La modernité en Inde, au Pakistan, au Tibet et au-delà
Né en Inde en 1969, Pankaj Mishra vit aujourd’hui en Occident où il écrit pour des magazines littéraires. Les huit chapitres qui composent cet ouvrage ont, semble-t-il, été publiés préalablement dans la presse de façon séparée. Pour écrire ces reportages, l’auteur a voyagé à travers le sous-continent indien et dans les pays voisins. Il a rencontré divers responsables politiques, des membres de l’élite culturelle mais aussi de simples citoyens et les a interrogés sur l’évolution politique et économique de leur pays.
Cette façon de procéder m’a fait penser au travail de Naipaul (L’Inde, un million de révoltes) et je n’ai pas pu m’empêcher, tout au long de ma lecture, de faire des comparaisons. A ce jeu-là, c’est Naipaul qui gagne. Pankaj Mishra écoute et observe. A Allahabad, il rencontre une femme politique du Parti du Congrès qui prétend oeuvrer pour la promotion des pauvres paysans et qui lui parle surtout de ses séjours aux Etats-Unis. L’auteur transcrit les propos et les actes, parfois contradictoires mais ne pousse pas ses interlocuteurs dans leurs retranchements. Naipaul posait les questions justes qui obligent à réfléchir sur ses motivations et à ouvrir les yeux à ses propres incohérences. Il m’avait semblé en le lisant qu’être interrogé par Naipaul devait être un moyen de progresser pour une personne de bonne volonté.
Néanmoins Désirs d’Occident n’est pas sans intérêt. J’ai particulièrement apprécié la deuxième partie qui porte sur les progrès du fondamentalisme islamique en Inde (Cachemire), au Pakistan et en Afghanistan. Le chapitre sur le Cachemire venait à point nommé après ma lecture de Shalimar le clown (Salman Rushdie) pour mieux comprendre la difficile situation de cette région.
Dans cette partie, Pankaj Mishra montre bien comment le développement à deux vitesses qui permet à une minorité d’accéder à la consommation tandis qu’il laisse la majorité sur le bord de la route pousse les laissés-pour-compte de la croissance économique à se tourner vers des solutions extrémistes, islamisme dans les régions musulmanes mais aussi maoïsme au Népal (abordé dans la troisième partie). Le choix de l’islamisme est alors plus souvent l’expression d’un ressentiment social que d’une vraie conviction religieuse. D’autant plus que dans ces pays la modernisation s’est d’abord traduite par une généralisation de l’enseignement mais qu’ensuite la corruption omniprésente a réservé les postes correspondant aux diplômes obtenus aux enfants des dirigeants. On a donc ainsi créé une génération d’insatisfaits, enfants des classes modestes à qui on a permis de poursuivre des études sans leur offrir les débouchés correspondant à leurs aspirations.
Ce mal-développement qui précipite les pays dans la violence est d’ailleurs à mon sens beaucoup plus le sujet du livre que la modernité évoquée en couverture. En effet, le fil des Désirs d’Occident est parfois bien ténu, même en supposant que l’Occident se résume à la consommation.