Paula, née sans jambes, a été abandonnée à la naissance. A 28 ans c’est une jeune femme volontaire qui ne supporte pas qu’on la traite avec commisération. Elle est professeure à l’université, doctorante et assez solitaire. Elle fait la connaissance de Martin qui fantasme sur les femmes amputées et qui a le coup de foudre pour elle. Mais Paula reste très circonspecte : le fantasme de Martin l’inquiète un peu et elle n’a jamais eu de relation amoureuse. Et puis il y a aussi Léo, la meilleure amie de Martin, une lesbienne grande gueule et qui met volontiers les pieds dans le plat. Léo hérisse Paula dès leur première rencontre.
A partir d’un point de départ un peu risqué (cet attrait pour les femmes amputées), Sara Lövestam construit une charmante histoire d’amour, pas exactement celle que j’attendais. C’est son talent de surprendre le lecteur car, tout au long du roman, elle sème de faux indices qui font croire que… alors que finalement, non ou pas tout à fait. Elle m’avais baladée comme ça aussi dans Chacun sa vérité.
Autour de Paula, Martin et Léo, il y a de nombreux personnages secondaires. Certains ne passent que très rapidement dans le récit mais on a droit à un petit détail qui les rend vivants. Encore un roman de Sara Lövestam qui traite de l’acceptation de la différence et que j’ai apprécié.
Je retrouve avec grand plaisir Kouplan, détective sans papiers à Stockholm. Cette fois-ci il est à la recherche d’une arnaqueuse, mythomane de talent qui a escroqué 200 000 couronnes à une conseillère municipale aux dents longues.
Dans ce deuxième épisode Sara Lövestam développe plus à fond les difficultés de la vie d’un étranger clandestin. C’est ça le vrai sujet du roman, plus que l’enquête qui est surtout un prétexte. Âgé de 25 ans, Kouplan a quitté l’Iran à 19 ans, après la disparition de son frère. Depuis il est sans aucune nouvelle de sa famille, ce qui l’angoisse. En Suède, il vit dans la crainte permanente d’être arrêté. Un souci de santé prend vite des proportions énormes : où trouver un médecin qui ne l’interroge pas sur son identité ? Il est obligé de mentir ou de dissimuler qui il est, ce qui dresse un obstacle au développement de relations durables d’amitiés. Notre héros est un personnage solitaire. Toutes ces difficultés sont renforcées par le fait que Kouplan est trans et j’ai été émue par la situation de ce garçon courageux.
Sara Lövestam est professeure de suédois langue étrangère, elle travaille avec des immigrés et elle s’est appuyée sur ce qu’elle sait de ses élèves et de leur vie pour écrire cet ouvrage, bien documenté sur ce sujet. Par ailleurs elle propose une analyse psychologique fine de ses personnages, elle a le souci de montrer ce qui peut expliquer leurs agissements, même quand ils ne sont pas très sympathiques à priori. J’apprécie tout cela et j’attends avec impatience la sortie en français du troisième épisode de cette série (quatre sont prévus).
Je termine par un passage de la chronique de Paul B. Preciado parue dans Libération du 24-25 février 2018. Lui aussi fait le lien entre migrant et trans : « Pour un migrant ou pour un trans, le succès du voyage dépend de la générosité avec laquelle les autres vous accueillent et vous soutiennent, sans penser constamment « voici un étranger » ou « je sais que vous êtes réellement une femme », mais en voyant notre singularité de corps vulnérable à la recherche d’un autre endroit où la vie pourrait prendre racine ».
Patience Portefeux est traductrice français-arabe pour le ministère de la justice. Au tribunal pour les prévenus qui ne parlent pas le français, au commissariat lors des interrogatoires mais de plus en plus souvent pour la traduction des écoutes téléphoniques de petits dealers. C’est par ce biais qu’elle entre en possession d’une grande quantité de cannabis qu’elle va s’employer à vendre. Pour ses clients, elle devient alors La daronne.
