Suketu Mehta a grandi à Bombay jusqu’à l’âge de quatorze ans. Sa famille a alors émigré aux Etats-Unis où il s’est installé. En 1998, vingt-et-un ans après avoir quitté la ville de son enfance, il y revient pour y vivre pendant deux ans et enquêter afin d’écrire Bombay maximum city. Issu d’une famille aisée de diamantaires Suketu Mehta a, pendant ces deux ans, rencontré les exclus et les marginaux de Bombay. Il découvre et nous fait découvrir un monde fascinant où la violence extrême côtoie la solidarité entre miséreux.
Dans la première partie, Le pouvoir, Suketu Mehta rencontre divers protagonistes des émeutes de 1992-1993. La destruction de la mosquée d’Ayodhya par des fanatiques hindous en décembre 1992 a entraîné des violences inter-religieuses en Inde. A Bombay elles culminent en janvier 1993 avec le massacre de nombreux musulmans. Enfin, le 12 mars 1993, dix bombes déposées par des terroristes musulmans explosent en divers endroits de la ville. Elles font plus de trois cent victimes. Suketu Mehta interroge des hommes de main du Shiv sena (l’armée de Shiva), le parti politique xénophobe qui a déclenché ces émeutes. Il s’agit de tueurs qui racontent sans états d’âme comment ils ont brûlé vifs des musulmans mais qui parfois ont aussi sauvé du massacre des voisins et qui -quand leurs enfants sont malades- vont prier dans des lieux saints musulmans.
Les conditions de vie très rudes et l’absence d’espoir en leur avenir conduisent également de nombreux jeunes à se tourner vers le banditisme. La guerre des gangs fait rage dans les bas-fonds de Bombay. Il existe des gangs hindous et des gangs musulmans mais ici aussi la religion n’est qu’un prétexte. De l’autre côté de la barrière l’auteur nous présente Ajay, flic incorruptible qui pourchasse inlassablement les méchants mais n’hésite pas à provoquer des « rencontres » (=exécutions), seul moyen de régler leur compte aux plus dangereux car la justice est dépassée et corrompue.
La deuxième partie, Les plaisirs, tourne d’abord autour de Mona Lisa, une danseuse de bar et de sa collègue Honey qui est en fait un homme. Ce monde nocturne est étroitement lié avec la pègre et on y retrouve les protagonistes de la première partie. Ils sont également présents à Bollywood qui est pour les gangs une vache à lait (pratique courante de l’extorsion de fonds) et un moyen de blanchir l’argent sale par le financement des films.
Enfin la dernière partie, Passages, nous présente des personnes au moment où elles changent de vie. Une famille de sept personnes qui a toujours vécu dans une pièce dans un bidonville a enfin les moyens de s’acheter un appartement de deux pièces. De riches diamantaires renoncent à leurs richesses pour vivre en ascètes.
Suketu Mehta nous présente un visage passionnant de Bombay, à la fois repoussant et attirant. Venu y vivre pendant deux ans avec sa femme et ses deux jeunes enfants il est lui-même un de ses sujets d’étude. Il est arrivé ignorant de toutes les stratégies nécessaires à la survie dans la Maximum city, il a noué de nouvelles relations et il repart, comme ses personnages de Passages.