La journaliste Anne Nivat a enquêté en Afghanistan et en Irak après leur « libération » par les troupes américaines. Dans chacun de ces pays elle a passé douze semaines d’affilée, utilisant les moyens de transport locaux, logeant chez l’habitant et l’interrogeant sur son ressenti. Ce livre date de 2004. Il m’a intéressée parce qu’il montre le vécu des gens au quotidien. La situation politique est souvent complexe à saisir. Voici ce que j’en ai retenu :
En Afghanistan après la victoire militaire d’octobre 2001 :
Le sud est peuplé principalement de l’éthnie pachtoune, dominante dans le pays. La culture traditionnelle est encore très présente. Selon le pachtounwali, le code de l’honneur pachtoune, les femmes sont considérées comme des objets, des propriétés, leur sort paraît même plus rigoureux que selon l’islam traditionnel. Le nord est peuplé d’Ouzbeks et de Tadjiks qui semblent plus ouverts. Le pays est gangrené par la drogue (culture, trafic) et la corruption. Les déplacements se font sur des routes défoncées, jamais asphaltées où on roule à 15 km/heure. Les femmes -dont l’auteur- se déplacent en burqa pour assurer leur sécurité. Au foyer la séparation est souvent stricte entre hommes et femmes.
Mais il y a aussi des contradictions entre ce qu’il faut faire pour paraître, à cause du regard des voisins et les aspirations profondes. Anne Nivat rencontre ainsi un jeune homme qui souhaite apprendre à lire et à écrire à sa femme illettrée (pour qu’elle puisse lui écrire et lire ses lettres quand ils sont séparés).
D’autres belles rencontres : une gynécologue qui a fondé une maternité dans sa ville démunie de structures médicales, des professeurs qui ont enseigné clandestinement sous les talibans, des personnes qui au quotidien se battent avec leurs moyens pour faire avancer leur pays. « Etre Afghan, c’est peut-être simplement avoir fait le choix de rester » dit un de ses interlocuteurs.
En Irak après la victoire militaire d’avril 2003 :
En Irak, les femmes sont moins renfermées qu’en Afghanistan. Déjà elles ne sont pas complètement couvertes.
Ce qu’expriment pratiquement tous les témoins c’est « des critiques, de la souffrance, une immense déception vis à vis des Américains ». Des Américains qui se sont installés dans les anciens palais de Saddam tandis que la population locale « continue à survivre dans des quartiers détruits privés d’électricité et du moindre confort ». On parle aux habitants d’installer la démocratie, ce qu’ils souhaitent c’est d’abord qu’on reconstruise le pays, qu’on leur donne du travail. Il n’y a que dans les villes saintes chiites comme Kerbala que les gens sont contents de la présence américaine car le régime de Saddam était peu favorable au tourisme religieux alors que maintenant de très nombreux pèlerins, notamment iraniens, viennent et les affaires sont bonnes pour tous ceux qui en profitent.