J’ai beaucoup apprécié ce réjouissant policier et son personnage amoral. Patience est bien placée pour connaître les arrangements avec la loi de la police et de la justice et elle s’en donne à coeur joie pour rouler un employeur qui la fait travailler au noir :
« C’est d’ailleurs assez effrayant quand on y pense, que les traducteurs sur lesquels repose la sécurité nationale, ceux-là même qui traduisent en direct les complots fomentés par les islamistes de cave et de garage, soient des travailleurs clandestins sans sécu ni retraite. Franchement, comme incorruptibilité on fait mieux, non ? »
Hannelore Cayre est avocate pénaliste et elle aussi est bien placée pour connaître ce dont elle traite. C’est donc un ouvrage qui a la saveur du vécu, très crédible. Par ailleurs elle porte un regard très critique sur la société française et ses travers. Il est notamment question des conditions de fin de vie des personnes âgées dans des EPHAD qui ressemblent à des mouroirs faute de personnel mais aussi du peu de perspectives laissées aux jeunes, particulièrement quand ils sont issus de l’immigration :
« Malgré tous ses efforts, à la sortie des études, il avait pris en pleine face le Grand Mensonge français. La méritocratie scolaire -opium du peuple dans un pays où on n’embauche plus personne, encore moins un Arabe- ne lui apporterait pas les moyens de financer ses rêves ».
La critique est mordante, l’humour caustique et c’est très bien écrit : je me suis régalée.
Malte est un petit garçon de cinq ans qui vit dans un foyer perturbé : maman et son compagnon, Ove, se disputent souvent. Ove frappe maman et après elle boit. Quand elle a bu, elle s’endort. A la maison le ménage est rarement fait. Des vêtements, des emballages, des cadavres de bouteilles traînent partout. Mais maman a prévenu Malte : il ne doit jamais parler à la crèche de ce qui se passe à la maison. Sinon on viendra le prendre et ils seront séparés.
A la crèche, Malte est un enfant silencieux et bagarreur. Autour de la crèche tourne Roger qui entre en contact avec Malte puis avec sa mère à qui il propose de garder le petit à l’occasion, pour la décharger. En face de la crèche vit le Témoin qui sort rarement de chez lui mais observe tout depuis sa fenêtre. Les agissements de Roger ne lui échappent pas et lui rappellent de mauvais souvenirs.
Il est question dans ce roman de prédateurs pédophiles, un sujet difficile mené avec délicatesse. L’histoire est racontée à hauteur d’enfant mais l’auteure nous fait partager aussi le point de vue des adultes. Ceux qui ne voient pas ce qui se passe sous leurs yeux, ceux qui voient et se demandent ce qu’ils doivent faire. Je retrouve le thème cher à Sara Lövestam de l’acceptation de la différence à travers un personnage transgenre : « J’aimerais que quand on me regarde, on voie un être humain, j’aimerais inspirer la curiosité ou le désintérêt en raison de mes connaissances ou de ma personnalité. Mais les gens que je rencontre se disent tous : Est-ce que c’est un homme ou une femme ? »
« Si la police ne peut rien pour vous, n’hésitez pas à faire appel à moi ».
Kouplan, jeune réfugié iranien en Suède, sans papiers, propose ses services sur internet comme détective privé. Il est contacté par Pernilla dont la fille Julia, six ans, a été enlevée il y a près d’une semaine. Pernilla n’a pas alerté la police. Tout comme Kouplan, elle ne tient manifestement pas à ce que les autorités s’intéressent à elle. Pourquoi ? En tant que clandestin, en tout cas, Kouplan a des contacts parmi les gens qui se cachent. Il va les activer pour retrouver Julia et découvrir des agissements pas bien sympathiques.
J’ai beaucoup apprécié ce très bon policier que je pourrais qualifier de thriller psychologique. Ici, pas de tueur psychopathe mais des truands de base qui trempent dans la traite des femmes. Cela n’empêche pas qu’il y ait du suspense, qui repose sur les secrets des personnages. Sara Lövestam affectionne les gens différents, qui n’ont pas les bons papiers : étranger, fou, queer. Elle les décrit avec bienveillance, avant tout comme des êtres humains, ce que je trouve très plaisant.
Le dénouement est plutôt inattendu, bien amené, crédible et moralement satisfaisant. C’est une lecture positive, qui m’a fait du bien et qui m’a donné envie d’explorer plus avant l’oeuvre de cette auteure que je ne connaissais pas.
