Un jeune garçon de Bombay, Sandeep, passe ses vacances à Calcutta chez son oncle et sa tante et ses cousins Abhi et Babla. L’étrange et sublime adresse du titre c’est celle de la maison de Calcutta que Sandeep découvre ainsi écrite dans un livre de classe de son cousin Abhi :
« Abhijit Das
17 Vivekananda Road
Calcutta (Sud)
Bengale Ouest
Inde
Asie
Terre
Système Solaire
Univers »
Dans cette maison où se retrouvent les membres de la famille élargie le temps coule doucement. Les adultes discutent et font la sieste, les enfants jouent entre eux. Le soir on monte sur la terrasse prendre le frais et observer les voisins :
« Un bambin apprenait à marcher : il avançait un pied hésitant et prudent puis effectuait un pas avec une conviction mélodramatique; l’autre jambe oubliait qu’elle était jambe et l’enfant, dérouté par son propre corps, s’affaissait comme un petit tas. Alors il se mettait à pleurer et ses larmes faisaient sourire sa grande soeur. Elle se penchait vers lui et le soulevait dans ses longs bras adorables. »
Il ne se passe rien de particulier mais tout le livre est empreint de poésie et de la nostalgie d’une enfance paisible et insouciante. C’est particulièrement bien écrit, les descriptions sont travaillées, utilisant des comparaisons imagées :
« Au démarrage, le moteur et la carrosserie déglinguée unissaient leurs voix en un grincement caverneux, comme un vieux qui balance une plaisanterie obscène en dialecte guttural tout en continuant de s’esclaffer. »
En bref c’est un régal à lire et c’est pourquoi je ne résiste pas au plaisir de citer un dernier passage :
« Calcutta est une ville de poussière. Quand on se promène dans ses rues, on voit sur les trottoirs des monticules de poussière hauts comme des dunes, où chiens et enfants restent assis à ne rien faire, tandis que des ouvriers en sueur défoncent le macadam à coup de pioches et de marteaux-piqueurs. Sans cesse on démolit les routes, soit pour la construction du nouveau métro soit pour tout autre raison obscure, comme le remplacement d’une canalisation qui ne marche pas par une autre qui ne marche pas mieux. Calcutta se met alors à ressembler à une oeuvre d’art contemporain dénuée de sens et de fonction, mais qui continue d’exister pour quelque raison esthético-ésotérique. Partout des tranchées et des tas de poussière donnent à la ville l’air d’avoir été pilonnée. Les vieilles maisons aux murs apaisés s’effritent en lente poussière, leurs portails jadis rutilants sont désormais rouillés. Du plafond des bureaux s’écaille la poussière; les bâtiments tombent en poussière, les routes se font poussière. Sans cesse, sous l’action arbitraire du vent, la poussière s’érige en formes nouvelles surprenantes, des formes sur lesquelles les chiens et les enfants restent assis à ne rien faire. Jour après jour, sans un murmure, Calcutta part en poussière, et jour après jour, Calcutta renait de sa poussière. »
Allie le 3 novembre 2006 :
Ça semble être un très beau livre! Je l’ai noté! Merci pour cette belle critique 🙂
Réponse :
J’ai trouvé que l’auteur s’était bien mis dans la peau de ce petit garçon qui observe les adultes et qui trouve leur agitation bien dérisoire comparée aux vrais problèmes.Salut !