Journaux intimes d’enfants et de jeunes gens, 1914-2004
Née à Sarajevo, Zlata Filipovic a tenu son journal pendant la guerre qui a frappé son pays à partir de 1991. En 1993 ce journal est publié et Zlata connaît la célébrité. Avec sa famille elle quitte Sarajevo à ce moment-là. Depuis elle s’est engagée avec l’ONU pour la préservation de la paix.
Avec Melanie Challenger elles présentent dans ce recueil des journaux d’enfants ou de jeunes gens pris dans différents conflits du 20° et du début du 21° siècle dans le monde. Cela va de Piete Kuhr, une petite Allemande témoin de la première guerre mondiale à Hoda Thamir Jehad jeune Irakienne au moment de l’intervention américaine contre Saddam Hussein. Il y a aussi des journaux de très jeunes combattants (20 ans) pendant la deuxième guerre mondiale, au Vietnam.
Cela semble une évidence de dire que la guerre raccourcit les enfances et fait mûrir prématurément. C’est bien ce que montre chacun de ces journaux, parfois de façon poignante quand les petits rédacteurs n’ont pas survécu aux événements qu’ils relatent.
A sa mère qui la réprimande parce qu’elle pleure à l’annonce de la mort d’un jeune soldat de leurs connaissances et qui lui demande de ne pas oublier qu’il est mort en héros, Piete Kuhr répond : « Je ne l’oublierai sûrement pas. En fait, si je pleure, ce n’est pas parce que nos soldats meurent en héros, mais simplement parce qu’ils meurent tout court. Plus de matin, plus de soir, ils sont morts. Quand le fils d’une mère meurt, elle sanglote à fendre l’âme, non parce qu’il est mort en héros, mais parce qu’il est parti, et qu’il est sous terre. Il ne s’assoira plus à table, elle ne lui coupera plus une tranche de pain, elle ne raccommodera plus ses chaussettes. Elle ne peut pas dire « merci » sous prétexte qu’il est mort en héros. (S’il te plaît, maman, ne te fâche pas contre moi). »
L’auteur de ces lignes avait 12 ans. J’ai particulièrement apprécié les extraits de son journal. Elle montre une grande ouverture d’esprit et le courage de ses opinions. Le résumé de sa vie qui suit ces extraits nous apprend qu’elle n’a pas changé en devenant adulte.
Autre guerre, autre témoin. Ed Blanco est un jeune Américain. En 1967, à l’âge de 19 ans, il s’est engagé pour un an au Vietnam. Il tue et il voit ses camarades mourir autour de lui. La note qui suit son journal nous apprend que « au moment même où il retrouvait le sol américain, en Californie, Ed Blanco se vit refuser un verre de bière dans un bar, au prétexte qu’il n’était pas majeur, bien qu’il soit en uniforme et vétéran du Vietnam. » Assez âgé pour se battre mais trop jeune pour boire de l’alcool. Cette anecdote montre bien toute l’absurdité de la guerre et l’hypocrisie de systèmes qui prétendent protéger la jeunesse (bien sûr qu’au Vietnam on ne lui a pas demandé ses papiers pour lui servir à boire).
La postface nous rappelle qu’aujourd’hui plus de 250 000 enfants soldats combattent à travers le monde. Que depuis 2003 plus de 11.5 millions d’enfants ont été déplacés à l’intérieur de leur pays et 2 400 000 contraints à l’exil. Que les mines antipersonnel blessent ou tuent 8 à 10 000 enfants chaque année. C’est donc un sujet d’actualité. Et un livre intéressant car les auteurs ont choisi des journaux représentatifs des conflits abordés.