J’aime bien aller à l’hôtel. On n’a besoin de s’occuper de rien. Anonyme dans un lieu inconnu on peut s’imaginer une autre vie pour une nuit ou pour quelques jours.
Rudolf Brazda (1913-2011) est né en Allemagne de parents Tchèques. Condamné en 1937 pour homosexualité il est expulsé d’Allemagne et choisit de s’installer en Tchécoslovaquie. Après l’annexion du pays par les nazis il est de nouveau condamné et envoyé au camp de concentration de Buchenwald en août 1942. Affecté d’abord à la carrière de pierre du camp, où le travail est particulièrement dur, Rudolf doit ensuite à son métier de couvreur de se retrouver dans un kommando bâtiment, moins rude. Il y fait la connaissance de Fernand Beinert, originaire d’Alsace et communiste comme lui avec qui il se lie d’amitié. Il y a une solidarité entre les détenus communistes qui fait partie des éléments qui ont permis à Rudolf de survivre. Après la libération de Buchenwald, Rudolf suit Fernand en Alsace, où il se fixe.
Jean-Luc Schwab est délégué régional en Alsace de l’association Les oublié-e-s de la mémoire qui oeuvre pour la connaissance et la reconnaissance de la déportation pour motif d’homosexualité. Il a fait la connaissance de Rudolf en 2008 après avoir lu un article sur lui dans la presse locale. A partir de ce moment là ils se sont rencontrés régulièrement et ils ont voyagé ensemble sur les anciens lieux de vie et de déportation de Rudolf. L’auteur a croisé les entretiens qu’ils ont eu avec des témoignages d’autres personnes et des recherches dans les archives allemandes, tchèques et françaises.
J’ai apprécié de découvrir la vie insouciante de Rudolf avant son arrestation, dans une petite communauté homosexuelle qui ne se cache pas vraiment malgré les nazis et la délation. J’ai appris des choses sur le fonctionnement du camp de Buchenwald -je crois bien que je n’avais jamais rien lu sur ce camp. Les déportés pour homosexualité y ont toujours été minoritaires (moins de 1 %). Ils sont 75 à la fin de l’année 1942, 189 fin 1944. On estime aujourd’hui qu’en tout 10 000 personnes ont été déportées pour homosexualité dont 40 % seulement ont survécu.
La tradition façon vegan C’est le titre et le concept (proposer des adaptations véganes des classiques de la cuisine française) qui m’ont attirée vers cet ouvrage. Après une introduction dans laquelle l’auteur se présente lui-même puis présente quelques bases de la cuisine végane (remplacer la viande, remplacer la crèmerie) et de la cuisine tout court (tailles des légumes), les recettes sont classées en trois sections : les entrées : salade niçoise, quiche lorraine… les plats : blanquette à l’ancienne, choucroute garnie… les garnitures : ratatouille niçoise (ça je n’en avais jamais vu de version avec des produits animaux, de toute façon), champignons farcis…
C’est un livre grand format, avec de très nombreuses photos pleine page (ce que j’apprécie) et très classe. Il adopte le code couleur de son auteur (plusieurs photos de lui me laissent à penser que Sébastien Kardinal aime le noir) : fond noir, photos et pages encadrées de noir -ce qui peut avoir un petit côté faire-part de décès. Personnellement je trouve surtout que ça fait un peu m’as-tu-vu. J’ai été un peu déçue par les recettes que j’ai essayées. Elles demandent pas mal de travail et ne sont pas toujours aussi goûteuses que je l’aurais souhaité. Marie Laforêt propose parfois ces mêmes plats dans des versions que je préfère.
La recette du jour est le hachis parmentier, pour 6 personnes : Ingrédients : 1 kg de pommes de terre bintje 1 carotte 1 branche de céleri 1 oignon 1 échalote 1 gousse d’ail 20 cl de lait de soja 100 g de protéines de soja texturé (fin) 1/2 l de bouillon de légumes 1 c-à-s de paprika fumé huile d’olive, sel, poivre, noix de muscade, chapelure
Recette : Laver et éplucher les pommes de terre, les tailler en gros morceaux puis les faire cuire dans un grand volume d’eau bouillante salée durant 25 à 30 mn. Vérifier la cuisson à l’aide de la pointe d’un couteau. Egoutter les pommes de terre et les écraser à l’aide d’un presse purée. Délayer avec le lait de soja, 1 c-à-s d’huile d’olive, mélanger jusqu’à obtenir une texture onctueuse et lisse. Saler, poivrer et râper 1/8° de noix de muscade (ça me paraît énorme), mélanger et réserver.
