans laquelle les hommes porteraient des pantalons rouges moulants qui leur rappelleraient les vraies valeurs (!)
J’ai été surprise de découvrir la description d’une société qu’on peut déjà, par certains aspects, qualifier de société de consommation. Dans la préface il est dit qu’en 1930 il n’y avait plus que 5% d’actifs dans l’agriculture en Grande-Bretagne. En France on a du arriver à ce chiffre à la fin des années 1980. C’est cet aspect du roman qui m’a le plus intéressée.
Les relations entre hommes et femmes (le sexe) : Lawrence reproche aux femmes modernes de vouloir se donner du plaisir par elles-mêmes en étant actives pendant l’acte sexuel. C’était le travers de Constance (elle a eu d’autres amants avant Mellors). Mais avec lui (qui est un vrai homme, pas domestiqué) elle découvre qu’en se laissant faire, en abandonnant toute volonté, elle retourne à l’état de nature et atteint à une jouissance supérieure. Je ne suis pas d’accord avec Lawrence et je me demande de quelle autorité il vient nous faire des leçons sur le plaisir féminin. On en apprend beaucoup moins sur le plaisir masculin.
Au total un roman qui adopte un point de vue réactionnaire, glorifiant un mythique passé, forcément supérieur au temps présent; peu d’action; des théories fumeuses assénées sans nuances. Et pourtant ça m’a pris ! J’ai apprécié le témoignage sur une société en pleine mutation. Il montre très bien aussi à quel point la première guerre mondiale a traumatisé toute une génération.