Dans ce livre Muhammad Yunus, économiste du Bangladesh, prix Nobel de la paix en 2006 raconte comment il a conçu et mis en oeuvre son projet de « banque pour les pauvres » et quels résultats ont d’ores et déjà été obtenus grâce à cette entreprise.
En 1974 le Bangladesh a été frappé par une terrible famine. A cette occasion le professeur Yunus et certains de ses étudiants se sont intéressés aux conditions de vie des habitants de Jobra, village voisin de leur université. Ils découvrent alors que les plus démunis sont contraints d’emprunter à des usuriers qui profitent de leur faiblesse et les maintiennent dans une situation de dépendance. Yunus est convaincu que si on leur prêtait à des conditions équitables, de petites sommes pourraient permettre à nombre d’entre eux de s’extraire de la plus grande misère. C’est à partir de là qu’il conçoit, petit à petit, le projet de la banque Grameen.
Je passe sur les étapes qui l’ont mené de l’expérimentation dans un village à la généralisation dans tout le pays puis à l’exportation vers le reste du monde pour aborder les deux points qui m’ont le plus intéressée dans cette lecture.
1) Ca marche !
La banque Grameen travaille aujourd’hui avec 36 000 villages soit plus de la moitié des communes rurales du Bangladesh. Les prêts sont en moyenne de 150$ par emprunteur. En dix ans la moitié des emprunteurs se sont hissés au dessus du seuil de pauvreté et 25% sont prêts à le franchir. « En abordant la lutte contre la pauvreté dans une optique de marché on a permis à des millions d’individus de s’en sortir dans la dignité. »
2) La découverte de la société villageoise bengalie, corsetée par les archaïsmes, l’obscurantisme, l’islamisme. La place des femmes y est particulièrement dépendante et pourtant c’est à elles que Yunus s’est d’abord adressé (94% des emprunteurs de Grameen sont des femmes). Pour cela il a fallu lutter contre tous ces -ismes avec beaucoup de patience mais le résultat est probant. « Etre pauvre au Bangladesh est dur pour tout le monde, mais ce l’est davantage encore quand on est une femme. Et lorsque les femmes se voient offrir une possibilité de s’en sortir, si modeste soit-elle, elles s’avèrent plus combatives que les hommes. » De plus elles sont plus attentives à assurer l’avenir de leurs enfants. « L’argent, quand il est utilisé par une femme dans un ménage, profite davantage à l’ensemble de la famille que lorsqu’il est utilisé par un homme. » J’avais déjà lu ailleurs que partout le développement passait mieux par les femmes.
En terminant ce livre je suis surtout surprise que Muhammad Yunus ne soit pas plus connu que ça. Il me semble qu’on a un peu parlé de lui à l’occasion de la remise de son prix Nobel mais c’est tout. C’est un personnage aux idées peu conventionnelles. Il raconte qu’un professeur communiste lui a dit un jour : « En fait, vous donnez de petites doses d’opium aux pauvres pour qu’ils se désintéressent des problèmes globaux. Avec vos prêts solidaires ils dorment sur leurs deux oreilles et ne font aucun bruit. Leur zèle révolutionnaire se tarit. Grameen est l’ennemi de la révolution. » Comme si la révolution était un but en soi ! Avec Grameen Yunus réalise une révolution au quotidien et obtient des résultats.