Nettoyer et tailler en petits dés la carotte, la branche de céleri, l’oignon et l’échalote. Ecraser la gousse d’ail et faire revenir tous les légumes dans une grande poêle avec un filet d’huile d’olive durant 5 mn à feu vif. Pendant ce temps, réhydrater le soja texturé avec le bouillon et assaisonner avec le paprika fumé, laisser poser 1 mn et mélanger.
Ajouter le soja texturé aux légumes et laisser revenir ensemble durant quelques minutes. Goûter et corriger l’assaisonnement si besoin.
Dans un plat à gratin, verser la préparation de hachis, couvrir avec la purée et saupoudrer généreusement de chapelure. Enfourner dans un four chaud à 180°C durant 30 à 40 mn.
Ma variante : j’ai trouvé que la couverture de chapelure était un peu sèche. Je vous propose une alternative, c’est celle de Marie Laforêt : un mélange de 5 c-à-s de levure maltée, 3 c-à-s d’huile d’olive et 7 c-à-s de crème de soja que l’on étale dessus : délicieux.
Les protéines de soja texturé, qu’est-ce que c’est ? On les appelle aussi PST. Il y en a de plusieurs tailles : petites, moyennes, escalopes… C’est un ingrédient sec fabriqué à partir de farine de soja. On les fait tremper dans du bouillon épicé pour les réhydrater avant de les cuisiner. Les petites ressemblent alors à s’y méprendre à de la viande hachée (mais je n’irais pas prétendre qu’elles en ont le goût). Je les achète dans mon magasin bio habituel. Dans un magasin végétarien ou végane on aurait plus de choix sur la taille et la forme.
« Ce qui vieillit un être, vois-tu, ce sont les adieux ; plus on a fait d’adieux dans sa vie, et plus on est vieux. »
Tanguy est né en Espagne juste avant la guerre civile. En 1939, il a 5 ans, sa mère et lui fuient pour la France où ils retrouvent le père de Tanguy qui est Français. Puis, un temps, mère et fils sont internés au camp de Rieucros en Lozère, un camp de concentration français pour les indésirables et les étrangers. Puis ils sont séparés et Tanguy est envoyé dans un nouveau camp de concentration, en Allemagne cette fois. Il a 12 ans. Après la guerre il est de nouveau interné mais à présent dans un orphelinat et centre de redressement espagnol. Cela vaut le camp de concentration. D’ailleurs les acolytes de la direction, choisis parmi les pensionnaires de droit commun, sont appelés kapos.
Tanguy c’est Michel del Castillo enfant car derrière ce récit d’une jeunesse précaire et ballotée, il y a une histoire vraie. Je suis admirative de la force de caractère dont à fait preuve l’auteur, et si jeune, pour ne pas sombrer dans la violence et continuer de croire en l’amour. C’est qu’à chaque étape de son parcours il y a eu de belles rencontres, des personnes qui -même au fond de la plus grande misère- lui ont montré le côté positif de l’être humain : Rachel, l’internée juive de Rieucros ; Gunther, le prisonnier allemand du camp de concentration ; Firmin, le jeune parricide du centre de correction ; enfin le bon père Pardo et l’oncle Norbert et sa femme qui suppléent les parents défaillants. Mais ça a aussi été la force de Michel del Castillo de saisir ces occasions, de s’y accrocher et de s’en nourrir.
J’ai apprécié cette lecture d’un auteur que je ne connaissais pas et ça me donne envie d’en découvrir plus de lui. J’ai aimé aussi l’écriture. Tanguy n’est pas le narrateur et semble observer tout ce qui lui arrive avec détachement.
