Contre-histoire d’un butin colonial
Taina Tervonen est une journaliste française d’origine finlandaise. Elle a vécu au Sénégal entre ses 7 et 15 ans, a été à l’école sénégalaise, parle le wolof.
En 1890 le colonel Archinard de l’armée française entre dans Ségou (Mali actuel) et y met la main sur un butin composé d’objets divers, de bijoux en or et argent et d’un sabre attribué à El Hadj Oumar Tall (1794.97-1864), érudit musulman, chef religieux et chef de guerre, déjà croisé dans Ségou sous le nom de El-Hadj Omar. Archinard capture aussi des femmes et des enfants dont le jeune prince Abdoulaye, petit-fil d’El Hadj Oumar Tall, enfant d’une dizaine d’années qu’il ramène avec lui en France.
Les otages ce sont les objets volés et l’enfant enlevé. Taina Tervonen est partie à la recherche de leur histoire au Sénégal et en France. Au Sénégal elle rencontre des descendants d’El Hadj Oumar Tall qui lui disent l’importance réelle et symbolique des objets ayant appartenu à leur ancêtre, elle va sur les lieux où se sont déroulés une partie des faits -elle n’a pas pu aller à Ségou à cause de la situation politique. Au Sénégal et en France elle explore les archives et interroge des historiens de la question coloniale avec lesquels elle aborde le sujet de la restitution des objets volés à leur pays d’origine.
Nombre des objets du butin de Ségou ont d’abord rejoint la collection privée d’Archinard avant d’être donnés à des musées. Muséum d’histoire naturelle du Havre dont était originaire le colonel, musées de l’armée, des colonies ou de l’homme avant de passer au musée du quai Branly où ils dorment dans les réserves quand ils n’ont pas été volés ou perdus. Un des arguments des personnes opposées à la restitution des biens spoliés pendant la colonisation est qu’ils seraient plus en sûreté en France. Taina Tervonen montre que cette croyance est pour le moins à nuancer. Le sabre attribué à El Hadj Oumar Tall a été rendu au Sénégal par Edouard Philippe en 2019. Au musée du quai Branly on travaille aujourd’hui à établir la provenance des collections, tâche colossale.
Quant au sort du jeune Abdoulaye enlevé à sa famille, élevé dans les principes de la République française mais qui finit par se rendre compte qu’il est traité en fils de vaincu, je le trouve bien triste.
J’ai trouvé cet ouvrage fort intéressant et tout à fait accessible. Taina Tervonen raconte de façon vivante les étapes de son voyage au Sénégal, ses rencontres avec des personnes ressources, ses recherches dans les archives. J’apprécie le regard post-colonial qu’elle porte sur son sujet.
Il faut sans cesse revisiter ce passé, en sachant que, les colonisateurs voulaient sans doute (et ce n’est pas toujours vrai) faire oeuvre de « civilisation »
Oui mais une volonté civilisatrice appuyée sur un sentiment de supériorité raciste. A propos des bijoux volés à Ségou il y a des textes de l’époque qui disent qu’ils ne peuvent pas être de facture africaine -ce qu’ils sont bien- car beaucoup trop finement travaillés.
Cet essai semble captivant, à la fois parce qu’il traite de l’histoire de l’Afrique (que je connais très peu) et parce qu’il décrit comment l’autrice mène sa quête.
Oui, tout à fait.
C’est une question complexe et j’aimerais mieux la cerner car les enjeux sont multiples et souvent liés à des préjugés racistes comme tu le soulignes. Il faut déconstruire beaucoup de clichés !
Il y a du travail !