Josée (1911-1992) était la fille unique de Pierre Laval. Le père et la fille avaient une relation privilégiée faite d’amour et d’admiration réciproques et qui n’a jamais faibli. Jeune fille, Josée Laval accompagne son père -alors président du conseil- dans ses déplacements officiels. Elle remplace sa mère qui n’aime pas les mondanités. En 1935 elle épouse René de Chambrun et en 1936 elle commence à tenir des carnets dans lesquels elle note, en abrégé, les événements de sa vie. C’est sur cette matière première que s’est appuyé Yves Pourcher pour rédiger son livre. Il a eu accès aussi à la correspondance de Josée Laval.
La vie de Josée Laval est une vie de mondanités où l’argent n’est jamais un problème. Elle mange au restaurant plusieurs fois par semaine, elle va dans des soirées où elle rencontre le tout Paris, aux défilés des grands couturiers chez qui elle s’habille, le week-end aux courses pour parier. Avec son mari qui a la citoyenneté américaine, ils voyagent beaucoup, vers les Etats-Unis jusqu’à trois fois par an (trajet en bateau qui dure cinq jours). Ces activités sont à peine perturbées par l’Occupation (seuls les voyages aux Etats-Unis sont suspendus). Dans ses carnets, elle continue d’énumérer ses rencontres. Maintenant, des noms allemands se mêlent aux français. Parmi les Français, collaborateurs politiques ou mondains, on retrouve très fréquemment René Bousquet, Jean Jardin, Paul Morand, Coco Chanel et Arletty.
Cette vie déconnectée du réel m’a fascinée. Je me suis demandée pendant un bout de temps quelle était la position de l’auteur qui livre souvent le document sans jugement personnel. Et puis, sans avoir l’air d’y toucher, il dit les choses. Ainsi à propos de la raffle du Vel’ d’hiv : « Le lieutenant Gerhard Heller de la Propaganda-Stafel dira plus tard : « Lorsque j’appris les massacres des ghettos et des camps d’extermination, que je vis en juillet 1942, les files d’enfants juifs conduits vers des wagons à bestiaux à la gare d’Austerlitz, j’eus les yeux définitivement ouverts par ces horreurs. » Ce jour-là, René de Chambrun gagne aux courses de Maison-Laffitte. Maurice d’Arhempé et Raimu passent voir Josée et ils restent dîner. Le lendemain, Benoist-Méchin vient pour le repas du soir. Il accepte de prendre le chien qu’elle a trouvé et qu’elle a appelé Hyménée. » Cela me fait penser au « Rien » marqué à la date du 14 juillet 1789 par Louis 16 dans son carnet de chasse.
A aucun moment Josée ne s’oppose aux choix politiques de son père qu’elle considère comme un patriote, voire même un résistant. Son exécution en octobre 1945 est pour elle un assassinat. Elle ne s’en est jamais remise et s’est dès lors consacrée au culte de Laval. A une amie qui lui demande : « Tu travailles à la réhabilitation de ton père ? », elle répond : « Est-ce qu’on réhabilite Jésus-Christ ? ». Autour d’elle s’est constitué un petit groupe de fidèles.
La description de la France des années 1930 renvoie parfois de façon troublante à la situation actuelle : « Dans une France en crise où le nombre des chômeurs ne cesse de grossir, les gouvernements se succèdent sans résultats tangibles. Le mécontentement est général et la menace extérieure, depuis qu’Hitler a pris le pouvoir en Allemagne, inquiète. Exploités par la presse, L’Action française, Candide et Gringoire en tête, les scandales jettent le discrédit sur la classe politique ».
Cette lecture m’amène ainsi à me poser des questions sur les choix individuels. Où commence la collaboration ? Je vois des acteurs célèbres qui continuent de jouer dans des salles dont le public est composé en partie des forces d’occupation. En même temps, il faut bien vivre. Et puis je lis la relation du scandale causé par la mise en scène d’Andromaque par Jean Marais et je comprends que jouer peut aussi être une forme de résistance.
J’ai trouvé cet ouvrage passionnant. Contrairement à ce que m’avait laissé penser le titre, le sujet n’est pas Pierre Laval mais plutôt Josée et la relation entre Josée et Pierre. Je suis obligée de dire que leur amour inconditionnel humanise ce dernier et le rend presque sympathique. Ca m’a donné envie de lire maintenant une biographie de Laval ou une histoire de Vichy.